Une nouvelle année liturgique commence : qu’elle soit bonne pour tous ! Quelques verbes peuvent guider notre réflexion en ce temps de l’Avent et particulièrement ce premier dimanche : Commencer et recommencer notre marche, revenir vers Dieu pour un renouveau de notre foi, tenir solidement jusqu’au bout dans l’espérance, prendre garde et veiller à chaque instant.
Les verbes « commencer » et « recommencer » d’abord. Cette deuxième année liturgique du cycle des trois, nous seront proposés des textes que nous connaissons. Nous en recommençons donc la lecture. Ils n’ont pas changé, mais nous, quels changements avons-nous vécus depuis trois ans ? Qu’avons-nous eu à commencer et à recommencer ? De quoi sera faite cette année qui vient ? Qu’il s’agisse de l’histoire humaine, de l’histoire du salut, de notre histoire personnelle, toutes sont tissées de récits de commencements et de recommencements. D’année en année, de dimanche en dimanche, il est bon de remettre sans cesse sur le métier de notre vie et de notre foi, cet ouvrage qu’est la rencontre avec notre Dieu et Père, le Christ notre sauveur, autour des deux tables de la Parole et de l’eucharistie. A travers les ombres et les lumières, en amour comme en alliance avec Dieu, il est nécessaire de maintenir et d’entretenir au fil du temps la ferveur des commencements et le courage de toujours se relever, de repartir et de poursuivre le chemin.
Pour Israël, le long temps de l’exil avait été un temps d’épreuve, mais aussi un temps d’espérance suivi d’un exaucement. Le peuple, en effet, s’en était allé dans les larmes et était revenu d’exil en chantant, plein de dynamisme pour tout recommencer à neuf, pour repartir d’un bon pied, pour mener une vie plus juste et vivre des temps nouveaux, en se souvenant de ses erreurs passées. Mais il retombe dans ses infidélités et ses routines. Il espérait du nouveau, du meilleur et voilà qu’il redevient esclave du péché. Tout est encore à recommencer. Dieu est-il disposé à recommencer, lui aussi, à sauver son peuple une fois encore ? D’où désolation, désespérance et supplication d’une grande intensité formulées par le prophète Isaïe au nom de son peuple.
Tu es, Seigneur, notre Père, notre Rédempteur : tel est ton nom depuis toujours.
Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de ton chemin,
pourquoi rends-tu nos cœurs insensibles à ta crainte ?
Reviens, pour l’amour de tes serviteurs et des tribus qui t’appartiennent.
Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes fondraient devant toi.
Voici que tu es descendu, et les montagnes ont fondu devant ta face.
Jamais on ne l’a entendu ni appris, personne n’a vu un autre dieu que toi
agir ainsi envers l’homme qui espère en lui.
Tu viens à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie
et qui se souvient de toi en suivant ton chemin.
Tu étais irrité par notre obstination dans le péché, et pourtant nous serons sauvés.
Nous étions tous semblables à des hommes souillés,
et toutes nos belles actions étaient comme des vêtements salis.
Nous étions tous desséchés comme des feuilles, et nos crimes, comme le vent, nous emportaient.
Personne n’invoquait ton nom, nul ne se réveillait pour recourir à toi.
Car tu nous avais caché ton visage, tu nous avais laissés au pouvoir de nos péchés.
Pourtant, Seigneur, tu es notre Père. Nous sommes l’argile, tu es le potier :
nous sommes tous l’ouvrage de tes mains.
Le prophète supplie Dieu de « revenir » encore une fois. Un verbe qui est repris dans le psaume 79 de ce dimanche. « Reviens, Dieu de l’univers ». Le psalmiste inverse aussi la prière : « Dieu, fais-nous revenir, que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés. » Elles sont si nombreuses dans nos vies, dans la vie de nos proches, dans la vie du monde nos attentes d’un « revenir », d’un accomplissement, d’un apaisement, d’un soulagement, d’une guérison, d’une consolation, d’une réconciliation, d’un travail retrouvé, d’une plus grande justice. Elles sont nombreuses aussi nos désolations, nos désespérances devant l’irruption répétée de nos épreuves et de nos faiblesses. Comme le prophète nous soupirons alors : Ah ! Si seulement tu revenais, si seulement tu nous faisais revenir à toi ! En ce temps de l’Avent supplions le Seigneur de revenir et de nous faire revenir. Soyons la voix de toutes les désespérances du monde, faisons monter vers Dieu cet immense soupir de l’humanité, et portons dans notre prière toutes ses aspirations et ses attentes.
En ce temps de l’Avent, face aux malheurs du monde, face à nos faiblesses et nos trahisons, gardons confiance. Comme Isaïe, nous pouvons dire : « Voici que tu es venu ». En Jésus, son Fils, nous avons vu à l’œuvre en effet, la tendresse du Père et sa volonté qu’aucun de ses enfants ne se perde mais se relève encore quand il tombe, et reprenne la route avec courage. Au Christ aussi nous pouvons adresser la même prière : Reviens, Seigneur Jésus, et de même que tu avais soufflé sur tes disciples pour leur donner ton Esprit Saint, fais-nous sans cesse revenir à toi et accompagne-nous sur les chemins de cette année nouvelle. Redis-nous tes souhaits comme saint Paul adressait les siens aux chrétiens de Corinthe.
À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet,
pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ;
en lui vous avez reçu toutes les richesses,
toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu.
Car le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous.
Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque,
à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ.
C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout,
et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ.
Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés
à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.
« Tenir », un verbe riche de sens : tenir solidement dans la foi, voilà à quoi nous appelle encore ce temps de l’Avent. Tenir bon pour les croyants aujourd’hui dans un monde qui affiche son incroyance, demande du courage et la possibilité de nous encourager les uns les autres en puisant aux sources de l’Evangile. L’histoire en effet n’est pas finie. Tenir jusqu’au bout dans l’espérance et ne pas baisser les bras, car nous attendons encore la venue du Christ en Gloire. Nous attendons que Dieu achève en l’humanité ce qu’il a commencé.
Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Prenez garde, veillez :
car vous ne savez pas quand viendra le moment.
Il en est comme d’un homme parti en voyage :
en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs,
fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra,
le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin.
Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : « Veillez ! »
« Veillez », dit Jésus. Peuple de l’espérance, nous sommes un peuple de veilleurs aux portes, de portiers. Non pas pour empêcher les gens d’entrer, mais pour garder grande ouverte la porte pour Dieu. Dans les nuits du monde le Christ nous invite à veiller. Relayons-nous donc pour prendre le quart, à chaque moment de nos longues nuits. Des nuits où se succèdent quatre moments, quatre étapes. Que ce soit « le soir, à minuit, au chant du coq ou au matin », soyons les portiers et les sentinelles de l’espérance. Ce sont là quatre moments symboliques, quatre couleurs de l’attente nocturne chez les personnes éprouvées par le deuil, la maladie, le chômage, la dépression.
A chaque premier jour de l’an nouveau nous formulons des vœux les uns pour les autres. Voici les miens en ce premier dimanche de la nouvelle année liturgique.
Que vienne la paix, Seigneur pour les peuples en guerre,
Que vienne le retour à la maison pour les exilés,
Que vienne la justice pour les victimes de toute espèce d’oppression,
Que vienne le bien-être pour ceux que torture la douleur,
Que vienne la sérénité pour les angoissés, les stressés,
Que vienne la lumière pour ceux qui sont dans le noir,
Qu’ils trouvent un emploi, un logement, des papiers d’identité
tous les exclus du travail et de la vie sociale,
Que brillent l’amour et l’amitié pour les cœurs solitaires,
Que vienne la liberté pour ceux qu’on a enfermés,
ou qui se sont enfermés eux-mêmes,
Que vienne le pardon pour ceux qui ont été offensés,
et peut-être surtout pour tous et pour chacun,
Que vienne la consolation entre des bras paternels, maternels,
ou tout simplement fraternels, pour les privés de tendresse…
Évangile : selon saint Marc – Mc 13, 33-37