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Fête de l’Ascension – 21 mai 2020

Lorsque meurent un proche ou un ami vient le temps du deuil. Il faut souvent un long moment pour accepter son absence, pour se souvenir et pour organiser la vie autrement, car l’homme meurt mais son absence ne meurt pas. Il faut laisser au temps du temps pour que le deuil fasse son travail. Cela peut durer un an ou bien plus parfois. C’est un peu le sens de cette fête de l’Ascension. Elle arrive quarante jours après la fête de Pâques. « Quarante », un chiffre symbolique dans la Bible. Il faudra à Israël quarante ans de traversée du désert pour passer de la servitude à la liberté. Jésus lui aussi passera quarante jours dans le désert face au choix qu’il devra faire pour accomplir la volonté de son Père. Entre Pâque et l’Ascension, Jésus est apparu à ses disciples, a manifesté sa présence au milieu d’eux quand ils se retrouvaient pour faire mémoire de lui, de son enseignement, de ses miracles, de son procès et de sa mort. Et aussi pour se rappeler les uns aux autres l’envoi en mission qu’ils avaient reçu de lui.

Pour la fête de l’Ascension, nous est présenté chaque année liturgique le même texte de saint Luc qui ouvre le Livre des Actes des apôtres. En historien, Luc rappelle de manière brève dans quelles circonstances Jésus, après être apparu aux Apôtres a été « enlevé au ciel ». C’est à Jérusalem qu’il leur avait demandé de rester, écrit saint Luc. Curieusement, ils sont encore rivés à leur attente du moment où Jésus allait enfin accomplir son œuvre de Messie et rétablir le Royaume pour Israël. De nouveau Jésus les prépare à une attente différente qu’ils allaient enfin comprendre.
Il allait les quitter mais ils allaient recevoir une force quand le Saint-Esprit viendrait sur eux. Leur mission serait de témoigner de lui non seulement à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, à tous les groupes humains, sans discrimination, mais jusqu’aux extrémités de la terre. Puis ils l’ont vu s’élever, disparaître à leurs yeux. Ils sont restés fixer le ciel sans bien comprendre encore.

Les deux autres lectures de la Liturgie changent chaque année. En cette année A, nous lisons la finale de l’Évangile de saint Matthieu. La tradition qui est la sienne n’est pas la même que celle de saint Luc. Jésus avait dit aux femmes quittant le tombeau vide : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. » (Mt 28, 10) L’envoi universel a lieu plus précisément sur « la montagne ». On se rappelle celle où le démon montrait à Jésus tous les royaumes de la terre, le mont des Béatitudes où le Maître proclamait la charte du Royaume et la montagne de la transfiguration où se manifesta la gloire du Fils de l’homme.

La foi progresse dans le groupe des Onze mais certains membres ont encore des doutes. Ce qu’ils ont vécu et vivent avec Jésus a été tellement inattendu ! C’est dans l’agir missionnaire auprès de toutes les nations que les disciples pourront vaincre leurs doutes.
La mission consiste pour les disciples à susciter d’autres disciples, des hommes et des femmes qui suivent l’enseignement de Jésus. Sa parole transfigure leur propre existence. Ils partagent leur expérience avec les autres, « leur apprenant à garder tous les commandements» de Jésus qui se résument en sa loi d’amour.
Leur mission est sans cesse de former une communauté, celle de gens qui, par le rite du baptême, veulent enraciner leurs liens mutuels dans une commune appartenance « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (v. 19). Cette formulation trinitaire est unique dans le Nouveau Testament qui parle du baptême « au nom de Jésus » ou « dans l’Esprit ». Cette triple dénomination s’inspire sans doute de la liturgie baptismale en vigueur dans l’Église de Matthieu. Celui-ci l’accepte volontiers et renvoie par là ses lecteurs à tout ce qu’ils ont appris du Père, du Fils et de l’Esprit.
La dernière parole qu’il adresse aux Onze, exprime le paradoxe de la foi chrétienne et du sens de l’Ascension. Au moment où Jésus les quitte, il leur dit qu’il est avec eux tous les jours jusqu’à la fin du monde. C’est d’une manière nouvelle qu’il sera désormais présent avec eux et en eux.

Saint Paul déploiera beaucoup d’énergie pour accompagner et exhorter les croyants qui vivent et témoignent de Jésus ressuscité à Éphèse, une grande ville païenne. Il les invite à ne pas laisser s’éteindre sa lumière dans les yeux de leur cœur, à garder vive l’espérance qui les ouvre à son appel, à la gloire sans prix de l’héritage qu’ils ont à partager avec tous. Et pour tout cela, qu’ils rendent grâce pour la puissance incomparable, l’énergie, la force, la vigueur que Dieu a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts, et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Paul ne parle pas d’une ascension de Jésus. Mais il proclame que Dieu l’a « établi » au-dessus de tout être céleste, et qu’il a fait de lui la tête de l’Église qui est son corps, et l’Église, c’est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude.

Évangile : selon saint Matthieu – Mt 28,16-20