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Fête de tous les saints – 1er novembre 2020

    La fête de « Toussaint » a changé de nom. On l’appelle désormais la Fête de « tous les saints ». Elle s’écrit au pluriel et non plus au singulier. Dans la Bible, on présente Dieu comme le seul Saint. « Le Saint, béni soit-il », telle est une manière usuelle de le nommer dans le judaïsme. Ce qui veut dire qu’il n’y a en lui que volonté et capacité d’agir pour le bien, d’agir par amour et bonté, alors qu’en nous, les humains, coexistent le bien et le mal. « Le bien que nous voulons nous ne le faisons pas, et le mal que nous ne voulons pas, nous le faisons », comme l’a écrit saint Paul, parlant de lui-même. Les chrétiens oseront dire que Jésus lui aussi est « le seul Saint » le seul homme qui ait été la parfaite image du Dieu Saint. Un homme qui n’avait en lui que volonté et capacité d’agir pour le bien, d’agir par amour ; un homme qui a toujours résisté au péché sous toutes ses formes. Vient ensuite la sainteté des baptisés. Paul appelait les chrétiens « les saints ». Par le baptême, tous sont sanctifiés parce qu’aimés de Dieu, participant à la sainteté de son Fils, comme l’a écrit saint Jean dans sa première Lettre.

Voyez quel grand amour nous a donné le Père
pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes.
Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu.
Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu,
mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté.
Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables
car nous le verrons tel qu’il est.
Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. 

    La sainteté n’est pas d’abord la perfection morale, l’absence d’erreurs et de défauts. Elle est le fruit du regard d’amour de Dieu sur ses enfants. Il a fait alliance avec eux et leur a manifesté son amour. Depuis que son Fils est devenu leur frère et les a sauvés, il leur a communiqué sa vie par le baptême en son nom et les a rendus participants à sa sainteté. A ses yeux, ils sont saints puisqu’il les aime. Étant ses enfants, ils reçoivent son nom. Bien que pécheresse, l’Église elle aussi peut se déclarer sainte ! Le regard de Dieu ressemble à celui des parents sur leurs enfants : quels que soient leurs défauts, ils sont en quelque sorte saints à leurs yeux et dans leur cœur. Puisqu’ils les aiment, ils les regardent avec bienveillance et ne supportent pas qu’ils soient méprisés, persécutés, tués. Ainsi, la sainteté des hommes prend racine dans celle de Dieu : tous sont saints et « appelés à la sainteté » (comme l’a rappelé Vatican 2).
    On a tort de considérer celle-ci, comme le résultat de mérites, et pourtant c’est après leur mort que certains sont canonisés par l’Eglise ! Dieu sanctifie tous ses enfants et il n’est pas sûr qu’il n’en canonise que quelques-uns ! Les noms de ceux-ci remplissent nos calendriers, mais le calendrier de Dieu est bien plus large que celui de l’Église. La tradition chrétienne considère que la sainteté prend sa source dans le Baptême et l’Eucharistie. Elle existe donc au commencement, dans l’amour du cœur de Dieu qui tient les humains dans l’existence, et veut leur bonheur.
    Cependant il est très bon d’honorer après leur mort des hommes et des femmes qui au long de leur vie ont fait preuve d’un grand dévouement, d’un grand courage pour servir le Christ et leurs frères, pour vivre les béatitudes. Jean, le visionnaire du Livre de l’Apocalypse, nous invite aujourd’hui à élargir notre regard et à ouvrir notre prière aux dimensions de la foule innombrable des sauvés, que nul ne peut dénombrer.

Moi, Jean, j’ai vu un autre ange qui montait du côté où le soleil se lève,
avec le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant ; d’une voix forte,
il cria aux quatre anges qui avaient reçu le pouvoir
de faire du mal à la terre et à la mer :
« Ne faites pas de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres,
avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu. »
Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau :
ils étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël.
Après cela, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer,
une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. 

    Une phrase peut retenir notre attention aujourd’hui : « Ne dévastez pas la terre, ni la mer, ni les arbres, avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu ». On pourrait s’imaginer que Dieu se décide à dévaster la terre, dégoûté par les flots de malheur qui montent vers lui, dégoûté de voir toutes les méchancetés, les forces de haine et de violence dont les humains sont capables. Notre actualité, depuis le 20ème siècle surtout, aura battu des records en ce domaine. Cette phrase de la parole de Dieu nous dit qu’il est patient et n’arrête pas d’espérer en l’humanité. Il ne regarde pas seulement le mal dont l’homme est capable, mais aussi le bien. Son jugement sera autre que celui des hommes. Ce texte nous révèle aussi que s’il y a une solidarité des hommes dans le mal, le péché, il y a aussi une solidarité spirituelle dans la sainteté. Ce sont les saints, en qui règne la bonté, qui sauvent le monde. Mais les saints, qui sont-ils ? Les connaissons-nous ? Quelques-uns oui peut-être, mais beaucoup sont des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes, des vieillards dont personne ne parle.
    Tous ces saints inconnus, chrétiens ou non, tous ces justes qui font chaque jour leur devoir. Gens de paix et de bonne volonté qui se soucient des autres et du bien commun, qui écoutent le meilleur de leur conscience humaine. Tous ces « serviteurs de Dieu » qui le connaissent et l’aiment et qui peut-être qui le servent à leur insu, alors qu’ils l’ignorent ou même le rejettent. Tous les hommes et les femmes « justes » qui sauvent le monde de la médiocrité, de la haine, de la cruauté. Ils forment comme un bouclier vivant qui protège notre terre de la destruction et de la dévastation. Un bouclier bien fragile, aussi fragile que la couche d’ozone. Félix Leclerc les a chantés de belle manière : « A tous ceux qui vont chaque matin, bravement, proprement dans leur petit manteau, sous leur petit chapeau gagner en employés le pain quotidien, qui sourient aux voisins sans en avoir envie, qui ont pris le parti d’espérer sans jamais voir de l’or dans l’aube ou dans leur poche, j’apporte les hommages émus, l’entrée au paradis perdu : ce sont eux qui sont les plus forts qui emportent tout dans la mort, j’ai le chapeau bas à la main ! »
    Quand nous disons croire en la communion des saints, c’est en cette communion entre gens de bienveillance que nous croyons. Nous croyons que cette communion relie non seulement les vivants aujourd’hui, mais aussi nous relie à tous les frères et sœurs en humanité qui nous ont précédés ou qui sont encore à venir, comme les maillons d’une chaîne de sainteté qui secrètement illumine le monde et nourrit son espérance, comme un foyer qui entretient en lui le feu de la charité. Au cœur de cette chaîne et de ce foyer, c’est le Christ, le Saint de Dieu, qui nous communique la sainteté de Dieu lui-même. 
    Le Christ ne s’est pas contenté de proclamer ce qu’est pour lui le chemin de la sainteté et du bonheur, il l’a vécu lui-même. C’est un chemin à rebours de ce que pense le monde. Comme l’a écrit le père Varillon : « Nous rêvons d’un bonheur au rabais fait de joies faciles. Ce que Jésus souhaite c’est que notre appétit de bonheur soit lui-même transformé. Heureux, bienheureux ceux dont l’âme est assez haute pour que leur désir essentiel soit de vivre comme des fils du Père qui est dans les cieux ! »
 
Les béatitudes selon saint Matthieu, dans une traduction récente.

Joie de ceux qui sont à bout de souffle, le Règne des cieux est à eux.
Joie des tolérants, ils auront la terre en héritage.
Joie des éplorés, leur deuil sera plus léger.
Joie de ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront comblés.
Joie des êtres compatissants, ils éveilleront la compassion.
Joie des cœurs limpides, ils verront Dieu.
Joie des conciliateurs, ils seront appelés enfants de Dieu.
Joie des justes que l’on inquiète, le règne des cieux leur appartient.

UNE PRIÈRE INSPIRÉE DES BÉATITUDES
(Dite tous les jours pendant 30 ans par un prêtre)

Pour ta gloire Seigneur, accorde-moi la grâce de n’avoir qu’une souffrance, celle de faire souffrir; et qu’une joie, celle d’aider mes frères et sœurs à être moins malheureux.
    Accorde-moi Seigneur un esprit souple, afin que j’accepte de paraître faible ou sans défense, plutôt que de peiner ou de briser.
Un esprit droit afin que je n’interprète jamais en mal la peine que l’on me fait.
Un esprit simple, afin que je ne sois pas un poids pour ceux qui m’entourent.
    Accorde-moi Seigneur un cœur ardent, afin que je reste ouvert à ceux qui pourraient me haïr, m’envier ou me jalouser.
Un cœur humble, afin que je ne me raidisse pas devant les critiques, les jugements durs ou hâtifs.
Un cœur large, afin que je supporte les étroitesses d’esprit et les égoïsmes révoltants.
    Accorde-moi Seigneur une volonté ferme, afin que je persévère malgré la fatigue et malgré l’ingratitude.
Une volonté patiente, afin que mes frères et sœurs soient heureux malgré leurs défauts, malgré leur faiblesse.
Une volonté rayonnante, afin qu’autour de moi personne ne se décourage, personne ne désespère.
    Accorde-moi de ne jamais juger sans preuve et de juger avec miséricorde.
Accorde-moi de ne jamais croire au mal que l’on me dit des autres et surtout de ne jamais le répéter.
Accorde-moi surtout de savoir écouter, de savoir deviner, de savoir pardonner.
Afin que mes frères et sœurs soient moins malheureux.