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21 février 2021 — 1° dimanche de Carême — Saint-Louis — Brest (29)

Gn 9, 8-15 ; Ps 24 ; 1P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15

Frères et sœurs,

Dans l’Évangile de ce jour, saint Marc nous relate en peu de mots les tentations de Jésus au désert qui résument toutes celles qu’il a eues durant sa vie. Jésus n’a pas été à l’abri des tentations de ce monde. En particulier de la part de tous ceux qui, consciemment ou non, voulaient le détourner de sa mission.

Jésus, nous le savons, en est sorti vainqueur en s’appuyant sur la Parole de Dieu dont il se nourrissait et sur sa fidélité inébranlable à la volonté du Père. Nous aussi, nous devons tenir bon face aux tentations de ce monde, à tout ce qui peut nous rendre infidèles à notre vocation de baptisé, et à notre devoir d’état, que nous soyons célibataires, mariés ou consacrés. Comme Jésus, nous avons à nous engager pour cela dans le combat spirituel.
Un combat de toute la vie, mais un combat salutaire, car avec la force de la foi et le don du Saint-Esprit, Jésus nous donne la force de résister au mal, lui qui a vaincu Satan au désert, et il nous fait entrer dans sa vie. Non pas une vie surhumaine, car nous sommes toujours tentés et il nous arrive de chuter, mais il nous donne toujours le moyen d’en sortir et de reprendre pied sur le roc de sa Parole et de nous abreuver à son amour miséricordieux par le sacrement de pénitence et de réconciliation.

Cette entrée en Carême est marquée par la pandémie qui bouscule le monde depuis plus d’un an. L’appel à nous réconcilier avec Dieu est d’autant plus pertinent que nous sommes atteints dans notre chair, dans nos relations, dans notre vie professionnelle, notre vie sociale. Depuis un an, nous ne manquons pas de privations ! Mais justement, c’est lorsque notre vie est en souffrance, et que nous prenons conscience de notre finitude, mais aussi de notre péché, que le Christ peut creuser en nous un chemin de salut, que sa miséricorde peut se manifester pleinement dans un cœur qui se laisse toucher.
Ce contexte si particulier oriente donc nos efforts de Carême. Ainsi le Seigneur nous délivrera de nos peurs, de nos idées noires, de nos replis sur nous-mêmes, pour nous donner la paix et le désir de nous donner aux autres par amour.

Je voudrais souligner trois aspects :

  1. La pandémie et ses conséquences économiques engendrent de plus en plus de précarité. Nous prenons davantage conscience de la nécessité de construire une vraie fraternité et une solidarité locale et planétaire. Une fraternité qui est déjà à développer dans nos communautés paroissiales en ayant davantage souci les uns des autres. En prenant des nouvelles et en nous entraidant.
    Mais aussi en nous engageant autant que possible dans la société pour prendre soin de tous. Je pense en particulier à ceux qui ne peuvent plus travailler, aux jeunes et aux étudiants démunis, aux personnes âgées qui meurent de solitude. Nous pouvons tous faire quelque chose à notre niveau. Et c’est en nous mobilisant ensemble dans une charité active que nous pouvons sortir des clivages qui se creusent actuellement dans la société et malheureusement aussi, dans l’Église.
  2. Le Carême est aussi un appel à la prière fervente. Les confinements ont remis à l’honneur la prière personnelle et familiale. Le temps du Carême est une belle occasion pour continuer à développer cette prière en famille, et aussi la méditation de la Parole de Dieu avec adultes et enfants. Les personnes seules peuvent aussi y contribuer par leur prière personnelle, mais aussi en priant avec d’autres.
    Nous sommes appelés à retrouver le sens de l’Église domestique, socle de l’Église paroissiale. Donc pas une petite Église individuelle, mais une foi vivante qui rayonne au cœur de la famille, dans le quartier et dans la paroisse ! Bien sûr, cela ne nous dispense pas de nous retrouver aussi à l’église pour prier ensemble et recevoir la grâce des sacrements ! L’anniversaire de l’exhortation apostolique AMORIS LAETITIA est l’occasion de nous replonger dans ce texte qui nous fait découvrir la beauté de la famille et de le lire ou le relire à la lumière de ce que nous vivons en ce moment.
  3. Dans le désert, Jésus a jeûné avant d’affronter le combat spirituel contre Satan. Le Carême est aussi un temps de privation pour nous aider à purifier nos désirs. Il ne s’agit pas seulement de se priver de quelques gourmandises ! La pandémie donne à ce passage au désert une certaine gravité. Nous avons construit une société qui ressemble un peu à la tour de Babel comme nous le lisons dans le Livre de la Genèse : « Allons ! bâtissons-nous une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. » (Gn 11, 4) N’est-ce pas ce que nous faisons en voulant maîtriser la Création par nos moyens techniques, notre science, nos économies mondialisées ?
    Un simple virus a tout bousculé et nous rappelle, à nous, chrétiens, qu’il y a un seul moyen pour rejoindre le Ciel, c’est la Croix de Jésus. Car, comme le dit saint Paul : « … le langage de la croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. » (Rm 1, 18) Comme chrétiens, nous savons cela, mais nous l’avions peut-être un peu trop oublié et le Carême peut nous aider à raviver notre foi et notre espérance en Jésus, le Sauveur du monde.
    Le jeûne nous rappelle aussi que tout ne nous est pas dû et que nous devons respecter la Création. On ne peut plus continuer comme avant la pandémie, mais on ne sait pas bien comment faire à notre niveau personnel ! Le parcours de Carême proposé par nos services diocésains sur l’encyclique Laudato Si’ peut nous aider à faire un beau chemin ! On peut trouver les fiches de chaque dimanche sur le site Internet du diocèse
    (https://www.diocese-quimper.fr/actualites/itineraire-de-careme-nous-invitant-a-nous-convertir-a-lecologie-integrale/).

Il est évident que cette pandémie a des aspects très négatifs, car elle provoque beaucoup de souffrance. Mais notre attitude dans cette tempête est déterminante. Nous pouvons la prendre en pleine face de façon passive et nous en sommes alors d’autant plus affectés, physiquement, moralement et spirituellement au point peut-être d’en devenir méchants et injustes, mais en ce temps de Carême, nous pouvons aussi l’accueillir comme un appel à la conversion, en prenant des initiatives pour faire grandir dans notre vie les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité. La plus grande des trois étant la charité nous dit saint Paul ! Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon