Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  16 novembre 2025 — 33e dimanche du temps ordinaire —Année C — Journée Mondiale des Pauvres — Cathédrale Saint-Corentin (Quimper) (29)

16 novembre 2025 — 33e dimanche du temps ordinaire —Année C — Journée Mondiale des Pauvres — Cathédrale Saint-Corentin (Quimper) (29)

Ml 3, 19-20a ; Ps 97 (98) ; 2 Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19

Frères et sœurs,

À l’approche de la fin de l’année liturgique, les textes de la Parole de Dieu nous parlent de la fin du monde et de l’avènement du Règne du Christ. Les signes que Jésus donne à ses disciples ne sont pas rassurants : catastrophes naturelles, guerres, persécutions, qui en fin de compte peuvent être interprétées à toutes les époques comme des signes annonciateurs. Il y a toujours eu cela et il y a toujours cela actuellement. 

Mais Jésus dit bien « il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. » D’ailleurs, saint Paul dans la 2e lecture est très sévère vis-à-vis de ceux qui arrêtaient de travailler pensant que l’avènement du Christ était imminent. Au contraire, tout cela peut durer longtemps et Jésus se garde bien de donner une échéance, car ce qui compte c’est la manière dont nous vivons tout cela. 

Jésus donne sens à ce qui apparaît comme un non-sens : « tout cela doit vous amener à rendre témoignage ». Témoignage de quoi ? Et bien témoignage de notre espérance. C’est par la Croix que Jésus a déjà vaincu le mal et la mort. C’est par la Croix qu’il est déjà vainqueur du monde et que son avènement à la fin du monde verra se réaliser en plénitude son Royaume de justice et de paix. 

Jésus ne sauve pas l’humanité par la puissance des armes ou de l’argent. Il ne nous sauve pas par en haut, mais par en bas, par l’humilité, la charité, le don de soi par amour. Il nous appelle à prendre nous-mêmes ce chemin et nous invite à l’espérance : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » 

Le trésor de l’Église n’est pas dans ce qui brille. C’est ce que le diacre saint Laurent avait affirmé à l’empereur Valérien qui voulait éradiquer l’Église et récupérer tous ses biens. Saint Laurent les distribua aux plus pauvres et arriva au palais avec les pauvres et les estropiés et dit à l’empereur : « Voici le trésor de l’Église ». 

Alors qu’à toutes les époques, les pauvres sont considérés comme des personnes assistées et qui n’ont donc rien à apporter à la société. Pour Jésus, c’est exactement l’inverse, les pauvres sont le trésor de l’Église. Saint Paul le dit très bien : « … ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est… » et il en donne les raisons : « ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu. » (1 Co 1, 27-29).

Saint Jacques aussi insiste sur ce point : « Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? » (Jc 2, 5).

Alors en quoi les pauvres sont-ils « le trésor de l’Église », autrement dit comment enrichissent-ils l’Église ? Comment nous invitent-ils à la conversion ?

  1. Les pauvres, en raison de leur précarité et de leur fragilité humaine, nous montrent l’accès au Royaume de Dieu comme le souligne le pape Léon XIV : « Le pauvre peut devenir témoin d’une espérance forte et fiable, justement parce qu’il la professe dans des conditions de vie précaires, faites de privations, de fragilité et d’exclusion. Il ne compte pas sur les certitudes du pouvoir et des biens ; au contraire, il les subit et en est souvent victime. Son espérance ne peut reposer qu’ailleurs.[1] »
  • Ainsi les plus pauvres nous montrent où est l’essentiel, ce qui est vraiment nécessaire pour obtenir la vie avec Dieu. Les richesses sont trompeuses et conduisent souvent au vide intérieur. Comme le disait saint Augustin : « Que ton espérance soit en Dieu : sens que tu as besoin de Lui pour être comblé par Lui. Sans Lui, tout ce que tu auras ne servira qu’à te rendre encore plus vide.[2] »
  • Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille laisser les pauvres dans leur pauvreté matérielle ou morale, au contraire, Jésus est très clair là-dessus, et l’Église a toujours été très engagée en dénonçant les injustices et en créant des institutions pour prendre soin des plus pauvres. Mais les pauvres sont la richesse de l’Église, car, comme le dit encore le Pape : « ils sont nos frères et sœurs les plus aimés, car chacun d’eux, par son existence et aussi par les paroles et la sagesse dont il est porteur, nous invite à toucher du doigt la vérité de l’Évangile.[3] » Car eux aussi prient, partagent la Parole de Dieu, témoignent de leur foi. Ils rejoignent des personnes qui vivent aussi dans la précarité et que nous-mêmes sommes incapables de rejoindre. Ils participent ainsi pleinement à la mission de l’Église. 
  • C’est pour cette raison, que nous avons souhaité donner cette attention aux plus pauvres comme une des orientations pastorales pour les cinq années à venir avec ce titre : Vivre un compagnonnage avec les plus pauvres. Avec cette demande que j’ai exprimée « La place des plus pauvres est essentielle dans la vie de nos communautés chrétiennes. Elle est le signe par excellence que la Bonne Nouvelle est annoncée (cf. Mt 11, 5 : “les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle”) et cette place est bien souvent défaillante.

Je demande donc que nous mettions en œuvre dans nos paroisses des initiatives pour que les personnes en précarité, mais aussi les personnes seules ou marginalisées soient accueillies et intégrées dans nos communautés paroissiales, et particulièrement dans nos assemblées dominicales. »

Cela demande de notre part une conversion, car cela ne va pas de soi. Il y a souvent de notre part une réticence à donner la place qui leur revient aux plus pauvres, aux personnes marginalisées ou seules. L’équipe diocésaine Place et Parole des Pauvres que j’ai nommée pour nous y encourager a déjà effectué un travail remarquable dans le diocèse en donnant leur témoignage de foi dans les paroisses ou dans les assemblées diocésaines, et en donnant envie à d’autres de se réunir en petite fraternité pour prier et méditer ensemble la Parole de Dieu. 

« Les pauvres ne sont pas des objets de notre pastorale, mais des sujets créatifs qui nous poussent à trouver toujours de nouvelles façons de vivre l’Évangile aujourd’hui.[4] » Puissions-nous nous mettre à leur école ! Amen.


[1] Message du pape Léon XIV pour la 9e Journée Mondiale des Pauvres. N° 2.

[2] Saint Augustin : Enarr. In Ps 85,3. Cité par le pape dans son message. 

[3] Message du pape Léon XIV pour la 9e Journée Mondiale des Pauvres. N° 5.

[4] Ibid. n° 6.