Jn 19, 31-37
Frères et sœurs,
Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, saint Jean a tenu à insister sur le coup de lance du soldat qui a transpercé le côté de Jésus et sur le fait qu’il en sortait du sang et de l’eau. Ce fait pourrait paraître secondaire face à la violence que Jésus avait déjà subie durant toute sa Passion, mais saint Jean y a vu l’accomplissement de ce que les prophètes avaient annoncé.
Il cite pour cela un extrait de ce passage du livre du Prophète Zacharie que je cite en entier : « Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication. Ils regarderont vers moi. Celui qu’ils ont transpercé, ils feront une lamentation sur lui, comme on se lamente sur un fils unique ; ils pleureront sur lui amèrement, comme on pleure sur un premier-né. » (Za 12, 10)
On trouve aussi un autre passage, tiré celui-là du prophète Isaïe dans ce qu’on a coutume d’appeler « les poèmes du Serviteur souffrant » et que les premiers disciples ont très vite reconnu comme étant l’annonce de la mort de Jésus sur la Croix : « Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. » (Is 52, 5)
Ce signe du Cœur de Jésus transpercé qui laisse couler du sang et de l’eau a toujours été le signe de sa miséricorde qu’il continue de verser à profusion pour nous sauver du péché et de la mort, notamment par les sacrements qui sont source de guérison et d’une vie renouvelée par le don de son Esprit.
Comme le pape saint Jean-Paul II l’avait rappelé, « les éléments essentiels de cette dévotion appartiennent (…) de façon permanente à la spiritualité de l’Église au long de son histoire ; car, dès le début, l’Église a porté son regard vers le Cœur du Christ transpercé sur la croix[1] »
En apparaissant il y a 350 ans à Paray-le-Monial, à Sainte Marguerite-Marie ALACOQUE, Jésus lui a rappelé à quel point son amour manifesté par son Cœur transpercé, était une source de guérison inépuisable pour chacun de nous, mais aussi pour l’Église et pour le monde. Une source vers laquelle nous devons toujours nous tourner avec foi pour recevoir tous les bienfaits de l’amour dont il veut nous combler.
J’ai voulu engager notre diocèse dans cette démarche spirituelle qui est aussi un acte de conversion personnelle et communautaire. J’ai parlé d’un renouvellement de la consécration au Sacré-Cœur de Jésus, car, comme je l’ai écrit dans ma lettre pastorale, un de mes prédécesseurs, Mgr Jacques-Théodore LAMARCHE, dont la tombe se trouve dans cette cathédrale, avait déjà consacré le diocèse de Quimper et Léon au Sacré-Cœur de Jésus le 1er juin 1889 alors que le contexte politique de la France était particulièrement douloureux, notamment dans le rapport avec l’Église. Il a eu l’intuition que, dans cette période éprouvante pour tous, il fallait revenir au Cœur de Jésus, source de notre vie et de notre espérance.
Il écrivait dans sa lettre pastorale : « Si nous le voulons, nous serons sauvés sûrement par le divin Cœur qui nous a tant aimés, et qui veut encore nous aimer davantage. » Il ajoutait : « Le Cœur de Jésus nous a acheté au prix de tout son sang, et, depuis, ce sang ne cesse de couler sur toutes nos âmes par les canaux des sacrements pour nous sanctifier, nous diviniser, nous préparer à régner un jour dans les beaux royaumes de la gloire. »
Et il invitait tous les fidèles, et notamment les enfants, à accueillir toutes les grâces que Jésus veut leur prodiguer : « Puisse le Cœur de Jésus, placé maintenant comme un cachet sur le cœur de tous nos enfants, les préserver de tous les dangers si nombreux de nos jours qui entourent leur jeune âge. » Et il ajoutait : « Tous nous devons placer ce Cœur adorable, comme un cachet sur notre cœur et sur nos bras. »
En cette année Sainte 2025, si le contexte est différent, les défis sont les mêmes et nous pourrions parfaitement reprendre ses paroles pour aujourd’hui, face aux défis que nous devons surmonter, notamment dans l’éducation des enfants et des jeunes. Un des grands défis étant aussi la nécessité d’annoncer l’Évangile avec la pensée sociale qui en découle dans une société qui perd ses repères.
Comme je l’ai écrit, consacrer notre diocèse au Sacré-Cœur de Jésus, c’est faire en sorte que nos orientations promulguées à la dernière Pentecôte ne se limitent pas à des efforts pastoraux, si légitimes soient-ils, mais que l’amour de Jésus y soit pleinement accueilli et vénéré pour leur faire porter du fruit en abondance. Et plus généralement que notre Église de Quimper et Léon soit toujours plus missionnaire et qu’elle devienne vraiment l’âme de notre société.
Dans quelques instants, je vais donc renouveler cette Consécration de notre diocèse au Sacré-Cœur de Jésus. Que le sang et l’eau qui coulent en abondance de son cœur transpercé descendent sur chacun de nous et nous apporte la paix et la consolation, en particulier :
Je termine par ces mots du pape François qui avaient conclu ma lettre pastorale : « Devant le Cœur du Christ, je demande au Seigneur d’avoir à nouveau compassion pour cette terre blessée qu’Il a voulu habiter comme l’un de nous. Qu’Il répande les trésors de sa lumière et de son amour, afin que notre monde, qui survit au milieu des guerres, des déséquilibres socio-économiques, du consumérisme et de l’utilisation antihumaine de la technologie, puisse retrouver ce qui est le plus important et le plus nécessaire : le cœur.[2] ». Amen.
+ Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon
[1] Lettre au Révérend Père Peter-Hans KOLVENBACH, Préposé général de la Compagnie de Jésus, Paray-le-Monial, 5 octobre 1986. Citée dans Dilexit nos n° 101.
[2] Dilexit nos n° 31.