Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  16 septembre 2020 — Pèlerinage diocésain à Lourdes — Saints Corneille et Cyprien — Lourdes (65) 1 Cor 12,31 -13,13 ; Ps 32 ; Lc 7,31-35

16 septembre 2020 — Pèlerinage diocésain à Lourdes — Saints Corneille et Cyprien — Lourdes (65) 1 Cor 12,31 -13,13 ; Ps 32 ; Lc 7,31-35

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Chers Amis,

J’ignore si vous avez compris quelque chose dans ce passage de l’Évangile avec cette histoire d’enfants qui jouent de la flûte et qui chantent et les autres qui ne veulent pas danser…

En fait, en disant cela, Jésus décrit en images l’attitude des gens de cette génération, celle de son époque, mais cela concerne encore notre génération.

Jésus manifeste la miséricorde de Dieu de nombreuses façons, et notamment par sa Parole, qui attire les foules, car elle est source de vie ; c’est une parole efficace qui s’accompagne de nombreux signes, de nombreux miracles et qui aboutit au Salut de tous, y compris les publicains et les pécheurs, qui étaient rejetés par les chefs des prêtres et les pharisiens.

Mais, sa génération ne reconnaît pas ces signes comme venant de Dieu et porte un jugement très grave sur Jean-Baptiste le traitant de possédé, ainsi que sur Jésus le qualifiant de glouton, d’ivrogne et d’ami des Publicains et des pécheurs.

Comme aveuglés, ils ne voient pas qu’à travers le Christ, c’est la sagesse de Dieu qui se manifeste. Ils ne croient pas du tout que Jésus est l’envoyé de Dieu et qu’il vient pour sauver l’humanité. Alors, pour reprendre l’image donnée par Jésus, ils ne dansent pas, montrant ainsi qu’ils ne suivent pas Jésus et ne se réjouissent pas avec lui de voir la miséricorde de Dieu se manifester pour l’humanité.

Cela continue avec notre génération et je vais prendre un exemple très concret : l’exhortation apostolique Amoris Laetitia (La Joie de l’Amour) que le pape François a écrite à la suite du synode sur la famille.

C’est un texte absolument magnifique qui exhale la beauté de l’amour conjugal et de la famille et de la grâce de Dieu dans le mariage. Cependant, le Pape y évoque aussi les échecs vécus dans les familles : les souffrances, les familles décomposées, recomposées… Tout ce que nous voyons autour de nous en somme. Il montre que Jésus est venu aussi leur manifester sa miséricorde en appelant à accueillir toutes les fragilités, à les accompagner dans le temps jusqu’à les intégrer dans la communion de l’Église.

De fait, la sagesse de Dieu s’y manifeste dans une démarche de salut pour les pécheurs, y compris ceux qui nous paraissent véritablement très éloignés de la communion de l’Église. Certains dans notre génération, y compris au sein de l’Église elle-même, se refusent à l’accepter, n’y voyant qu’une dérive qui ne vient pas de Dieu, et sont, eux aussi, comme aveuglés, traitant le Pape de « possédé » pour sa position vis-à-vis des pécheurs tout comme Jean-Baptiste et Jésus l’ont été à leur époque.

Saint-Paul dans la première lecture donne un bel éclairage sur cette attitude, en disant : « Nous voyons actuellement de manière confuse comme dans un miroir. » Il ne s’agit évidemment pas d’un miroir tel que nous en avons dans nos salles de bain actuelles. À l’époque, il s’agissait de plaques de métal polies donnant une image complètement déformée.

Cette image déformée, nous la retrouvons dans l’opinion publique aujourd’hui par rapport à l’Église où nous savons qu’existent le péché et les pécheurs (on pense tout de suite aux prêtres pédophiles, dont on parle beaucoup aujourd’hui, qui sont certes peu nombreux, mais déjà trop nombreux). Quoiqu’il en soit, les gens rejettent en bloc le salut et tout ce qui se passe de magnifique dans l’Église, car aveuglés par cette image déformée ! Nous voyons dans un miroir de manière confuse comme dit St Paul.

Saint-Paul ajoute : « la connaissance est partielle. Ce jour-là [c’est-à-dire de la Parousie, l’Avènement du Christ], je connaîtrais parfaitement comme j’ai été connu. »

Quel message, alors, devons-nous retenir ?

Tout d’abord, acceptons de ne pas tout connaître, et ne jugeons pas sur le peu que nous connaissons. Cela est vrai dans toutes les relations humaines : on ne juge pas une personne que nous n’avons rencontrée que très peu ! Il en va de même pour l’Église et du dessein de Dieu pour l’humanité. Nous connaissons tous des personnes qui disent que si Dieu existait, il n’y aurait pas tout « cela », avec toujours divers arguments. Nous voyons bien que ce ne sont que des images déformées.

Cependant, Saint-Paul montre que si nous voyons tout à travers un miroir déformant, nous pouvons quand même reconnaître la sagesse de Dieu et y être fidèles. Comment ? Il nous le dit : en accueillant et en nous attachant à ce que nous appelons les vertus théologales, que sont la foi, l’espérance et la charité. Je le cite : « Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité, mais la plus grande des trois, c’est la charité. » Ces trois vertus sont complémentaires et inséparables. Si dans notre regard, dans notre jugement, il n’y a pas la charité, alors comme dit Saint-Paul : « Nous ne sommes qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. », un instrument qui fait beaucoup de bruit, mais éphémère et sans consistance.

Frères et Sœurs, en ce pèlerinage, demandons au Seigneur la grâce de ne pas juger sur les apparences à travers notre miroir déformant, mais plutôt de savoir reconnaître et accueillir la sagesse de Dieu dans les signes qu’il nous donne et qui se manifestent aussi à travers le témoignage des chrétiens. Accueillons-les comme la sagesse de Dieu qui se manifeste à notre égard aujourd’hui. Amen

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon