Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  4 octobre 2020 — Installation du Père Éric HUON de KERMADEC comme Curé de Brest-Lambézellec – Saint-Laurent – Brest (29) Is 5, 7 ; Ps 79 ; Ph 4, 9 ; Mt 21, 43

4 octobre 2020 — Installation du Père Éric HUON de KERMADEC comme Curé de Brest-Lambézellec – Saint-Laurent – Brest (29) Is 5, 7 ; Ps 79 ; Ph 4, 9 ; Mt 21, 43

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et Sœurs,

Lorsque j’étais Évêque auxiliaire à Bordeaux, j’étais entouré de vignes et j’avais beaucoup d’admiration pour le travail des vignerons tout au long de l’année : tant le soin qu’ils portaient à la vigne que celui du travail de la vinification elle-même ; autrement dit, toute la peine qu’ils se donnaient afin d’avoir de beaux fruits et donc un bon vin.

Il n’est donc pas étonnant que le prophète Isaïe ait pris cette image de la vigne pour désigner l’amour que Dieu a pour son peuple et la manière avec laquelle Il veut le soigner, le conduire sur un chemin de vie ; Il lui donne tout ce qui est nécessaire et en particulier sa Parole, par les prophètes, pour qu’ils puissent porter du fruit. Les fruits dont parle le prophète Isaïe sont le droit et la justice, car c’est bien cela que le Seigneur souhaite pour son peuple.

Jésus a repris cette image dans la parabole que nous venons d’entendre, et il rappelle le drame qui était déjà dénoncé par le prophète Isaïe, à savoir que malgré tout ce que le Seigneur a fait pour son peuple, les hommes n’ont pas accepté de recevoir Sa Parole, et donc de vivre le droit et la justice. Jésus lui-même n’a pas été accepté, mais au contraire, rejeté. Il est mort sur la croix, lui Dieu fait homme pour prendre soin de nous. L’héritier de la parabole a été lui-même rejeté. Jésus annonce alors que le Royaume de Dieu leur sera « enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits ».

De quelle « nation » s’agit-il ? Il ne s’agit bien évidemment pas d’une nation terrestre puisque cela concerne le Royaume de Dieu, c’est-à-dire la manière dont le règne d’amour du Seigneur se répand dans le cœur de ceux qui mettent en Lui leur foi, de ceux qui accueillent Jésus dans leur vie et qui s’efforcent de devenir ses disciples. Cette « nation » que Jésus annonce est née à la Pentecôte quand les Apôtres reçoivent de Jésus la charge de prendre soin de son peuple, avec une autre image que nous retrouvons dans l’Évangile, celle du Bon Pasteur qui prend soin de ses brebis.

Aujourd’hui, les Évêques, successeurs des Apôtres, partagent cette responsabilité avec les prêtres de prendre soin des personnes. Le mot « curé » vient d’ailleurs du latin « cura animarum » qui signifie « la charge d’âme, le soin des âmes ». C’est donc bien de cela qu’il s’agit ! Une installation de Curé n’est pas une simple charge administrative qui serait remise à un prêtre, même si cela inclut une responsabilité dans l’organisation de la communauté, charge qui est d’ailleurs partagée avec des laïcs. Non, une installation c’est d’abord et avant tout, un appel du Christ adressé au Père Éric, à être le Bon Pasteur en son nom. De soigner la vigne en son nom. Il ne remplace pas le Christ, mais il est là en son nom, et il manifeste concrètement cet amour du Christ pour son peuple à travers trois tâches essentielles, qui sont les tâches habituelles de l’Église : annoncer l’Évangile, sanctifier le peuple chrétien et gouverner l’Église de Dieu.

Nous connaissons bien ces trois tâches, mais j’aimerais souligner quelques défis actuels qu’il me semble important de relever.

Tout d’abord, la première tâche, c’est d’annoncer l’Évangile. Nous pensons à ce qui se vivait autrefois, quand le catéchisme était pratiquement généralisé et que tous les enfants s’y inscrivaient de manière quasi automatique. Et bien aujourd’hui, c’est très différent : les enfants ne s’inscrivent pas de façon automatique, et beaucoup de jeunes, d’adultes aussi, souhaitent approfondir leur foi mais ne vont pas toujours jusqu’à faire la démarche de s’inscrire. Ainsi, chacun de nous doit se sentir concerné pour témoigner auprès de son entourage qu’il est essentiel que les enfants soient catéchisés et que les adultes aussi peuvent suivre une catéchèse qui leur est destinée. En effet, s’ils ne sont pas catéchisés, ils ne connaîtront pas l’Évangile, ils ne connaîtront pas la Bonne Nouvelle. Comment, alors, pourront-ils mettre dans le Seigneur leur foi, s’ils ne le connaissent pas ? C’est donc une nécessité qui s’impose de plus en plus et d’abord pour les parents eux-mêmes qui n’ont pas toujours reçu de catéchisme dans leur enfance, ou qui n’en ont qu’un vague souvenir qui n’est pas suffisant pour combler leur soif de connaître ces fondements de la foi. Ils sont plus nombreux aujourd’hui à ressentir le besoin de connaître les fondements de la foi.

Comment vivre en chrétien si nous ne connaissons pas vraiment ce qu’est la foi chrétienne ni à quoi elle engage ? Souvenons-nous que Jésus passait beaucoup de temps à enseigner les foules et à leur annoncer la Bonne Nouvelle. C’est ce que fait également le Père Éric à travers la prédication, à travers les enseignements et toutes les occasions qui lui sont données pour le faire. Il n’est pas seul : beaucoup sont aussi chargés de cela, mais c’est lui qui en porte la responsabilité en veillant à ce que l’Évangile puisse être annoncé et que le maximum de jeunes, d’enfants, d’adultes puisse recevoir cette catéchèse.

La deuxième tâche est de sanctifier le peuple chrétien. Nous pensons immédiatement, bien entendu, aux sacrements. Il est beau de voir qu’il y a de plus en plus d’adultes qui demandent le baptême, la confirmation. Hier soir, j’étais à Portsall, au bord de la mer, où j’ai baptisé trois adultes et ai confirmé également un certain nombre de jeunes et une adulte. C’est un signe magnifique que nous donne à voir le Seigneur dans votre paroisse où il y a toujours des catéchumènes qui se préparent au baptême. C’est très beau ! L’Esprit Saint touche le cœur de ceux qui sont ouverts à la Parole de vie. Dans toutes ces démarches, nous voyons toujours des chrétiens, hommes et femmes, qui ont été des témoins du Christ à un moment donné de leur vie et qui ont permis justement au Seigneur de se manifester à eux au point de demander à recevoir le baptême. Il est important pour chacun d’entre nous de témoigner de notre foi et d’aider les autres à grandir et à les amener vers les sacrements et les préparer à les recevoir. En effet, les sacrements sont essentiels dans la vie d’un chrétien. Pas uniquement les sacrements de l’initiation, je pense aussi au sacrement du pardon, au sacrement de l’Eucharistie. Ils sont vitaux durant toute la vie chrétienne. Le confinement généralisé à cause de la COVID-19, nous a fait réfléchir sur l’importance des sacrements : nous pouvions toujours suivre la messe à la télévision et participer un peu, mais nous nous sommes bien rendus compte que n’était pas du tout la même chose et que nous avions besoin de ce contact physique. Les sacrements, c’est physique ! C’est du corps à corps, c’est le Seigneur qui vient nous toucher ! C’est l’Incarnation. Beaucoup de personnes ont encore peur à l’heure actuelle de venir à la messe (on estime la diminution de la fréquentation des personnes à la messe à un tiers environ par peur d’être touché par le virus) et il est important de retrouver le sens de ce contact, de ce sacrement. La prière aussi fait partie de la sanctification du peuple chrétien, tout comme la louange que nous pouvons vivre. Elles font partie intégrante de la sanctification, mais les sacrements ont ceci de particulier qu’ils accomplissent en nous réellement ce qu’ils signifient. Le Père Éric en a la responsabilité, mais il ne peut rien faire si les gens ne viennent pas ! De là l’importance pour tous de témoigner et d’aider les personnes à découvrir l’importance de ces sacrements.

La troisième et dernière tâche, c’est de gouverner l’Église. Il y a eu ces derniers temps une certaine polémique à propos du gouvernement de l’Église et du « cléricalisme » supposé des prêtres. Tel que nous pouvons l’entendre dans les médias, le cléricalisme est à entendre au sens d’autoritarisme. C’est-à-dire un pouvoir autocrate, très loin de la manière de gouverner l’Église telle que l’entend Jésus. Le seul pouvoir que Jésus a donné à ses Apôtres, et qu’il a montré lui-même, c’est de délivrer les hommes du Mauvais, de donner la vie et même de donner sa propre vie ! « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous. » C’est ce que Jésus a demandé à ses Apôtres, mais c’est aussi ce qu’il a vécu lui-même ! Là encore, l’image du vigneron qui prend soin de sa vigne ou du Bon Pasteur qui prend soin de ses brebis, expriment bien cet amour du Curé pour le peuple qui lui est confié par Jésus. Gouverner, c’est donc guider son peuple dans la bonne direction afin que tous aillent dans le même sens et vivent la communion. Il y a tant de différences entre les gens (sociales, politiques, etc.) qu’il est nécessaire de se retrouver tous unis pour marcher ensemble à la suite du Christ. Il ne le fait pas seul, mais avec le soutien de nombreux collaborateurs, et tout cela se vit dans la prière, dans la méditation des Écritures pour discerner justement quelle est la volonté de Dieu et comme dit Saint-Paul « ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. ». C’est cela que nous recherchons. Si c’est bien le Christ qui est au centre, nous ne risquons pas de faire fausse route ; cela est valable pour le Curé, mais également pour chacun d’entre nous.

Chers Amis, dans quelques instants nous allons vivre ces rites qui manifestent bien ce que je viens d’exprimer. C’est le don de Dieu que nous accueillons en la personne du Père Éric HUON de KERMADEC et de sa charge de Curé. C’est une installation dans le souffle de l’Esprit Saint qui nous guide. Portons ensemble dans notre prière votre nouveau Curé au moment où il va renouveler son engagement sacerdotal et le don de sa vie pour le peuple qui lui est confié.
Amen

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon