Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  9 février 2020 — 5e Temps Ordinaire – A – Messe animée par les étudiants — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29) Is 58, 7-10 ; Ps 111 ; 1 Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16

9 février 2020 — 5e Temps Ordinaire – A – Messe animée par les étudiants — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29) Is 58, 7-10 ; Ps 111 ; 1 Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et Sœurs,

Ces paroles de Jésus qui nous sont adressées auraient de quoi nous rendre très orgueilleux ! « Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde ». Les gens pourraient nous dire, mais pour qui vous prenez-vous ? De fait, en méditant ces textes, nous voyons très rapidement que ce sel et cette lumière ne viennent pas de nous ! Nous le voyons très clairement un peu plus loin dans l’Évangile de Saint-Jean, car Jésus dit : « Moi je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la Vie. » (Jn 8, 12) Et c’est bien parce que celui qui suit Jésus a la lumière de la vie, qu’il peut, et même doit, la mettre sur le lampadaire. Ce n’est pas nous qui sommes la lumière, mais, illuminés, par le Christ, nous pouvons faire rayonner cette lumière pour les autres. C’est ce qu’on appelle le témoignage.

Ces deux images sont différentes, le sel n’est pas la lumière et réciproquement, mais elles sont complémentaires dans ce passage d’Évangile.
En effet, la lumière éclaire les ténèbres. Elle nous aide à détecter les obstacles, les dangers, pour les éviter. Elle nous permet de voir où nous allons, de nous orienter.
La lumière du Christ, c’est la Vérité. Elle nous permet de discerner ce qui est bon ou mauvais, ce qui conduit à la vie ou à la mort. Cette lumière du Christ nous donne l’espérance, car avec Jésus nous savons où nous allons, et comment il faut y aller !
Et nous savons qu’avec Lui, même la pire des ténèbres, à savoir la mort, n’est plus un obstacle, car elle ouvre avec Jésus à la lumière de la Résurrection.
La lumière vient bien de Dieu, mais elle ne rayonne que dans la mesure où notre témoignage de justice et de charité se manifeste. Nous le voyons très clairement dans la première lecture du Livre d’Isaïe où, le prophète nous dit : « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans-abri, […] ne te dérobe pas à ton semblable. Alors la lumière jaillira comme l’aurore […] ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. » Cette lumière vient du cœur du Christ et, accueillie dans un cœur de disciple, elle se répand par la charité.
La lumière jaillit aussi par nos paroles. Saint-Paul dans la première lecture dit : « Mon langage, ma proclamation de l’Évangile n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa Puissance qui se manifestaient. » Pour être témoins, il y a toujours une complémentarité indispensable entre d’une part le témoignage de la Parole, la proclamation de l’Évangile, et la charité d’autre part. Ce n’est jamais l’un sans l’autre. Que serait la charité s’il n’y avait pas l’annonce de la Bonne Nouvelle ? Et que serait l’annonce de la Bonne Nouvelle s’il n’y avait pas la charité ?

L’image du sel est un peu différente. Il donne du goût, de la saveur, à la nourriture. Même en petite quantité, il transforme tout de l’intérieur, avec une efficacité étonnante. Autrefois, souvenons-nous aussi qu’il servait aussi à conserver la nourriture pour qu’elle ne pourrisse pas. Alors, l’Évangile que nous accueillons n’est-il pas, justement, ce sel qui transforme tout de l’intérieur et nous rend fidèles dans la durée ? Évidemment, c’est la réception de l’Évangile, et non pas l’Évangile qui est le sel, car, l’Évangile ne peut pas perdre sa saveur ! C’est nous qui pouvons perdre la capacité d’accueillir vraiment l’Évangile ! Je suis frappé lorsque je lis les lettres des catéchumènes, qui m’arrivent en ce moment pour demander le baptême qui aura lieu à Pâques, de voir que nombre d’entre eux ont été bouleversés en lisant un passage d’Évangile. À partir de là, ils se sont convertis en y découvrant l’amour miséricordieux du Seigneur. Nous aussi, lorsque nous méditons et prions l’Évangile et plus largement toute la Bible, nous sommes transformés intérieurement et cela a de grandes conséquences dans notre vie si nous acceptons de nous convertir et de nous laisser conduire par l’Esprit Saint, afin que cette Parole prenne vraiment chair en nous.
Le sel conserve les aliments, image de la Parole de Dieu qui nous enracine dans la foi et nous permet d’être fidèles malgré les aléas de la vie.

À travers ces deux images, Jésus évoque, cependant, un risque : que la lumière reste sur le boisseau ou que le sel perde sa saveur se dénature. Nous pouvons accueillir cette Parole du Christ comme un véritable appel à la vigilance. Un appel à grandir en sainteté, afin d’être toujours davantage disciple-missionnaire, c’est à dire en communion profonde avec le Christ, et capables d’accueillir la lumière de sa Parole et de son Esprit Saint afin de la transmettre aux autres.
« Vous êtes la lumière du monde et le sel de la terre ». Nous avons bien compris que ce n’est pas un appel à être orgueilleux. Au contraire. C’est plutôt un appel à une grande humilité. Saint-Paul le dit, lui qui n’annonce pas le Mystère de Dieu « avec le prestige du langage ou de la Sagesse », justement, afin de permettre à Dieu de se manifester à travers nous, malgré nos limites, nos faiblesses, et malheureusement aussi, notre péché !

Comme chrétiens, nous vivons, en ce monde de façon très minoritaire dans une société qui n’a plus ses repères dans l’Évangile ; c’est le moins que l’on puisse dire. Mais, justement, dans l’Évangile, Jésus évoque cela en prenant comme image le sel, qui est toujours une petite quantité, et la lumière, qu’un seul « met sur le lampadaire et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. »

Le Christ nous invite à ne pas avoir peur du monde où il se vit aussi de belles choses puisque Dieu agit dans le cœur de ce monde et dans la vie de beaucoup de gens. Sel et lumière évoquent tout sauf le repli sur soi-même, mais au contraire une attitude positive vis-à-vis des autres, avec cette volonté de donner de la lumière, de donner du goût à la vie.
Saint-Paul le dit dans une phrase très belle de sa lettre aux Colossiens : « Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. » (Col 4, 6)

Je voudrais dire un mot sur l’Adoration eucharistique qui se vit ici depuis un an de façon perpétuelle. Cela touche un peu le passage d’Évangile d’aujourd’hui, car le fait de poser l’ostensoir sur l’autel fait justement penser à cette lumière que nous mettons sur le lampadaire pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.
L’Adoration eucharistique ravive notre foi en la présence du Christ qui se manifeste dans ce sacrement. Charles de FOUCAULD disait « Partout où est la Sainte Hostie est le Dieu vivant, là est ton Sauveur aussi réellement que quand il était vivant et parlant en Galilée et en Judée, et qu’il est maintenant présent dans le ciel. » (Retraite à Nazareth en novembre 1897) »
L’oraison silencieuse en présence du Seigneur nous fait entrer dans une profonde communion avec Lui. Comme je l’ai dit dit plus haut, c’est cette rencontre avec le Seigneur qui nous remplit de sa lumière pour que nous soyons à même de la transmettre. Nous pouvons dire que l’Adoration eucharistique est un moyen de sanctification pour chacun de nous, mais aussi la source d’une grande fécondité pour l’Église et un moyen d’évangélisation.
Ce n’est pas un hasard si, dans la Nouvelle Évangélisation, il y a aujourd’hui, très souvent l’Adoration eucharistique dans de plus en plus de paroisses. Je vous encourage à y prendre part les plus nombreux possible. C’est une prière collective, même si nous sommes très peu à chaque fois devant le Saint-Sacrement, c’est tous ensemble que nous prions ! Cette prière, où chacun s’engage, s’investit, donne de son temps avec les autres en Église, c’est, je pense, ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui.

Souvenons-nous de ce que Jésus disait au jardin de Gethsémani à ses Apôtres qui s’étaient endormis pendant que lui priait : « Ainsi vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible » (Mt 26, 40-41)

Fais de nous, Seigneur, des témoins lumineux et plein de saveur pour notre temps. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon