Accueil  -  L'actualité du Diocèse  -  Grand Pardon du Folgoët 2022

Grand Pardon du Folgoët 2022

Le Grand Pardon du Folgoët a eu lieu les 3 et septembre.
À cette occasion, Mgr Gérard Le Stang était de retour dans son ancienne paroisse.

Retour en images et Homélies :

Pardon du Folgoët 2022. Messe du samedi soir. Homélie Mgr Gérard Le Stang (I)

Chers frères et sœurs, Ce sanctuaire du Folgoët exerce sur beaucoup une mystérieuse attraction. Nous aimons y venir lors du pardon, mais aussi tout au long de l’année, pour prendre…

Lire la suite…

Chers frères et sœurs,
Ce sanctuaire du Folgoët exerce sur beaucoup une mystérieuse attraction. Nous aimons y venir lors du pardon, mais aussi tout au long de l’année, pour prendre prier un moment à la basilique. Tout au long de ce pardon, j’aimerais revenir sur la spiritualité de ce sanctuaire.
Saint Paul, en écrivant aux Thessaloniciens leur dit : Ainsi donc, frères, tenez bon, et gardez ferme les traditions que nous vous avons enseignées, soit de vive voix, soit par lettre. La tradition du Folgoët n’est pas une tradition écrite, mais elle nous a été enseignée de génération en génération. Pourquoi y rester fidèle ? N’est-elle pas le vestige d’une tradition rurale désormais démodée ? Ou au contraire, ne nous conduit-elle pas au cœur de notre foi ? Méditons sur la figure de Salaün ar fol, bien qu’on sache peu de chose sur lui. Celui qui passait pour un mendiant simple d’esprit a-t-il encore quelque chose à nous dire ?
La vie de Salaün est liée à l’abbaye de Landévennec, lieu de vie monastique depuis plus de seize siècles. Le frère Marc Simon, historien de l’abbaye, situait plutôt la vie de Salaün dans les bois du monastère, où il aurait été ermite ou familier proche des moines. S’il avait vécu dans le Léon, il aurait pu aussi se balancer aux arbres, à cette époque, pour chanter les louanges de la Vierge Marie. En ce temps, les bois et forêts étaient considérés comme un désert, dans lesquels seuls quelques pauvres ou ermites osaient vivre. Sans doute Saläun ressentit-il, comme l’écrit Édouard Cortes qui a passé quelques mois dans un arbre pour se refaire une santé psychique et spirituelle, que « les arbres sont ces êtres capables de nous montrer un chemin d’enracinement et un chemin vers le ciel », un chemin d’incarnation et d’élévation, un chemin donc qui nous conduit à Jésus, bien enraciné sur notre terre sans cesser d’être le Dieu du ciel.
Quoiqu’il en soit, la mémoire et le culte de Salaün furent vite transférés en ce lieu où ils ont prospéré. L’histoire de Salaün et son amour de Marie ont vite parlé à l’âme léonarde. Notre-Dame de Salaün est rapidement devenue Notre-Dame du Folgoët, la mère de tous les bas-léonards. Et pourtant, que fit Salaün ? Pas d’apparition, pas de statue trouvée dans un champ, pas de martyr, ni de fondation ou de participation à une quelconque croisade… Juste un « SDF » qui chantait Ave Maria, en se balançant dans les arbres et en quémandant son pain. Pas de quoi le canoniser, me direz-vous ! Et pourtant…
La tradition raconte qu’un lys aux pétales gravées des mots Ave Maria, poussa à partir de la bouche de Salaün, sur sa tombe. Nul n’est obligé de croire à ce récit mais il nous ramène à la louange du psaume 8 : Ô Seigneur, ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits. Jésus la reprendra en bénissant Dieu : Père, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Cette vérité cachée au sages et aux savants, les tout-petits nous la révèlent, par-delà même leur mort. Ils font écho à la vie humble et à la mort de Jésus lui-même, pauvre crucifié sorti vivant du tombeau.
A vrai dire, la personne de Saläun nous ramène à la radicalité des « fous du Christ, ou de Marie dans le cas présent. Pensez à Saint-François d’Assise, dépouillé de tout et devenu frère mendiant, à Saint Benoît Labre, né au XVIII° siècle dans le Pas-de-Calais, et mort à Rome, devenu routard itinérant après avoir comme Salaün tenté la vie monastique, et mendiant son pain en chantant les litanies de la sainte Vierge. Bien sur les religieux et religieuses font tous aussi le vœu de pauvreté, mais ici cette pauvreté atteint un niveau que bien peu peuvent atteindre et qui a une valeur prophétique.
Prier et vivre de rien, complètement dépendant des autres, quitte à se faire refouler par eux. Dieu sait aussi combien est rude l’humiliation de se voir fermer la porte au nez, traité par le mépris ou le mensonge, par simple refus de se voir offrir un peu de pain. La pauvreté dérange. Il suffit d’avoir été ainsi rejeté une seule fois pour comprendre ce que cela veut dire. Heureusement Dieu sait, plus encore, les trésors du cœur humain que l’hospitalité peut dévoiler, quand des gens ouvrent leur porte, se font accueillant, et donnent à ceux qui n’ont rien. N’oubliez pas l’hospitalité. Elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges dit la lettre aux hébreux (13,2). Il y a une provocation évangélique qui vient de ceux qui n’ont rien. Elle met en lumière notre capacité soit à nous replier avec crainte sur tout ce que nous avons, soit à donner notre cœur en même temps que nos biens matériels. La proximité et l’amitié envers ceux qui n’ont rien nous révèlent l’amour du cœur de Dieu, et l’amour de notre propre cœur, capable lui-aussi d’être infini, même s’il reste vigilant et sans naïveté.
Vous savez que le nom Saläun est la traduction bretonne du nom Salomon, nom de famille assez fréquent. Salomon dans la Bible est un roi réputé pour sa sagesse. Le Seigneur dit à Salomon (dans le livre des rois : 1 R 3,12) : Je fais ce que tu m’as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’aura après toi. Mais cette sagesse des rois de l’Ancien Testament est bouleversée par la venue du Christ, lui qui est riche, (il) s’est fait pauvre à cause de vous pour vous enrichir de sa pauvreté (dit Saint Paul 2 Co 8,9). Au point que Paul s’exclame : Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort. Ce qui d’origine modeste et méprisé dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour réduire à rien ce qui est. Notre Salomon léonard, Salaün le fou, nous ramène à ce renversement de la Croix de Jésus, à cet amour qui va jusqu’au don total, à cette critique de la folie de ce monde qui est sagesse de Dieu, puissance d’Évangile. Les fous comme Salaün ont en eux une sagesse prophétique, dérangeante, provoquante, gênante… mais qu’il nous faut entendre au nom de notre foi en Jésus. Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles : le fou de Marie, par sa simple existence, se joint à la danse et au chant de la Vierge Marie proclamant son Magnificat.
Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, (Jean 12,8), s’exclame Jésus dans l’évangile de Jean, dans une affirmation qui nous surprend. Les pauvres seront toujours là pour nous dire ce que Dieu attend de nous en ce monde. Il y a un style de vie selon l’Évangile que nous sommes tous appelés à adopter, chacun selon les conditions et les contraintes concrètes de son existence. Tout le monde se bat pour le « pouvoir d’achat » dans notre société, ce qui est légitime pour les personnes et familles en difficulté économique. Mais il faut aussi revendiquer le droit et le pouvoir de ne pas acheter ! Le droit de cesser d’être intoxiqué par les influenceurs qui nous poussent à vivre au-dessus de nos moyens, et à nous faire croire que le bonheur est dans la possession, dans le toujours plus. Salaün ar fol nous ramène à la joie de l’Évangile par une sobriété de vie qui intègre la « clameur de la terre et à la clameur des pauvres » que notre Pape François nous supplie d’entendre ensemble, dans un appel d’une brûlante actualité.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai vécu en enfant heureux, dans le Léon des années 60, aux conditions de vie très modestes mais riche d’une entraide et d’une amitié sociale fortes, nourries par la foi et la fraternité chrétiennes. Sans nostalgie de cette époque, car la vie de nos parents y était rude, j’en retiens toutefois l’essentiel de ce que nous sommes encore appelés à vivre, et sans doute à retrouver aujourd’hui : une amitié sociale forte, dans un climat d’hospitalité et de simplicité, nourrie par une foi et une fraternité chrétiennes intenses.
Salaün ar fol, un pauvre de Dieu, un fou de Marie, qui vécut dans l’ascèse et la solitude, frappe encore, aujourd’hui, à la porte de notre cœur. Il nous aide à graver en nos cœurs, en lettres d’or, notre prière : Ave Maria, je te salue, Marie, rends mon cœur semblable à celui de ton fils qui a dit : Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux. Puissent ces mots fleurir aussi en notre bouche, se graver en nos cœurs, s’incarner concrètement dans nos existences humaines, et rayonner dans la vie et la mission de notre Église. Amen.

 

Pardon Folgoët 2022. Messe dimanche. Homélie Mgr Gérard Le Stang (II)

Chers frères et sœurs, Tout au long de ce pardon, j’essaie de revenir sur la spiritualité propre à ce sanctuaire de Notre-Dame du Folgoët où nous aimons nous retrouver. Cela…

Lire la suite…

Chers frères et sœurs,

Tout au long de ce pardon, j’essaie de revenir sur la spiritualité propre à ce sanctuaire de Notre-Dame du Folgoët où nous aimons nous retrouver. Cela nous fait revenir, en fait, aux sources même de notre foi chrétienne, et nous aide à ressentir comme il est bon d’être chrétien, encore aujourd’hui et dans les temps à venir, chaque fois que notre espérance sera mise à l’épreuve. J’ai déjà cité, St Paul qui, en écrivant aux Thessaloniciens, leur dit : Ainsi donc, frères, tenez bon, et gardez ferme les traditions que nous vous avons enseignées, soit de vive voix, soit par lettre. Venir au Folgoët est une belle tradition, de fait, non pas écrite, mais transmise de génération en génération. Pourquoi y rester fidèle ? Pourquoi continuer à venir au pardon ou continuer, plus humblement à venir, une matinée d’hiver par exemple, prier dans un recoin de la basilique, confier à la Vierge Marie tout ce que nous avons sur le cœur ?

Peut-être simplement, parce qu’elle est ici toute proche, cette Mère de Jésus, que nous venons prier. Elle a fait fleurir le cœur de Salaün ar fol. Elle remplissait ses journées d’une louange qui s’est prolongée par-delà même sa mort, en fleurissant sur sa tombe. Ce récit magnifique – libre à chacun de lui accorder crédit – fait écho à la parole de Jésus dans l’Évangile de Jean : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit (Jean 12,24). L’amour de Salaün pour la Vierge Marie a porté beaucoup de fruit en ce lieu. Il nous ramène à la fécondité mystérieuse de notre vie et de notre mort, quand cette vie est livrée par amour, vécue dans la louange et le service, comme le furent celles de Jésus et de sa Mère, et celles de tant de saintes et de saints de Dieu, connus ou inconnus.

Qu’est-ce qui a poussé Salaün cet homme de prière, considéré comme simple d’esprit et vivant dans la mendicité, à mettre la Vierge Marie au cœur de sa vie ? N’est-ce pas qu’il a ressenti combien Marie est « de notre bord », pourrait-on dire familièrement ? Jésus, sur la croix, dans le prolongement du don de sa vie pour les hommes, dit au disciple bien-aimé : Voici ta mère (Jean). Et Marie, qui déjà avait accepté de donner naissance au Fils de Dieu, devient sur le champ, la mère de tous les hommes. Quel destin exceptionnel ! Nous avons bien raison de célébrer ici sa naissance, en ce jour proche du 8 septembre. Même si nous ne savons rien de cette naissance de Marie, nous croyons que Dieu l’a destinée, selon le dessein de son amour, à être la Mère de tous, pour que Jésus devienne l’aîné du multitude de frères et sœurs.
Salaün a compris cela : il a saisi que le cœur de Marie est un reflet pur de la compassion et de la consolation de Dieu. On parlait autrefois des « consolations de la religion ». Pour les modernes, ces consolations ont été considérées comme des élans naïfs réservés aux pauvres peu évolués. Mais ces modernes se sont tourné, inévitablement, vers d’autres consolations. Quelles consolations sommes-nous allés chercher pour mieux vivre ? Celle de l’argent, celle d’un bien-être qui nous rend chaque jour plus indifférent aux autres, celle du développement personnel, utile mais finalement décevant parce que trop égocentrique, nouvel « opium du peuple » qui détourne des misères de ce monde… tant d’autres consolations qui deviennent parfois des addictions ou de nouvelles formes de religions.
Mais au fond, Dieu n’est-t-il pas le seul grand Consolateur, le seul qui mérite de porter ce nom ? C’est bien ainsi, du reste, que L’Évangile parle de l’Esprit Saint : il est notre avocat, notre consolateur. N’ayons pas peur de le dire : la Croix de Jésus et sa résurrection, le souffle bienfaisant de la présence de Dieu dans notre vie, la présence de la Sainte Vierge et des saints du ciel, sont de puissantes et vraies consolations. Elles révèlent la compassion du cœur de Dieu qui plus que jamais est pris de pitié en voyant les hommes comme des brebis sans bergers. Ces consolations divines démasquent les illusions de bonheur que le monde veut nous vendre, l’instrumentalisation marchande de nos âmes. Ces consolations divines nous poussent à garder les yeux ouverts sur ceux qui souffrent la croix pour les aider à tenir dans la foi, la charité et l’espérance. Car la foi vive, la flamme de l’espérance, et la charité ardente sont les dons de Dieu qui nous vraiment font tenir debout dans l’existence. Croire, espérer, aimer : N’est-ce pas ce dont nous avons le plus besoin pour durer et atteindre la vraie joie dans les duretés de la vie ? La consolation de Dieu est un moteur puissant pour demeurer dans l’attention aux autres et la contribution au bien commun.

Nous comprenons alors que ces prières prononcées du fond de notre misère dans l’obscurité de la basilique, devant cette statue de granit sombre et lourde mais au sourire doux et plein de tendresse, ces prières parfois griffonnées sur le cahier devant la Vierge, ou accompagnées d’une petite flamme qui les prolonge, ne sont pas vaines. Elles sont loin d’être toutes exaucées comme on le voudrait, nous le savons bien, malgré tant d’ex-voto que nous pourrions encore afficher sur les murs. Mais, dans le silence de l’attente et souvent dans nos larmes, elles révèlent une douce vérité : la Mère de Dieu est là, toute proche. Elle comprend ce qui nous mine. Elle aussi a perdu un Fils. Elle nous prend par la main. Elle nous conduit plus loin.

Au fil de nos chapelets ou de nos prières maladroites, Notre Dame nous tourne vers la lumière du tabernacle tout proche et nous montre son Fils : il est devenu l’un des nôtres précisément parce que nous étions malades, souffrants, pécheurs. Il est vivant, et désormais avec nous jusqu’à la fin des temps. Il nous attire au ciel certes, après la mort, mais dès cette vie, il nous aide à renaître, à reprendre souffle, à nous battre, à ressusciter un peu plus chaque jour.

Dans la nouvelle traduction de la messe, le prêtre dit, après le Notre Père : « Soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés du péché, à l’abri de toute épreuve, nous qui attendons la bienheureuse espérance, l’avènement de Jésus Notre Sauveur ». Libérés du péché et à l’abri de l’épreuve : c’est là que réside notre espérance. Le cœur libre de ce qui nous taraude, et en sécurité face à tout mal possible. En nous confiant à la Vierge Marie, quelque chose nous dit que nous ne faisons pas fausse route. Au soir de notre vie, si nous sommes encore capables de marmonner le chapelet en sa présence, nous nous sentirons à l’abri de tout, prêts à passer sur l’autre rive. En attendant, la Vierge Marie, continue de nous attirer au Folgoët, pour que nous lui racontions ce qui nous tracasse et ce qui nous rend heureux. Elle est mère de l’humanité, et Dieu sait combien notre humanité, faite pour le bonheur, est tracassée face à son avenir. C’est pour cela qu’il nous a donné son Fils, pour passer avec Lui de la mort à la Vie ; et c’est ce mystère là que nous allons maintenant célébrer dans l’eucharistie. Amen.

Pardon du Folgoët 2022. Vêpres. Homélie Mgr Gérard Le Stang (III)

Chers frères et sœurs, A nouveau, j’aimerais approfondir un aspect de cette spiritualité du Folgoët qui nous fait tant de bien et nous aide à demeurer dans la joie du…

Lire la suite…

Chers frères et sœurs,
A nouveau, j’aimerais approfondir un aspect de cette spiritualité du Folgoët qui nous fait tant de bien et nous aide à demeurer dans la joie du Seigneur. J’ai parlé d’abord de la figure de Salaün ar fol, pauvre et sage à la fois qui nous invite à ne pas craindre nos fragilités, à accepter d’être parfois dépendants des autres, mendiants de leur soutien, et aussi à devenir frères et sœurs des plus pauvres, en Église particulièrement. Beaucoup de chrétiens, et notamment des jeunes, prennent des initiatives audacieuses en ce sens, faisant fleurir à nouveau la Joie de l’Évangile en notre monde, et cela est source d’émerveillement.
J’ai rappelé ensuite combien la Vierge Marie, dont nous fêtons aujourd’hui la Nativité, est présente en ce sanctuaire. On y ressent, comme le dit le Pape François que « la Vierge Marie ouvre grand les bras de son amour maternel pour écouter la prière de chacune et l’exaucer. Les sentiments que chaque pèlerin sent au plus profond de son cœur sont ceux qu’il rencontre aussi chez la Mère de Dieu. Elle sourit en donnant la consolation. Elle verse des larmes avec ceux qui pleurent. Elle présente à chacun le Fils de Dieu étendu entre ses bras comme le bien le plus précieux que possède toute mère. Marie se fait compagne de route de chaque personne qui lève les yeux vers elle en demandant une grâce, certaine d’être exaucée. La Vierge répond à tout le monde par l’intensité de son regard… » (Discours aux recteurs de sanctuaire, Rome, 2018)
Je voudrais maintenant mettre en lumière que le sanctuaire du Folgoët est aussi un lieu pour apprendre aimer l’Église et grandir avec elle comme témoin de Jésus. L’église, c’est une réalité de fois, mais aussi un bâtiment, et cela compte. Il y a tant de belles églises et chapelles qui parlent à notre cœur. Ici au Folgoët, la basilique est un trésor (parfois nous oublions ce que nous avons sous les yeux, alors que de toute l’Europe, on vient l’admirer). Beaucoup s’y arrêtent en pèlerins, parfois après une marche, seuls, en famille ou en fraternités. Tout au long de l’année, elle est un lieu de passage discret : Tel ou tel artisan, sortant des restaurants du Folgoët en semaine, passe discrètement prier à la basilique, avant de reprendre le travail. Telle personne fait régulièrement 20 ou 30 kms pour vider son sac devant la Vierge Marie.
Au début du film, Le mystère du Folgoët (Caouissin, 1953), le commentaire dit, en parlant de la basilique : « Nos pères pensaient qu’il n’y avait rien de plus urgent que d’élever sur la terre une image du ciel. » (Le mystère du Folgoët, 1953). Considération plus pieuse et plus esthétique (cela va sans dire) que de construire des entrepôts pour Amazon ou des hypermarchés. Chaque époque a ses religions…pas sûr que la nôtre ait choisi la plus nourissante !
Le théologien Maurice Zundel, a dit, en 1972, lors d’une retraite au Vatican, à propos d’une cathédrale qu’elle est « l’écrin d’une miette de pain (NB : la minuscule hostie qui est le corps du Christ). Elle vit de cette miette, qui est l’étoile à laquelle sa forêt de piliers conduit mais réciproquement c’est cette miette qui a suscité l’expansion de son espace, l’envol de ses voutes, et la flamme de ses vitraux ; (Maurice Zundel, quel homme, quel Dieu retraite au Vatican ? 1972) ». Peut-être faisait-il écho aux mots du recteur du Folgoët, en 1810 ? Quelques années, en effet, après que la basilique fut consacrée à la déesse Raison par quelques fous qui eux, avaient perdu la raison, ce recteur – averti que le fripier Anquetil voulait vendre la basilique pour en faire une carrière de pierres – alerta ses paroissiens : « Le Folgoët vendu, s’écria-t-il, une maison en moins pour Dieu et sa mère en terre bretonne ». Son appel mobilisa les paroissiens du Folgoët qui rachetèrent la basilique le 25 août 1810. Ces gens-là sont encore connus. Ils ont des noms bien de chez nous, car l’Église, c’est vous et moi : elle est édifiée d’abord par des Pierres Vivantes, et non par des idées ou des théories. François Uguen, Anne et François Le Gall, Marianne André, Yves Toutous, Hervé le Goff, Jean Gac, Yves Laot, Guillaume Loaec, Jean Arzur, Guillaume Kerbrat, et Gabriel Abjean, maire de Ploudaniel. Ce furent ces chrétiens laïcs qui sauvèrent cette église, à l’appel de leur curé. Aujourd’hui, de même, ce sont des baptisés, prêtres, diacres, laïcs hommes et femmes, consacrés qui portent, avec foi, la vie et les missions de l’Église, jour après jour, bénévolement la plupart du temps.
Derrière l’attachement à cette basilique, il y a ainsi la foi et la piété d’un peuple, une foi simple qui aime l’Église, symbolisée par la procession que nous venons de vivre, dans la longue enfilade des bannières, en priant Marie, lui confiant les prières écrites tout au long de l’année devant Sa statue. La basilique, comme l’a bien montré Job an Irien à son sujet et à propos de bien d’autres églises, a été édifiée sur un ou plusieurs filons d’eau. Avec la fontaine à son chevet, elle nous rappelle combien l’eau est un élément vital et précieux de la Création (les sécheresses passées et à venir nous le rappellent cruellement). Elle rappelle en même temps l’Eau Vive de notre baptême. C’est à cette source de notre baptême, qui nous rend égaux devant Dieu et appelés à la sainteté, que nous revenons à chaque pardon et aussi chaque fois que nous recevons le sacrement de pardon ou offrons le pardon à ceux que nous avons offensé. Ce sanctuaire est encore le lieu qui abrite les assemblées eucharistiques, source et sommet de la vie chrétienne.
Or, ces assemblées sont vraiment l’Église. Elles sont bien plus sacrées que les plus belles de nos cathédrales. C’est le sens même du mot Église : une église, c’est une ecclesia, une assemblée, convoquée et envoyée par Dieu, attirée par lui comme on vient à une source, et envoyée par Lui, pour être « l’Église en sortie », l’Église en mission. Quand nous nous réunissons en ce lieu, ou en toute autre église, à plusieurs milliers pour un pardon, ou à quelques-uns pour des célébrations toutes simples, ou même en famille en formant une « église domestique », nous formons l’Église et cela nous ressource, nous rend heureux et fiers. Peut-on imaginer que le futur de notre monde est celui d’individus hors sol, replié sur leurs écrans, connectés sans être enracinés, ni reliés les uns aux autres de façon vivante ? La vie c’est l’assemblée. La vie c’est l’ecclesia ! L’Église, c’est la vie, voulue par Dieu, dans laquelle chacun a sa place, sa vocation, ses talents et charismes à faire fructifier et non à enterrer. Frères été sœurs, si vous l’avez perdu, retrouvez le chemin de vos assemblées chrétiennes, sans rêver de communauté idéales qui n’ont jamais existé. C’est un chemin de joie !
Il y a ici, vous le sentez bien, une tradition longue et profonde, enracinée, et créatrice de liens. Nous sommes heureux de nous insérer dans cette tradition et de la faire connaître. Mais une tradition doit rester vivante. Sinon, elle devient folklore, elle se fossilise, elle perd son sens véritable et même risque de disparaître. Une tradition est une transmission, le filon d’une foi profonde et fervente. Elle s’adapte aux nécessités du temps. Elle montre, par Marie, le chemin du cœur de Dieu, à qui nous avons tant de choses à dire, tant de merci à faire remonter, tant de misères à confier. La Tradition ouvre aussi les vannes du ciel : nos chants, nos processions, nos prières dans un recoin du sanctuaire ou en grande assemblée, permettent au Seigneur d’emplir nos cœurs de sa joie, de renforcer notre Espérance, et redonnent à toute l’Église sa raison d’être reçue de Dieu : annoncer l’amour infini du cœur de Dieu à ce monde qu’il a créé et qu’il aime. Bagig san Per zo strinket euz eur garreg d’eben (la barque de Pierre est jetée d’une rocher à l’autre, oui) … Mais, Vierge Marie, euz e galon Jesuz, peus galon o tiwan an iliz… Vous avez vu, vous, Marie, que cette Église a germé du cœur de votre Fils sur la croix. Comment pourrait-elle, avec l’Esprit de Jésus en elle, ne pas poursuivre sa mission aujourd’hui ?

Salaün ar fol vivait caché dans les bois de lampigou et trouvait sa joie à chanter la Vierge. Désormais, tous les âges me diront bienheureuse, chantait Notre Dame dans son Magnificat. Elle avait bien raison. Car elle est vraiment bienheureuse, celle qui nous donne, encore aujourd’hui, le Christ, notre Sauveur, et nous envoie l’annoncer à notre monde qui cherche la paix. Que Notre-Dame du Folgoët, une fois encore, réalise le miracle de votre guérison et de votre conversion, et qu’elle fasse de vous les ambassadeurs de son fils autour de vous. Amen.