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Comment fonctionne l’officialité ?

Publié dans Église en Côtes-d'Armor, n°4 - Avril 2017, p. 8-9 :

Témoignage

Hervé Queinnec, juge ecclésiastique

Le père Hervé Queinnec est vice-official* pour les diocèses de Quimper et Saint-Brieuc. Depuis la publication d’«Amoris laetitia» sur l’amour dans la famille, il y a un an**, le nombre de demandes de nullité de mariage a doublé.

* official de la province de Rennes (Bretagne-Pays de la Loire) depuis le 1er septembre 2017.
** 19 mars 2016.

Qu’est-ce que l’officialité ?
Depuis le XIIIe siècle, l’officialité désigne le tribunal de l’évêque qui délègue son pouvoir de juger des causes ecclésiastiques à un spécialiste du droit canonique. L’official est donc le juge de l’évêque. Saint Yves était lui-même official à Rennes, puis auprès de l’évêque de Tréguier.

Pourquoi êtes-vous basé à Quimper et non à Saint-Brieuc ?
Jusqu’en 1974, il y avait une officialité dans chaque diocèse. Puis, comme pour de nombreux diocèses en France, une officialité interdiocésaine a été créée en 1974 pour les quatre diocèses bretons. Du début des années 1990 à 2008, l’abbé Jean Basset, du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, était official pour toute la Bretagne, aidé par des vice-officiaux à Quimper, Rennes et Vannes. En 2008, l’abbé Michel Penn, du diocèse de Quimper, lui a succédé. Son bureau est à Rennes. En 2011, j’ai été nommé vice-official pour m’occuper des dossiers de Saint-Brieuc et de Quimper.

Comment travaillez-vous avec l’équipe chargée de l’officialité (avocats, notaires-greffiers, juges) pour le diocèse Saint-Brieuc ?
Les avocats ecclésiastiques du diocèse concerné – ici, Roland Allouis et Marie-Christine Labbé – interviennent en premier. Ils rencontrent le conjoint qui se pose la question de la validité de son mariage religieux. Cette démarche préalable permet d’évaluer la possibilité – ou non – de voir sa demande aboutir. Je reçois ensuite personnellement le demandeur, et préviens l’autre époux. Commence alors l’instruction avec l’équipe diocésaine.
Dans les Côtes-d’Armor, l’abbé Jean Basset, en tant que juge auditeur, est très précieux pour mener les auditions de témoins, avec l’aide de Catherine Drezet, notaire. Quand l’instruction est terminée, un collège de trois juges à l’officialité (les abbés Jean Basset, Emmanuel Barré et moi-même) se réunit pour statuer si le mariage était sacramentel ou non. Cette décision peut être contestée en appel.
Dans ce cas, la personne s’adressera à l’officialité de Bordeaux, puis à Rome en dernier recours. Pour une plus grande objectivité, la procédure d’appel se déroule toujours dans un autre diocèse.

Quelle est la différence entre l’officialité et la chancellerie dans un diocèse ?
L’officialité est un tribunal avec une procédure judiciaire et toutes les garanties d’un procès équitable, et de respect des droits de la défense… Pour être official, il faut être prêtre, avoir au moins 30 ans et être diplômé d’une licence canonique (trois années d’études après le séminaire). Mais la physionomie des officialités a beaucoup changé depuis 30 ans. Des laïcs se sont formés et ont passé un certificat universitaire en droit canonique, leur permettant d’être avocat ou notaire ecclésiastique. Pour être juge, il faut une licence, qui se prépare normalement en cinq ans ; c’est d’ailleurs le cas actuellement à Rennes pour une des juges. Le travail d’officialité est donc aujourd’hui largement partagé avec des laïcs.
La chancellerie est un service administratif de l’évêché. Il requiert aussi une compétence canonique, mais le chancelier peut être un laïc. Il garde le sceau de l’évêque (le cachet officiel apposé sur les nominations), il garde la mémoire du droit particulier diocésain, il veille aux archives de l’évêché, en particulier à la bonne tenue des archives de catholicité.

Quelles sont les causes qu’un official doit traiter ?
Sous l’Ancien régime, il y avait encore une mixité des causes : l’official était chargé aussi bien de la défense de la veuve et de l’orphelin que des bénéfices ecclésiastiques… Depuis la Révolution française, le champ de compétences s’est restreint aux matières internes à l’Église, principalement sacramentelles. Aujourd’hui, 95% des causes sont matrimoniales (demandes de nullité de mariage, ndlr). Depuis la publication de l’exhortation apostolique du pape François Amoris Laetitia, il y a un an, mes confrères des autres diocèses et moi-même avons observé un doublement du nombre de causes matrimoniales. L’instruction d’une cause peut durer entre six mois et deux ans, selon la proximité des témoins ou la complexité du motif invoqué. Mon rôle consiste à juger selon le droit de l’Église, sans parti pris.

Quelles sont les autres causes que vous avez à étudier ?
Il pourrait y avoir des causes d’ordre disciplinaire concernant des prêtres ou des diacres mais je n’ai jamais été amené à traiter ce genre de dossier. Il y a aussi des causes en béatification, comme pour les martyrs du Laos, récemment béatifiés : dans ce cas précis, j’ai eu à interroger des anciens missionnaires revenus en France. De même, à la demande du diocèse de Tulle, j’ai conduit plusieurs auditions de personnes ayant bien connu le serviteur de Dieu Edmond Michelet, ancien député de Quimper, dans le cadre du procès diocésain en vue de sa béatification.

Propos recueillis par Aude Bracq
Église en Côtes-d'Armor

Glossaire

Avocat ecclésiastique : son rôle est d’accompagner le demandeur, de formuler sa demande de reconnaissance de nullité et de plaider sa cause.
Défenseur du lien : équivalent d’un procureur. Il défend le sacrement du mariage.
Notaire : comme un greffier de tribunal, il assure la régularité de toutes les procédures. Pendant les auditions, il rédige le procès-verbal et authentifie les actes.
Juge auditeur : correspond au “juge d’instruction” civil.