Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  11 septembre 2022 — 24ème TO – Année C – Falaise (14)

11 septembre 2022 — 24ème TO – Année C – Falaise (14)

Ex 32, 7-11. 13-14 ; Ps 50 ; Tm 1, 12-17 ; Lc 15, 1-32

Frères et Sœurs,

Les lectures de ce jour nous font méditer sur la Miséricorde. Une expression que nous trouvons très fréquemment dans la Bible, et donc dans la Liturgie, mais pratiquement jamais dans le langage courant. Un mot qui associe la misère et le cœur. Autrement dit, la misère et l’amour. Il est en général attribué à Dieu, parce qu’il nous aime et qu’il prend pitié de notre misère ! Mais il nous invite, nous aussi, à être miséricordieux pour les autres.

Dans la deuxième lecture, nous avons entendu un magnifique témoignage de saint Paul qui rend grâce à Dieu pour avoir bénéficié de la Miséricorde de Dieu. Il a été guéri de l’aveuglement du péché qui le rendait « blasphémateur, persécuteur et violent » comme il le dit lui-même. « J’avais agi par ignorance, dit-il, n’ayant pas encore la foi. » De fait, par ignorance, il persécutait les chrétiens, croyant être fidèle à la Loi divine. Aveugle, il l’est devenu physiquement sur le chemin de Damas lorsque le Christ lui est apparu. Et c’est le don de l’Esprit Saint reçu par les mains d’Ananie qui lui rendit la vue en même temps que la foi.
Il me semble important de rendre grâce nous-mêmes, comme saint Paul le fait dans la lecture de ce jour, pour la miséricorde que le Seigneur a manifestée à notre égard. Reconnaître ce qu’il a fait pour nous délivrer de notre aveuglement, de notre péché. Du chemin qu’il nous a fait parcourir pour le connaître et qui fait que nous sommes ici ce matin ! Un chemin peut être marqué par des périodes de doute ou de rejet. Reconnaître la grâce extraordinaire de la Foi qui nous a permis de voir clair. Autrement dit, rendre grâce pour avoir été sauvé.
Pour saint Paul, cette Miséricorde a revêtu trois aspects dans le texte que nous avons entendu :

  • D’abord, c’est par la connaissance de la volonté de Dieu, qui est un des fruits de la foi, que saint Paul a pu changer son attitude vis-à-vis des autres et en particulier des chrétiens qu’il persécutait. En rencontrant le Christ, il a été littéralement retourné et il en sera marqué toute sa vie.
  • C’est aussi la foi en Jésus ressuscité des morts qui lui a permis de croire et d’espérer vivre pour toujours avec le Seigneur et de le révéler aux autres.
  • C’est encore par la foi qu’il est devenu le témoin fidèle qui a eu un tel impact pour l’évangélisation du premier siècle et encore maintenant par ses écrits inspirés. Par saint Paul, le Seigneur a sauvé et continue de sauver beaucoup de gens !

Cela nous fait réfléchir sur l’impact de la foi dans notre propre vie. Car si, en effet, la foi nous ouvre la vue en nous délivrant de l’aveuglement du péché par la connaissance de la volonté de Dieu. Si la foi nous donne l’Espérance de la vie éternelle et qu’elle nous rend témoins de Jésus ressuscité pour les autres… alors c’est une grâce extraordinaire qui bouleverse notre existence en imprégnant de l’amour du Christ et de sa Miséricorde nos pensées, nos paroles et nos actions.
Si nous n’avons pas fait l’expérience de cela pour nous-mêmes, alors nous ne pouvons pas comprendre l’enjeu de ce que Jésus nous dit dans l’Évangile de ce jour où, par les paraboles de la Miséricorde, il nous révèle l’amour du Père qui, par son Fils, est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

Dans la bulle d’indiction de l’année de la Miséricorde en 2016, le pape François citait les trois paraboles entendues ce jour.
Et le Pape disait ceci : « Dans ces paraboles, Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l’Évangile et de notre foi, car la miséricorde y est présentée comme la force victorieuse de tout, qui remplit le cœur d’amour, et qui console en pardonnant.  »
Dans ces paraboles, je relève trois aspects qui manifestent concrètement la Miséricorde de Dieu :

  1. Tout d’abord ce qui frappe, c’est la patience et la persévérance du berger qui cherche sa brebis, comme de la femme qui cherche sa pièce d’argent ou le père qui attend son fils. Cela montre que Dieu ne s’avoue jamais vaincu, il ne désespère pas de l’homme, même de celui qui s’est éloigné de Lui. Il ne veut abandonner aucun être humain. Oui, vraiment nous touchons du doigt la force de la Miséricorde divine qui ne lâche rien tant que tout le monde n’est pas sauvé.
    Cet amour du Père pour ses créatures peut nous paraître surhumain. Il nous arrive si souvent de baisser les bras devant des personnes dont la situation nous paraît désespérée. Je pense par exemple à des personnes malades d’addictions (alcool, drogue) pour lesquels nous avons tout essayé pour les en tirer, mais sans succès. Ou encore on peut penser à des personnes qui se sont vraiment écartées de Dieu et dont le choix de vie est clairement un chemin de perdition. Comme l’avait annoncé Jésus : « Il est large et spacieux le chemin qui mène à la perdition et beaucoup l’empruntent. »
    Que faire alors pour eux ? Comment les sauver ? Le Seigneur, lui, continue de les aimer et d’attendre tout en mettant des signes sur leur chemin.
  2. C’est le deuxième point que révèlent ces paraboles. Ce n’est pas par la force que Dieu nous sauve, mais en nous manifestant sa Compassion et sa Miséricorde. Comme le dit le pape François à propos toujours de ces paraboles : « Jésus révèle la nature de Dieu, comme celle d’un Père qui ne s’avoue jamais vaincu jusqu’à ce qu’il ait absous le péché et vaincu le refus, par la compassion et la miséricorde. » Toute forme de pression ne sert souvent à rien devant des personnes qui se sont écartées du chemin de vie, nous en faisons l’expérience. Mais nous pouvons prier pour elles et leur manifester sans nous lasser notre compassion et notre miséricorde.

    MISERICORDIAE VULTUS n° 9
  3. Enfin, ce qui ressort encore de ces paraboles, c’est « la joie dans le ciel » quand un pécheur se convertit. Cette joie divine se propage aussi à nous, puisque Jésus nous invite à nous réjouir avec lui pour tous ceux qui retrouvent le chemin de la vie. Cette invitation n’est pas neutre, car elle nous appelle en même temps à nous convertir nous-mêmes et à pardonner aux autres pour accueillir cette joie divine.

Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon