Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  14 février 2021 — 6° dimanche du TO — Saint-Pol-de-Léon (29)

14 février 2021 — 6° dimanche du TO — Saint-Pol-de-Léon (29)

Lv 13,1-2.45-46 ; Ps 101 ; 1Co 10, 31-11,1 ; Mc 1, 40-45

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et Sœurs,

Ces textes, nous les connaissons bien, car nous les avons entendus bien des fois, mais dans ce contexte de pandémie, nous les écoutons d’une façon un peu différente. Nous avons, sûrement, à accueillir le message évangélique d’une manière renouvelée.

La première lecture du Livre du Lévitique nous aide à comprendre l’Évangile. Il me semble que nous ne comprendrions pas le sens profond de cette rencontre avec le lépreux si nous n’avions pas d’abord lu ce passage ! Nous voyons bien qu’il ne s’agit pas d’une banale guérison d’un malade. C’est beaucoup plus que cela !
Dans le Livre du Lévitique, donc, des règles ont été imposées par rapport aux malades de la lèpre :

  • d’abord l’isolement, la distanciation physique et même sociale (comme nous le vivons un peu aujourd’hui) où le malade devait vivre à l’extérieur du camp, loin de sa femme, de ses enfants, de ses amis dans une grande solitude,
  • et ensuite de faire pénitence avec ses vêtements déchirés, ses cheveux en désordre, qui nous rappelle que la lèpre, à l’époque, était considérée comme une conséquence du péché pour laquelle il fallait demander pardon. Cette attitude de pénitence visait à demander le pardon et la miséricorde de Dieu par la guérison. Lorsqu’il y avait guérison, le malade devait se présenter au prêtre pour authentifier sa guérison (le pardon divin) et donc être réintégré officiellement dans la communauté.

Lorsque nous lisons cet Évangile, nous nous apercevons que le lépreux ne respecte pas cette loi. En effet, « il vint auprès de Jésus » et « tomba à ses genoux ». Et Jésus, aussi, transgresse la loi, car il aurait dû s’écarter de lui pour ne pas devenir lui-même impur et au contraire, Jésus fut pris de compassion et « étendit la main et le toucha ». Étendre la main, dans la Bible, manifeste la puissance de Dieu (ainsi que nous le voyons dans le Livre de l’Exode, lorsque Moïse étend la main pour provoquer les plaies d’Égypte). En le touchant, Jésus manifeste la proximité, de l’amour de Dieu vis-à-vis de cet homme.
Cette transgression mutuelle exprime la miséricorde divine qui prend des risques pour sauver, pour donner la vie. Nous nous en rendons compte, déjà, par le fait que le lépreux s’approche de Jésus et nous entendons Jésus nous dire, dans l’Évangile selon saint-Jean : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6, 44).
Le lépreux est attiré vers Jésus, lequel lui manifeste la miséricorde divine en le touchant pour le guérir.
Nous connaissons des saints qui ont touché également des personnes malades pour prendre soin d’elles, et je pense à Santig Du, à Quimper, qui prenait soin des pestiférés jusqu’à mourir lui-même de la peste en le faisant. Finalement, ces saints ont imité le maître, Jésus, qui en montant sur la croix, a été jusqu’au bout de ce don de soi pour sauver les hommes.

Dans la crise sanitaire que nous traversons actuellement, nous devons croire que le Christ ne s’éloigne pas de nous. Au contraire ! Mais nous sommes invités, nous-mêmes, à ne pas nous éloigner du Christ. Ne restons pas à distance de lui dans cette période ! Même si le Père a attiré le lépreux vers Jésus, c’est bien le lépreux qui a fait la démarche de venir auprès de Jésus jusqu’à tomber à ses genoux. Nous aussi nous avons à nous approcher du Christ et même de la croix du Christ en cette période.

Il faut reconnaître que nous sommes un peu assommés par les consignes sanitaires, par ce que nous pouvons faire ou pas, par les informations inquiétantes ou qui nous rassurent parfois, par tout ce que nous pouvons voir passer sur les réseaux sociaux, le vrai comme le faux… Nous sommes un peu perdus, et je pense qu’il y a deux manières de réagir :

  • prendre la tempête en pleine figure et rester passifs au risque d’en être très affectés physiquement, moralement, psychologiquement, spirituellement aussi ;
  • ou alors, réagir positivement dans la foi en accueillant ce qui nous arrive comme un appel à la conversion, comme une opportunité de changer notre vie et pour cela nous approcher du Christ comme le lépreux, avec foi et dans la confiance. « Si tu le veux, tu peux me purifier. », dit le lépreux. Par cette phrase, il met sa vie entre les mains du Seigneur, se rendant totalement disponible. Ce « Si tu le veux », Jésus l’a prononcé aussi dans sa prière à Gethsémani, en exprimant ainsi sa totale confiance au Père, même s’il entrevoyait le passage par la croix.
    « Tu peux me purifier », c’est l’acte de foi que cet homme fait ! Il me semble que nous avons, nous aussi, à raviver notre foi.
    C’est donc dans ce sens que, dans ma Lettre pastorale d’il y a trois semaines, j’invitais à renouveler notre vie de prière, pour nous rapprocher du Christ, avec aussi cet appel à la confiance que Notre-Dame de l’Espérance avait exprimé il y a juste 150 ans lors de son apparition à Pontmain où elle avait dit : « Priez mes enfants. Dieu vous exaucera dans peu de temps. Mon fils se laisse toucher ». Non seulement il se laisse toucher, mais il nous touche aussi, comme le lépreux, pour nous guérir de nos peurs, de nos angoisses, de nos désespérances, de nos replis sur nous-mêmes. Il est source de Paix et nous en avons vraiment besoin.

Il y a actuellement beaucoup de tensions dans la société et dans l’Église en raison de cette pandémie. C’est devant la croix du Christ que nous pouvons retrouver la véritable communion et l’amour mutuel.

Et en ce temps où beaucoup de gens souffrent et pas seulement du Coronavirus, mais aussi de la solitude, de la précarité, du manque d’espérance, nous nous sentons appelés à partager autour de nous cet amour du Seigneur qui console, qui guérit, qui pardonne, qui redonne courage et espérance. Comme le dit saint-Paul dans la deuxième lecture « Ainsi, moi-même en toute circonstance, je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. »
C’est un beau message qui nous est donné ce dimanche en ce temps de pandémie. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon