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14 mai 2021 — Fête de saint Matthias, Apôtre — Basilique Sainte-Thérèse de Lisieux — Lisieux (14)

Ac 1, 15-26 ; Ps 112 ; Jn 15, 9-17

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et Sœurs,

Au lendemain de l’ordination de Gérard LE STANG, ces textes de la fête de saint Matthias sont très éclairants sur l’importance des vocations pour que se construise l’Église du Christ.

Le texte des Actes des Apôtres nous montre bien que le choix de Matthias s’est fait après un discernement non pas sur ses capacités personnelles, mais sur sa relation avec Jésus. L’Église a discerné avec l’aide de l’Esprit saint pour connaître celui que le Seigneur avait choisi pour remplacer Judas. C’est un peu dans le même esprit que le discernement et l’appel de Gérard LE STANG s’est fait.

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus a beaucoup médité sur sa vocation et a cherché longuement quelle était la sienne, même comme carmélite. Elle rêvait d’être prêtre, voulait être missionnaire… C’est l’image qu’en donne saint Paul dans la Lettre aux Corinthiens du Corps Mystique de l’Église (dont Jésus est la tête et nous les membres) qui a été pour la petite Thérèse une image très lumineuse comme elle l’exprime dans le récit qu’elle en a fait : « La Charité me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était BRÛLANT d’AMOUR. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang. Je compris que l’AMOUR RENFERMAIT TOUTES LES VOCATIONS, QUE L’AMOUR ÉTAIT TOUT, QU’IL EMBRASSAIT TOUS LES TEMPS ET TOUS LES LIEUX… EN UN MOT, QU’IL EST ÉTERNEL !…

Alors dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : Ô Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je l’ai trouvée, MA VOCATION, C’EST L’AMOUR…

Oui j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé !!!… »

Le fait de mettre l’amour au cœur de sa vocation rejoint le passage d’Évangile que nous avons entendu aujourd’hui, le même que celui de dimanche dernier, qui est un appel du Christ à demeurer dans son amour, et est le cœur de ce que Jésus a envie de nous transmette.
La phrase clef que nous devons retenir est : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. ». Sainte Thérèse s’est efforcée d’aimer à la manière du Christ, d’une façon toute simple, dans l’amour de ses sœurs du Carmel, et Dieu sait si ce n’était pas tous les jours évident de supporter les manies, les défauts, les péchés des autres et ses propres faiblesses et fragilités. On peut aisément faire un parallèle entre la vie de couple, de famille, celle dans nos communautés, mais, dans une communauté qui est très fermée sur elle-même, cela est encore plus compliqué… Mais, elle nous donne un très bel exemple, tant par ses écrits que par sa vie sur l’amour de Dieu et du prochain.
C’est pour cela qu’elle a été déclarée Docteur de l’Église. Parfois, la question m’est posée de savoir si le titre de Docteur de l’Église, donc une personne qui enseigne à l’Université, n’est pas un peu exagéré pour elle, qui n’a pas fait d’études. Non, cela ne l’est pas, car elle a été si loin dans la connaissance de l’amour divin, et ses écrits forment une véritable thèse sur l’amour de Dieu qu’elle est capable de nous enseigner, de tous nous enseigner, que l’on soit Évêque, infirmier, aide à la personne, prêtre, ingénieur ou agriculteur.
Son message parle à tous pour cette raison, quelles que soient la culture et la langue, dans tous les pays du monde, elle est vénérée à cause de cela, car elle a parfaitement maîtrisé le langage universel de l’amour divin.
« C’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. », dit Jésus. Les fruits de saint Thérèse, qui viennent de Dieu évidemment, sont considérables. C’est « la pluie de roses » qu’elle avait promise : toutes les grâces que nous recevons de son témoignage. Cela nous permet de remettre les autres vocations à leur juste place, y compris celle d’Évêque ou de prêtre. À une époque où l’on reproche à l’Église de ne choisir que des hommes pour assurer le sacerdoce au nom du Christ, comme s’il fallait partager un pouvoir, Sainte Thérèse, une femme, nous rappelle que dans l’Église, la vocation la plus nécessaire, comme elle le dit elle-même, est celle de l’amour parfait, c’est-à-dire la sainteté à laquelle sont appelés tous les hommes et toutes les femmes. La sainteté en mettant en œuvre dans notre vie le commandement suprême d’aimer comme le Christ. C’est le cœur de l’Église.
Qui se souvient, en effet, de qui était l’Évêque de Bayeux Lisieux à l’époque de sainte Thérèse ? Levez le doigt si vous le connaissez. Vous donnez votre langue au chat ? Je ne vous cache pas que j’ai moi-même cherché sur Wikipédia… Il s’agissait de Monseigneur Flavien-Abel-Antoine HUGONIN qui a été Évêque ici de 1867 à 1898. Personne ne s’en souvient. Ici, c’est d’une femme dont on se souvient, et une femme qui n’avait aucune responsabilité ecclésiale…, une humble petite religieuse dans son petit monastère. C’est une grande leçon que nous donne le Seigneur !

Gérard LE STANG vient d’être ordonné Évêque. Il a autant de conversions à vivre que chacun d’entre nous pour que sa vocation s’épanouisse comme celle de sainte Thérèse, dans l’amour du Christ et l’amour du prochain.
Accueillons pour chacun de nous cet appel à la sainteté en vivant humblement notre vocation, quelle qu’elle soit, dans l’amour de Dieu. En ravivant toujours notre amitié avec le Christ. C’est là que nous pourrons expérimenter nous-mêmes cette parole du Christ : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. ». Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon