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19 juin 2021 – 12e dimanche du Temps ordinaire – B – Messe pour les péris en mer – Chapelle Notre-Dame de la Joie (Penmarc’h)

Jb 38, 1.8-11 ; Ps 106 ; 2Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41

Frères et Sœurs,

Les textes de ce dimanche sont très parlants pour ceux qui vivent des métiers de la mer. Nous savons à quel point cette mer si calme peut devenir extrêmement violente lors des tempêtes qui surviennent assez souvent par ici. Pour pouvoir gagner leur vie, les pécheurs sont obligés parfois de sortir en mer à la limite du raisonnable. Ce qui était sans doute aussi le cas des apôtres qui exerçaient ce dur métier.

Dans les Évangiles, nous avons plusieurs épisodes où les apôtres sont pris dans une tempête. On peut comprendre alors que cette expérience humaine si forte lorsque la vie est en danger ait pu devenir une véritable expérience spirituelle. Je pense à nos pécheurs ou nos marins qui, ayant vécu l’angoisse d’une violente tempête, viennent rendre grâce au Seigneur et à sa mère, la Vierge Marie, comme nous le constatons avec ces ex-votos qui ornent cette chapelle.
Nous pouvons comprendre que les chrétiens, dès l’origine, aient fait une analogie entre ces récits évangéliques et ce que vivait l’Église dans le monde. Mais aussi ce qu’ils pouvaient vivre eux-mêmes dans les épreuves de leur vie personnelle. Et, de fait, la barque des apôtres, secouée dans la tempête est une image traditionnelle de l’Église depuis son origine. Durant deux millénaires, l’Église a toujours été secouée, de l’extérieur déjà, par des vagues successives et nombreuses : les guerres, les persécutions, les invasions barbares. Mais elle se remplissait d’eau aussi à l’intérieur, par les hérésies, les schismes, mais aussi par le péché de ses membres et les divisions qu’ils provoquent, comme nous pouvons le constater encore aujourd’hui.

Jésus intervient pour protéger son Église : « Silence, tais-toi ! » dit Jésus, « le vent tomba et il se fit un grand calme. » Nous discernons dans ce calme, les fruits de l’Esprit Saint, tels que saint Paul les décrit dans sa lettre aux Galates, notamment la paix, la patience, la maîtrise de soi… (Cf Ga 5, 22-23).
Jésus ne nous abandonne pas, il ne nous rejette pas, mais il nous appelle à nous convertir et à mettre notre foi en lui. Dans l’Évangile de ce jour, nous remarquons que pour Jésus, le contraire de la foi, ce n’est pas le doute, qui peut toucher de grands saints, mais c’est la peur : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » La peur est un manque de confiance en Dieu, car nous devrions toujours avoir à l’esprit qu’aucune puissance maléfique ne pourra empêcher son dessein de Salut de se réaliser, son Royaume éternel de se construire.
Comme l’exprime si bien le livre de Job à propos des flots qui représentent dans la Bible les forces maléfiques : « Tu viendras jusqu’ici, tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! » Une image qui nous parle ici à Notre-Dame de la Joie !
Nous pouvons avoir peur, c’est humain, face à l’évolution du monde et ses dérives. Notamment face aux grands défis que nous avons à surmonter pour protéger la Création et la dignité de la personne humaine. Nous pouvons avoir peur de la place que l’Église tient désormais dans la société. Une place petite, modeste, qui n’a plus rien à voir avec ce que nous avons pu connaître il y a encore quelques décennies en Bretagne.
Comme nous y invite Jésus, nous avons à surmonter toutes ces peurs par la foi. La foi, ce n’est pas de la naïveté ni de l’aveuglement, c’est au contraire une grande lucidité qui nous permet de voir au-delà des apparences trompeuses, car le Seigneur nous guide vers la vérité tout entière. Nous avons à vivre des conversions à tous les niveaux, au nôtre d’abord, et nous avons aussi une parole prophétique à donner ! Et, c’est bien par la foi que nous pouvons être fidèle à notre vocation de baptisé en restant debout dans la tempête, en sachant discerner ce que le Seigneur attend de nous et à nous y engager résolument, sans avoir peur.
Jésus appelle ses disciples à lui faire confiance, car la foi est certes un don de Dieu, mais elle est aussi une adhésion de notre part comme l’exprime si bien saint Paul dans la 2e lecture : « …le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. »

Comme le disait le pape Benoit XVI : « À l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive.  » La rencontre avec le Christ qui est le propre de tous les baptisés, même si le chemin peut être long et compliqué pour certains, devient une heureuse amitié qui change radicalement notre manière de concevoir le monde. Comme le dit encore saint Paul : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. »
Et il précise : « Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine. » Et en méditant cette phrase, je pense en particulier à nos péris en mer pour lesquels nous prions ce soir. De fait, nous savons et nous croyons que tout être humain est aimé de Dieu et qu’il est appelé à être sauvé du péché et de la mort par le Christ. Nous le croyons, Jésus est mort est ressuscité et il reviendra dans la gloire pour établir son Règne de justice et de paix. C’est notre espérance. Et cette espérance nous rend confiants vis-à-vis de tous ceux qui nous ont quittés et en particulier de ceux qui ont péri en mer, dont le deuil est encore plus dur à vivre.

Dans les familles de pêcheurs, il n’est pas rare qu’il y ait un péri en mer dans chaque génération. Il y a aussi des péris en mer qui ne sont pas pécheurs. Je pense aux marins de la marine marchande, de la marine nationale, de la SNSM comme cela est arrivé il y a deux ans, et ceux qui périssent en mer pour d’autres motifs, les plaisanciers, ou encore ceux qui ont quitté leur pays pour fuir la misère ou la guerre. Nous prions pour eux ce soir dans l’espérance de la Résurrection.

Lett. enc. Deus Caritas est (25 décembre 2005), n. 1 : AAS 98 (2006), 217.


Nous célébrons la messe dans la chapelle Notre-Dame de la Joie. Un beau signe d’espérance face à la mer qui peut devenir si meurtrière ! Cela rejoint ma devise épiscopale « Joyeux dans l’Espérance. » Une espérance qui ne nie pas la douleur et le deuil, mais qui nous libère de la peur de mourir. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon