Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  22 mai 2022 — 6e dimanche de Pâques – Année C – Millénaire de l’église de Loc-Maria – Quimper (29)

22 mai 2022 — 6e dimanche de Pâques – Année C – Millénaire de l’église de Loc-Maria – Quimper (29)

Ac 15, 1-2. 22-29 ; Ps 66 ; Ap 21, 10-14. 22-23 ; Jn 14, 23-29

Frères et Sœurs,

Les 1000 ans de cet édifice, avec ses heurs et ses malheurs, peuvent nous aider à méditer sur l’histoire parfois périlleuse de l’Église avec un grand E, mais aussi sur sa longévité dans la foi avec au cœur cette promesse du Christ faite à l’apôtre Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Mt 16, 18)
Nous fêtons ces 1000 ans, mais, en réalité, des fidèles chrétiens se réunissaient ici plusieurs siècles avant la construction de cette église, puisque nous avons des vestiges d’une église plus ancienne, qui aurait été détruite par les invasions normandes.
Celle-ci est donc déjà une reconstruction ! Et elle-même a continué à faire l’objet pendant ces 1000 ans de destructions partielles et de reconstructions et elle en porte de nombreuses traces comme ce pilier rond qui a été ajouté alors que la tour commençait à s’écrouler à la fin du XVe siècle… Et l’église de Loc-Maria continue de faire l’objet de restaurations comme celle qui vient d’être réalisée sur la toiture par la Direction régionale des Affaires culturelles.

Je me permets donc de faire un parallèle entre l’histoire un peu chaotique, mais continue, de l’architecture de cette église à travers les âges et l’Église, communauté chrétienne, qui se construit à travers les péripéties de l’histoire, mais aussi de ses difficultés internes.

La première lecture des Actes des Apôtres nous relate justement une des premières difficultés internes de l’Église au 1er siècle avec un grave conflit qui a failli créer une division entre les chrétiens d’origine juive et ceux d’origine païenne. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais ce qui est intéressant dans ce texte, c’est la manière avec laquelle l’Église a surmonté cette épreuve et même à se trouver plus unie et plus solide à l’image de l’église de Loc-Maria !
Avec les apôtres, qui sont les garants de l’unité de l’Église et de l’authenticité de la foi, ils vont se mettre en prière en cherchant la lumière dans les Écritures, et en se laissant guider par le Seigneur, au point de pouvoir affirmer au terme de ce premier Concile : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de… etc. » Des décisions qui vont, de fait, apaiser les divergences et permettre à l’Église du 1er siècle de s’en trouver consolidée.
Si l’église de Loc-Maria a déjà tenu 1000 ans, c’est que des hommes et des femmes ont surmonté de cette façon les divisions, les épreuves, les scandales, en continuant à prier, à méditer la Parole de Dieu, à faire confiance au Magistère, c’est-à-dire aux évêques, successeurs des apôtres.
Cet édifice mainte fois remanié est un appel à vivre dans l’espérance pour affronter les difficultés qui sont les nôtres actuellement. J’évoquais les scandales et divisions internes, mais je pense aussi au contexte social très individualiste où chacun se forge sa propre vérité, en s’appuyant souvent pour cela sur ce qu’on trouve sur les réseaux sociaux, qui affirment pourtant tout et son contraire.

Or, ce qui fait la longévité de l’Église, c’est justement qu’elle est fondée sur le Christ et non pas sur l’opinion publique. Dans le livre de l’Apocalypse, lu en deuxième lecture, l’auteur décrit la Jérusalem céleste, autrement dit le Paradis, dans un style littéraire très symbolique : « Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau. » C’est-à-dire le Christ, lui qui est ressuscité des morts, qui est vivant pour toujours, et qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Le Christ qui a fondé l’Église sur ses apôtres et qui n’a jamais cessé de s’y manifester.
C’est pourquoi dans cette église de Loc-Maria, tous les éléments représentent, comme en anticipation, cette Église du ciel : notamment l’autel qui symbolise le Christ devant lequel on s’incline avant de monter et vers lequel tous les regards convergent. Les piliers, qui ont été consacrés, représentent les 12 apôtres qui sont les colonnes de l’Église… et l’ensemble des pierres représentent les fidèles, pierres vivantes de l’Église.
Comme l’exprime saint Paul dans sa lettre aux Éphésiens : « Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, les éléments d’une même construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit Saint. » (Eph 4, 20-22)
Ce n’est pas l’église de pierres qui est importante, même si celle de Loc-Maria durera peut-être encore 1000 autres années. Mais si nous y tenons tant justement, au point d’investir des sommes importantes pour l’entretenir, c’est bien pour ce qu’elle représente. Elle reste le témoin des artisans habiles qui l’ont construite, mais surtout des fidèles qui viennent ici depuis plus de dix siècles pour louer le Seigneur, écouter sa Parole et célébrer la messe au cours de laquelle Jésus les fait participer à sa vie divine.
S’il n’y avait pas eu de fidèles pour accueillir le Christ dans leur vie, cette église n’aurait jamais été construite ! Comme Jésus le dit dans l’Évangile de ce jour : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » La demeure de Dieu est d’abord dans notre cœur et dans notre vie, mais c’est lui qui nous pousse depuis des siècles à construire des églises et des monastères pour nous rassembler, pour le prier, le louer, et célébrer les sacrements jusqu’à son retour dans la gloire.
L’église de Loc-Maria, qui a connu durant 1000 ans les heurs et les malheurs de la société et de l’Église, est témoin qu’il ne faut jamais se décourager. Le gros pilier rond qui a empêché la tour de s’écrouler pourrait être vu comme le symbole de la fidélité des chrétiens qui ont tenu bon dans les épreuves, à des périodes de l’histoire où la foi chrétienne semblait s’écrouler. C’est une belle leçon qui nous est donnée pour nous aujourd’hui !

J’évoquais les invasions normandes, qui ont tout ravagé dans la région, mais nous pouvons évoquer aussi la période révolutionnaire où l’église avait été transformée en magasins de la marine. Depuis le milieu de XXe siècle, nous vivons la disparition rapide de la « chrétienté », c’est-à-dire d’une société fondée sur la foi chrétienne, mais l’Église est toujours là et bien vivante, même si elle rassemble moins de fidèles. Il y a beaucoup de gens qui s’efforcent de mettre vraiment le Christ au cœur de leur vie.
Souvenons-nous de ce qu’a écrit saint Pierre dans sa deuxième lettre : « Bien-aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. » (2 P 3, 8-9)

Frères et Sœurs,
En cette église qui porte le nom de la Vierge Marie, confions à sa prière maternelle la ville de Quimper et ses habitants, notre Église, le monde qui est actuellement en souffrance, et confions-nous nous-mêmes à la Vierge Marie, ainsi qu’à la prière de tous ceux qui ont chanté dans cette église depuis 10 siècles leur foi et leur amour du Seigneur. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon