Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  25 février 2024 — 2e dimanche de Carême – Messe dominicale en paroisse — Église Saint-Pierre — Plougasnou (29)

25 février 2024 — 2e dimanche de Carême – Messe dominicale en paroisse — Église Saint-Pierre — Plougasnou (29)

Gn22, 1-2.9-13.15-18 ; Ps 115 ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9, 2-10

Intervention retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et sœurs,

Il y a, dans la conclusion de ce passage d’Évangile de la Transfiguration, une phrase un peu étonnante : « Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts. »
Pourquoi cette interdiction ? En fait, cet événement vécu avec les apôtres situe clairement Jésus comme le Messie de Dieu, le Fils bien-aimé du Père. Or, aucun croyant de l’époque ne pouvait imaginer que le Messie de Dieu, qu’ils attendaient, pouvait et même devait passer par la souffrance et la mort pour ressusciter. C’est pourquoi d’ailleurs même les apôtres ne comprirent pas ce que voulait dire « ressusciter d’entre les morts ». C’est seulement après le passage de Jésus par la mort et la résurrection que tout va s’éclairer pour eux. Cependant, cet événement de la Transfiguration va contribuer à leur faire découvrir qui est vraiment Jésus et surtout va les ouvrir à l’Espérance, leur permettant aussi de traverser l’épreuve de la mort et de la résurrection du Christ.
Pour nous aussi, en ce temps de Carême, cet événement rapporté par les apôtres peut nous aider à raviver en nous, voire à clarifier, ce que nous croyons de Jésus. Et ce n’est pas forcément si clair que nous le pensons. Nous pouvons repérer dans ce passage, trois aspects pour cela :

  • Jésus qui est transfiguré sur la montagne,
  • La présence à ses côtés de Moïse et d’Élie,
  • La voix du Père qui nous invite à écouter Jésus.

D’abord, Jésus est transfiguré, pas n’importe où. Sur une haute montagne (les montagnes sont toujours des lieux sacrés), et on nous dit par rapport à ses vêtements, par rapport à son visage que : « personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. » Cela rappelle la rencontre de Moïse avec Dieu : « Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en main les deux tables du Témoignage, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis qu’il avait parlé avec le Seigneur. » (Ex 34, 29) Moïse rayonnait de la lumière du Seigneur, mais Jésus, lui, rayonne par lui-même. La lumière vient de Lui. Le Seigneur, c’est Lui. Comme le dit Jésus dans l’Évangile selon saint Jean : « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie » (Jn 8, 12)
Cette transfiguration révèle donc clairement la divinité du Christ. Il n’est pas seulement comme Moïse, un homme éclairé par Dieu et qui rayonne de sa présence. Il est cette présence qui rayonne pour nous. C’est Lui qui éclaire notre existence et qui fait de nous des témoins de sa présence et de son amour.
En ce temps de Carême, laissons-nous illuminer par Jésus, non seulement dans le sacrement de l’Eucharistie pour lequel nous essaierons d’être plus fidèles, mais aussi par le sacrement du Pardon puisque ce sacrement nous délivre de nos ténèbres pour nous donner la lumière de la vie. Je crois très important de ne pas délaisser ce sacrement où Jésus nous communique cette lumière.

Deuxièmement, nous avons à côté de Jésus la présence de Moïse et d’Élie qui échangent avec Lui. Pourquoi sont-ils là ? Que nous révèlent-ils de Jésus ? Tout simplement que Jésus s’inscrit dans une longue histoire depuis l’Alliance conclut par Dieu avec Abraham dont Moïse a été un maillon essentiel en menant son peuple de la servitude d’Égypte à la Terre Promise. Moïse qui a établi la Loi dictée par Dieu. Élie manifeste le prophétisme, car ce sont les prophètes qui ont appelé le peuple à rester fidèle à l’Alliance et qui ont annoncé la venue du Messie. Élie était justement celui que l’on devait attendre et qui devait annoncer et même préparer la venue du Messie. Jésus dira plus tard que Jean-Baptiste est cet Élie qui doit venir.
Cela nous fait entrer nous-mêmes, en Église, dans cette histoire sainte, cette histoire où Dieu fait Alliance avec nous pour nous conduire sur le chemin de la vraie vie et qui trouvera son aboutissement lors de sa venue, quand Il viendra juger les vivants et les morts.
En ce temps de Carême, nous pouvons recevoir ce passage comme un appel à la foi en ce dessein de Salut voulu par Dieu et que Jésus conduit à son aboutissement, jusqu’à son retour dans la gloire. Il me semble important de nous situer nous-mêmes dans cette histoire sainte pour ne pas désespérer de ce monde et pour y voir tous les signes de la présence et de l’action de Dieu dans le cœur des personnes de bonne volonté. Nous sommes souvent aveuglés par les difficultés qui jalonnent nos vies : les difficultés de l’Église, les difficultés du monde, et nous finissons par ne plus voir qu’au fond des cœurs le Seigneur répand ses grâces en abondance. Dimanche dernier, j’ai appelé 65 adultes qui demandent le baptême. Nous n’en avons jamais eu autant. Aujourd’hui, il y a beaucoup de demandes de baptême assez étonnantes. Signe que le Seigneur continue son œuvre de Salut. Il travaille au fond des cœurs. La Transfiguration est importante pour nous : elle nous montre la lumière pour nous permettre de traverser les ténèbres. Comme chrétiens, nous devons nous rendre disponibles à ce que le Seigneur attend de nous pour apporter notre pierre à l’édifice du Salut de l’Humanité. Que nous y prenions pleinement notre place en nous engageant.

Enfin, troisièmement, il y a la Parole du Père : « Celui-ci est mon fils bien-aimé. Écoutez-le. ». Comment comprendre cet appel à écouter ? C’est encore un appel à la foi, à croire que lorsque Jésus nous parle, c’est Dieu qui parle et pas seulement un prophète, un envoyé de Dieu. « Celui qui m’a vu a vu le Père », dit le Christ. Cela peut paraître évident à ceux qui sont baptisés depuis longtemps et encore… ce n’est pas toujours sûr… J’ai rencontré la semaine dernière un jeune qui s’interrogeait précisément sur l’identité de Jésus et sur la crédibilité de ses paroles. Il me disait, comment peut-on parler de Père, de Fils en parlant de Dieu ? Dieu ne peut pas avoir d’enfants, a-t-il ajouté. En fait, on replonge là dans le mystère de la Sainte Trinité. Un mystère qui n’est pas une invention des hommes, mais une Révélation de Dieu lui-même, par son fils Jésus et dans l’Esprit Saint.
Un Mystère que nous avons à nous réapproprier dans la foi en ce temps de Carême, grâce, précisément à tous ces textes de l’Écriture Sainte, la Bible, qui nous sont offerts pendant ce Carême dans la Liturgie de chaque jour.
N’oublions pas l’appel du Père à écouter son fils bien-aimé ! C’est donc un appel à prendre plus de temps pour lire et méditer ces textes, car, à travers eux, c’est Dieu qui nous parle et il nous faut accueillir sa Parole. Une écoute qui peut être personnelle, mais aussi communautaire. Ces textes nous invitent donc à raviver en nous la connaissance de Jésus, et notre attachement à Lui et à ses Paroles.
Est-Il toujours la lumière de notre vie ? Est-Il toujours au centre de notre existence, de nos choix, de nos relations ? Croyons-nous vraiment qu’Il est présent et qu’Il nous sauve, et pas seulement chacun de nous, mais l’humanité tout entière ? La Transfiguration nous aide sans doute à clarifier notre foi en Jésus et à nous attacher de plus en plus à Lui. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon