Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  27 mars 2024 — Mercredi Saint — Messe chrismale — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29)

27 mars 2024 — Mercredi Saint — Messe chrismale — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29)


Is 61, 1-9 ; Ps 88A ; Ap. 1, 5-8 ; Lc 4, 16-21

Frères et sœurs,

Dans quelques instants, je vais bénir les huiles qui seront utilisées dans la célébration des sacrements durant toute cette année liturgique.

Ces bénédictions ne donnent pas pour autant à ces huiles un pouvoir magique ! Elles ne sont utilisées que dans le cadre liturgique, et c’est précisément là qu’elles expriment leur force, car elles manifestent de façon tangible la grâce de Dieu qui imprègne notre corps et toute notre vie par le don de l’Esprit Saint.
La puissance des signes est très importante dans les sacrements et celle des huiles saintes est particulièrement pertinente, car elles nous rappellent que Dieu prend soin de nous, corps et âme.
En cette période de l’histoire qui peut apparaître comme particulièrement inquiétante, les sacrements nous rappellent que Dieu ne nous a pas abandonnés. Il prend soin de nous et il est toujours à l’œuvre pour nous sauver. Son œuvre de Salut, que Jésus a mené à son accomplissement par sa mort et sa résurrection, continue de se réaliser, notamment dans les sacrements, et rien ni personne ne pourra y faire obstacle jusqu’à son retour dans la gloire à la fin des temps.

Ces huiles saintes sont donc un signe fort qui donne sens aux sacrements.

L’huile des malades manifeste la miséricorde de Dieu pour les malades. Alors que notre société est en débat sur le sens de la fin de vie lorsque celle-ci est marquée par la grande souffrance, le sacrement des malades donne le signe que Dieu nous accompagne jusqu’au terme naturel de notre vie. Cette huile sainte soulagera « le corps, l’âme et l’esprit des malades qui en recevront l’onction. » Beaucoup de malades qui reçoivent ce sacrement sont relevés moralement et parfois physiquement. Le Seigneur manifeste ainsi son amour et nous montre à quel point notre vie a du prix à ses yeux depuis sa conception jusqu’à son terme.

L’huile des catéchumènes manifeste la force que Dieu donne à tous ceux qui viennent demander le baptême et ils sont de plus en plus nombreux, jeunes et adultes à faire cette démarche. Un certain nombre d’entre eux sont présents ce soir. Comme je le dirai dans la prière de bénédiction, les catéchumènes reçoivent de Dieu « intelligence et énergie, ils comprendront plus profondément la Bonne Nouvelle et s’engageront de grand cœur dans les luttes de la vie chrétienne. » Une lumière et une force dont ils ont besoin pour grandir dans la foi et convertir leur vie à l’Évangile, alors même que le contexte de la société ne les soutient pas dans ce sens, au contraire ! C’est un signe puissant de la fidélité de Dieu.
Mais cette huile des catéchumènes nous rappelle que le Seigneur nous donne toute la vie la force de lutter contre le mal et de grandir en sainteté. C’est seulement avec son aide que nous pouvons ne pas nous « laisser entrer en tentation » comme nous le demandons dans la prière du Notre Père et devenir saints puisque telle est notre vocation de baptisés. Nous sommes soutenus toute notre vie par le Seigneur dans le combat spirituel comme Jésus l’avait vécu face à Satan dans le désert. Il y a tellement d’occasions de nous laisser détourner de la vérité. C’est un combat pour la vie.

Enfin par le Saint Chrême, une huile parfumée, le Seigneur manifeste une consécration définitive, un engagement qu’il prend à notre égard pour nous sauver. La prière de bénédiction le dit bien : « que ceux qui en recevront l’onction en soient pénétrés au plus profond d’eux-mêmes et rendus capables d’obtenir le salut. »
Autrement dit, nous recevons de Dieu la grâce d’être capables de devenir disciples de Jésus et de marcher à sa suite. Cela ne vient pas de nous, c’est le don de Dieu. Nous avons reçu cette onction à notre baptême et à notre Confirmation. Les catéchumènes que j’ai appelés au début du Carême la recevront dans quelques jours à la Vigile Pascale.

Mais je voudrais rappeler que l’évêque et les prêtres reçoivent aussi une onction de Saint Chrême lors de leur ordination pour les rendre capables d’exercer le ministère que le Seigneur leur confie avec le soutien des diacres. La grâce divine des sacrements ne descend pas directement des cieux, elle passe par des gestes incarnés, par des ministres qui ont reçu le don de Dieu pour le faire.
Vous allez peut-être trouver bizarre que j’insiste sur ce point qui est, je pense, évident pour tout le monde ! Mais pourquoi j’y insiste aujourd’hui ?

Parce qu’il y a un débat qui agite l’Église depuis quelques années sur le ministère de prêtre, notamment sur un aspect de son ministère qui est le munus regendi, autrement dit la charge de gouverner le peuple de Dieu. On regarde cela sous l’angle des dérives possibles de pouvoir, perçu de manière plutôt négative en utilisant le terme de cléricalisme. En oubliant qu’il a reçu de l’Église cette responsabilité de conduire le peuple de Dieu au nom du Christ, même s’il doit s’efforcer de le faire dans l’humilité et toujours en s’appuyant sur ses différents conseils. C’est la synodalité.
Mais on parle peu d’une autre dimension du ministère de prêtre, le munus sanctificandi c’est-à-dire la charge de manifester la grâce de Dieu par les sacrements. Cette célébration de la messe chrismale avec la bénédiction des huiles nous rappelle la nature profonde de cet aspect du ministère du prêtre qui a donné sa vie pour répondre à cet appel du Seigneur.
Ils agissent donc au nom du Christ, et même in persona Christi, dans la personne du Christ, selon l’expression du Catéchisme (CEC 1548). Ils pourraient en tirer orgueil, c’est pourquoi le prêtre est appelé à exercer son ministère dans l’humilité et il n’ignore pas ses propres faiblesses pour lesquelles il demande pardon comme tous les baptisés.
Il célèbre en la personne du Christ donc, mais c’est Dieu bien sûr qui agit par la puissance de son Esprit Saint et qui fait en sorte que le sacrement accomplit réellement ce qu’il signifie.
La prière de l’onction de Saint Chrême que l’évêque fait dans les mains du prêtre lors de son ordination le dit bien : « Que le Seigneur Jésus Christ, lui que le Père a consacré par l’Esprit Saint et rempli de puissance, te fortifie pour sanctifier le peuple chrétien et pour offrir à Dieu le sacrifice eucharistique. »
Il est bon de nous rappeler cela en ce jour où les prêtres redisent devant tous l’engagement sacerdotal de leur ordination.

Enfin, nous célébrons cette année le 60e anniversaire du rétablissement du diaconat dit « permanent », c’est-à-dire non pas comme une étape vers le sacerdoce, mais pour exercer ce ministère en tant que tel. Signe du Christ qui part à la recherche de la brebis perdue.
C’est pour cela que les diacres sont derrière l’évêque dans la procession. Cela symbolise qu’ils restent en arrière pour inviter au repas du Seigneur tous ceux qui sont restés de côté, en marge, à la croisée des chemins. En renouvelant leur promesse d’ordination dans quelques instants, nous rendrons grâce pour ces 60 ans qui ont permis à ce ministère de renaître et de trouver une belle place dans le Corps de l’Église. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon