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Assomption de la Vierge Marie – 15 août 2021

L’assomption, une grande fête d’espérance et de joie pour les chrétiens. Une fête aux couleurs pascales. À Pâques nous proclamons la résurrection du Christ, sa victoire sur la mort et sa glorification, puis son ascension au ciel quand il est monté vers celui de qui il est venu, vers son Père et notre Père. Aujourd’hui nous fêtons l’élévation de Marie près de Dieu et de son Fils dans la gloire du ciel. L’Assomption est un mot qui peut se traduire en effet par élévation, comme le faisait Pie XII en 1950 : « … Au terme de sa vie terrestre, Marie a été élevée en son corps et son âme à la gloire du ciel. » Très tôt dans l’Église s’est répandue une tradition au sujet de la mort de Marie. Jésus ressuscité ne pouvait laisser sa Mère connaître la corruption. La femme qui avait donné corps à Dieu dans sa chair et lui avait donné son humanité, devait participer la première à la résurrection de son Fils. Dans la litanie des saints, Marie, mère de Dieu, sera la première nommée, avant les anges et les archanges. Comme pour la résurrection de Jésus ou son ascension, l’assomption de Marie est d’abord un mystère de foi. Les explications techniques ou cliniques sont ici malvenues. L’important est de comprendre avec l’intelligence de la foi et du cœur ce que proclame l’Église à la suite de saint Paul quand il s’adressait aux Corinthiens.

Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts,
lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
Car, la mort étant venue par un homme,
c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts.
En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam,
de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie,
mais chacun à son rang : en premier, le Christ,
et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent.
Alors, tout sera achevé,
quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père,
après avoir anéanti, parmi les êtres célestes,
toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance.
Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour
où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis.
Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort,
car il a tout mis sous ses pieds. (1 Co 15, 20-27)

Dieu s’est fait homme pour que l’homme communie à sa divinité. Christ est le premier ressuscité, prémices de notre propre résurrection. En Jésus né de Marie, Dieu épouse la condition humaine. Le Verbe s’est fait chair dans le corps de Marie. Les Pères de l’Église n’ont cessé de louer la Mère de Dieu, cette créature humaine qui a donné naissance à son créateur. L’essentiel de la foi dans la Bible, repose sur la relation d’Alliance que Dieu établit avec les humains. Il est facile de comprendre ce qu’est une alliance entre humains. Mais comment comprendre l’Alliance entre eux et Dieu dans l’espace et le temps ? Ils vivent et meurent sur la terre alors que Dieu est éternel. Il habite le ciel, où il n’y a ni lieu ni maison. Pour exprimer à l’homme le réalisme de l’Alliance, le caractère concret de sa présence dans le temps et l’espace, Dieu s’est manifesté par des signes humains, historiques et terrestres, spirituels, corporels, communautaires. Les textes liturgiques de ce dimanche abondent d’images et de signes. Encore faut-il les interpréter. L’extrait du livre de l’Apocalypse emprunte un langage biblique difficile pour nous aujourd’hui.

Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit,
et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire ;
Un grand signe apparut dans le ciel :
une Femme, ayant le soleil pour manteau,
la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.
Elle est enceinte, elle crie,
dans les douleurs et la torture d’un enfantement.
Un autre signe apparut dans le ciel :
Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter,
afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.
Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle,
celui qui sera le berger de toutes les nations,
les conduisant avec un sceptre de fer.
L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône,
et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place,
Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait :
« Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu,
voici le pouvoir de son Christ ! (Apo 11,19 ; 12, 1-6,10)

L’arche d’alliance qu’abriteront successivement le tabernacle de l’exode puis le Saint des saints du Temple de Jérusalem a été porteuse de la présence du Dieu de l’Alliance dans l’histoire d’Israël son peuple. Mais ce sont là des lieux terrestres, et c’est dans un sanctuaire céleste qu’est abritée l’arche de la nouvelle Alliance. C’est de ce texte que l’Europe s’est inspirée pour son drapeau (sans commentaire !). Pour les chrétiens, l’Alliance entre le ciel et la terre, entre Dieu et l’humanité s’est pleinement réalisée en son Fils, l’Emmanuel. Désormais tout se passe sur la terre comme au ciel, et au ciel comme sur la terre ! Dieu a pris corps et est venu demeurer au milieu des hommes. Sa demeure a été d’abord le sein de Marie, arche non pas celle de la première mais de la nouvelle Alliance. Sa demeure est désormais céleste et terrestre : celle du Christ Ressuscité, de Marie sa mère et celle qu’est l’Église des baptisés en son nom. La tradition chrétienne a toujours fêté le rapport particulier de Marie, Mère de Dieu, à l’égard du Corps du Christ. Marie l’a porté, abrité, nourri en ses entrailles. À sa suite chacun est désormais « un sanctuaire de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en lui », écrira saint Paul (1Co 3, 16). Marie se trouve au degré de sainteté qui convient à la Mère de Dieu. « Aucune créature n’a été le temple de Dieu plus purement ou plus parfaitement qu’elle » a écrit le père Congar.

L’Évangile de cette fête est celui de la visitation, suivi de l’hymne du Magnificat.

En ces jours-là, Marie se mit en route
et se rendit avec empressement vers la région montagneuse,
dans une ville de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie,
l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles,
l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles
qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » (Lc 1 39-56)

Le récit évangélique est celui d’une rencontre entre deux femmes qui représentent le premier et le deuxième Testament. Récit non pas de la fin d’une Alliance déclarée périmée, mais de l’avènement d’une nouvelle qui en est la continuité et l’accomplissement. Dans le chant du Magnificat, Marie parle d’assomption : « Dieu élève – « assomptionne » – les humbles », dit-elle. « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé », dira son fils. Une image très fréquente dans le premier Testament. Comme elles sont humbles ces deux femmes ! Modestes femmes de la terre, elles reçoivent dans le sanctuaire de leur corps deux enfants qui se saluent et dansent de joie dans le sein de leurs mères. De toutes deux sont humblement porteuses de deux humbles messagers de bonheur pour l’humanité, Jean et Jésus.

Le texte du Magnificat s’inspire du premier Testament, et Luc le place sur les lèvres de Marie, « la mère du Seigneur » comme la reconnaît sa cousine. Il s’agit bien d’une continuité, d’une confirmation, d’un accomplissement, d’une plénitude. Dieu élève les humbles car ils lui ressemblent, à lui qui est un Dieu serviteur qui s’abaisse. En son Fils, il est entré en fraternité avec l’humanité, prenant la condition des hommes fruits de l’humus et pétris du limon. Dieu ne se reconnaît en rien en ceux qui s’élèvent, qui rêvent de puissance, adulés et siégeant sur des trônes, assoiffés de carrières et d’assomptions personnelles. Plus ils s’élèvent eux-mêmes et veulent surplomber les autres, plus ils rabaissent l’honneur de l’humanité. Mais plus ils s’abaisseront, plus ils seront élevés. Cet enfant que Marie porte en son sein, dit encore l’Apocalypse, sera « le berger de toutes les nations ».

Les Pères de l’Église ont présenté la mort de Marie comme une « dormition ». Elle s’est endormie dans la mort mais a été aussitôt élevée au ciel pour participer la première à la gloire et au bonheur de son Fils. C’est en Orient surtout que l’assomption de Marie a été honorée. Jean de Damas au 7e s. dans une prédication, faisait parler Marie au moment de sa mort au milieu d’une nombreuse assistance. Voici ce qu’il lui faisait dire :

« Mon fils, je remets mon esprit entre tes mains.
Reçois cette âme que tu aimes et que tu as su conserver toute pure.
C’est à toi et non à la terre que je confie mon corps.
Préserve-le, lui aussi, puisque tu as daigné y demeurer
et que tu l’as gardé vierge en naissant de lui.
Emporte-moi donc avec toi, ô fruit de mes entrailles,
pour que, là où tu seras, je sois, moi aussi, avec toi.
Le temps me dure d’être auprès de toi,
qui as vaincu la distance pour venir au-devant de moi.
Quant à mes enfants bien-aimés, que tu as voulu nommer tes frères,
console-les après mon départ ;
pendant que je vais leur imposer les mains, donne-leur ta bénédiction. »
Et, levant les mains, on peut croire qu’elle bénit les assistants réunis.
Après ces mots, elle entendit à son tour une voix :
« Viens ma mère bénie, dans mon repos ».
Ces paroles entendues, la Sainte remet son esprit entre les mains de son Fils.
C’est alors que l’arche du Seigneur,
ayant quitté la montagne de Sion,
portée sur les épaules glorieuses des Apôtres,
est transférée dans le temple céleste par l’intermédiaire du tombeau.

Evangile selon saint Luc – Lc 11, 27-28