Col 1, 1-8 ; Ps 51 (52) ; Lc 4, 38-44
Chers amis,
Les textes que nous venons d’entendre n’ont pas été choisis spécialement pour cette messe de promotion. Ce sont les textes de la messe de ce jour. Mais nous avons toujours un message à recevoir de la part du Seigneur en fonction du contexte qui est le nôtre et en l’occurrence, cette étape si importante de votre promotion.
En lisant attentivement la notice de votre parrain, le major Philippe HERVÉ, j’ai repéré un certain nombre de valeurs qui ont marqué sa vie de gendarme et qui sont des repères importants pour tous les gendarmes dans le métier très particulier qui est le vôtre : sens du devoir, désir de servir la nation, discipline, motivation, sens de l’engagement, etc.
Dans l’Église, on ne parle pas trop de « valeurs ». On parle plutôt de « vertus » qui expriment en plus la dimension spirituelle de notre engagement au service des autres. La description qu’en donne l’Église, c’est que « La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien. Elle permet à la personne, non seulement d’accomplir des actes bons, mais de donner le meilleur d’elle-même.
De toutes ses forces sensibles et spirituelles, la personne vertueuse tend vers le bien ; elle le poursuit et le choisit en des actions concrètes . »
Je ne sais pas si le major Philippe HERVÉ était croyant, mais en lisant les valeurs qui lui sont attribuées, je trouve intéressant de faire un rapprochement entre les valeurs qu’il a manifestées et les vertus chrétiennes qui sont en quelques sortes des valeurs, inspirées et soutenues par notre foi en Dieu.
Dans la première lecture, saint Paul nous dit « Nous avons entendu parler de votre foi dans le Christ Jésus et de l’amour que vous avez pour tous les fidèles dans l’espérance de ce qui vous est réservé au ciel. » Dans cette phrase, nous voyons apparaître les trois vertus qui sont la colonne vertébrale du chrétien : la foi, l’espérance et la charité. La charité étant l’amour, mais pas tant sur le plan sentimental. Un amour engagé au service des autres.
Ces vertus sont appelées théologales, car elles sont un don de Dieu, une grâce à recevoir. Saint Paul dans ce passage parle bien de la foi dans le Christ Jésus. Car, par le don de sa vie sur la Croix et par sa Résurrection, Il est venu pour nous délivrer du mal, nous pardonner et nous ouvrir le chemin de la vraie vie. En mettant en lui notre foi, nous sommes transformés intérieurement, car nous entrons dans une relation avec Dieu qui bénit notre vie dans toutes ses dimensions, y compris dans votre métier. C’est le sens de la prière du gendarme que nous dirons à la fin de la messe.
Saint Paul parle aussi de l’amour vis-à-vis des autres. La charité que le major HERVÉ a manifestée en « sacrifiant sa vie au profit des autres », en se « dévouant au service de ses collègues et de la population ». Nous avons besoin de l’aide du Seigneur pour mener à bien la mission qui est la nôtre sur cette terre, d’où l’importance de mieux connaître quel est le contenu de notre foi, de prier, de permettre au Seigneur de nous donner sa vie dans les sacrements.
Et l’espérance qui n’est pas seulement l’espoir que l’avenir sera meilleur, mais que ce n’est pas le mal qui aura le dernier mot sur cette terre et votre engagement de gendarme en est un signe important. L’espérance est la certitude que Dieu nous appelle à vivre pour toujours avec lui, au-delà de notre mort comme nous le croyons pour le major HERVÉ et pour tous ceux qui sacrifient leur vie pour sauver des personnes.
Et dans la Bible, nous repérons aussi quatre autres vertus : la prudence, la justice, la force et la tempérance. Celles que nous appelons les vertus cardinales parce qu’elles sont le pivot (du Latin cardo) et le fondement des vertus morales.
Dans le contexte actuel de notre monde marqué par les guerres, mais aussi des violences quotidiennes, dans les foyers, dans certains quartiers, mais aussi sur les routes, dans la manière avec laquelle certains se comportent au volant, nous avons besoin de retrouver quelques bases solides pour tenir bon et pour vivre pleinement notre mission dans ce contexte. Or ces vertus sont des repères importants.
Mais comment peuvent-elles être de bons repères pour votre métier de gendarme et dans le cadre des missions qui vous sont confiées ?
La prudence d’abord, nous pousse à toujours discerner ce qui est le meilleur pour les personnes et pour le bien de la société. « Grâce à cette vertu, nous appliquons sans erreur les principes moraux aux cas particuliers et nous surmontons les doutes sur le bien à accomplir et le mal à éviter . » La prudence va donc se manifester dans les choix que vous ferez pour faire face à telle ou telle situation. La prudence exprime le fait qu’il ne faut pas faire des choix dans la précipitation même si dans votre métier il faut parfois agir vite, mais votre formation vous le permet.
La justice « est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû. » Sur ce qui est dû, on peut mettre beaucoup de choses quant à la mission de gendarme.
Mais quand je lis que le major HERVÉ a fait preuve « d’un sens profond du devoir et d’un désir de servir la nation », comme vous l’avez indiqué, je pense qu’il était bien habité par cette vertu.
La force. Elle est bien nécessaire dans votre métier sous deux aspects. D’abord, la nécessité pour vous d’être forts moralement dans les missions qui vous sont confiées face à des situations éprouvantes, voire délicates ou même dangereuses. Mais la force aussi pour faire appliquer la loi qui est censée protéger tout le monde. J’ai noté la bravoure et le « courage » que le major HERVÉ a montré dans des « circonstances extrêmes ».
Enfin la tempérance. C’est savoir se maîtriser pour respecter les autres. Le sociologue Zygmunt BAUMAN, parlait de notre société comme d’une société « liquide » parce beaucoup de gens ont perdu les repères de la vie commune au profit d’une vision très individualiste. Or votre métier est là aussi pour rappeler à tous qu’il y a des repères pour vivre en société dans le respect des autres, pour ne pas tomber dans le chacun pour soi et finalement la violence sous toutes ses formes.
Dans toutes ces vertus, le Seigneur vous tend la main pour vous accompagner dans votre métier de gendarme. À vous de la saisir et de permettre à Dieu de vous guider et de vous soutenir dans vos missions. Ainsi le Seigneur nous conduit tous sur le chemin de la vraie vie, une vie plus forte que le mal et la mort. C’est une bonne nouvelle à recevoir au moment où nous célébrons votre nouvelle promotion qui porte le nom de ce beau témoin, votre parrain le major Philippe HERVÉ. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon