Ha 1,2-3 ; 2, 2-4 ; Ps 94 (95) ; 2 Tm 1, 6-8.13-14 ; Lc 17, 5-10
Frères et sœurs,
Chers amis,
Dans le Finistère, il y a beaucoup d’églises romanes qui ont été complètement détruites pour reconstruire des églises plus grandes, notamment aux 16e et 17e siècles. Il reste en fait peu d’églises romanes ou avec des parties romanes. Cette église Sainte-Brigitte du Perguet a eu une autre histoire. Depuis 1 000 ans environ, elle a été réparée, restaurée, agrandie, reconstruite en partie, embellie.
Et elle garde dans son architecture les traces de sa longue histoire, à travers les péripéties de cette région, mais aussi de l’évolution du bourg de Bénodet qui s’est déplacé, jusqu’à cette année 2025, qui restera gravée dans les annales de cette église et de la commune de Bénodet avec cette grande restauration et la bénédiction de cette nouvelle cloche.
L’histoire de cette église est comme une parabole. Elle peut symboliser l’histoire du Salut de notre humanité, l’histoire du Peuple de Dieu qui se construit avec la grâce de Dieu, au risque de l’histoire, à travers les guerres, les persécutions, de grandes épreuves comme les épidémies de peste, mais aussi les péchés de ses membres qui sont autant de blessures à guérir. Mais l’Église de Dieu est toujours là, comme cette église de Perguet, avec les traces de ses réparations et reconstructions.
J’ajouterai que notre vie personnelle peut être aussi à l’image de cette église du Perguet, avec notre histoire qui a pu être compliquée, avec des blessures, des échecs, mais aussi des guérisons et une véritable conversion comme cette magnifique restauration !
Dans la première lecture, le prophète Habacuc dit à Dieu : « Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ? Devant moi, pillage et violence, dispute et discorde se déchaînent. » Il parle au nom du peuple de Dieu, mais il y a des jours où nous pouvons avoir le même sentiment avec la même prière, pour notre monde, notre pays, mais aussi pour nos épreuves personnelles ou celles de notre famille.
Alors à cette prière d’Habacuc, quelle est la réponse du Seigneur ? « Le juste vivra par sa fidélité. » Cela laisse entendre qu’il ne sera pas forcément épargné par les épreuves de la vie et de l’histoire, mais que sa vie triomphera parce qu’il a été fidèle. C’est ce que nous révèle cette église du Perguet qui n’est pas seulement une belle architecture, mais aussi un témoignage.
Depuis 1000 ans environ, des fidèles se sont retrouvés ici pour célébrer la messe, les mariages, les baptêmes de leurs enfants, les obsèques de leurs proches. Et nous sommes là encore aujourd’hui pour célébrer ce même don que Jésus nous fait de sa vie au cours de la messe. Lui qui a donné sa vie par amour sur la croix pour nous délivrer du mal et de la mort, pour nous faire entrer dans sa vie divine qui n’aura pas de fin.
Depuis 2 000 ans, l’Église n’a jamais cessé de célébrer la messe chaque jour sur cette terre, malgré les affres de l’histoire. Et elle le fera jusqu’au retour du Christ dans la gloire, lorsqu’il viendra juger les vivants et les morts.
La fidélité que le Seigneur attend de nous, c’est notre foi, notre espérance et notre charité. Saint Paul l’exprime de façon magnifique dans la 2e lecture à travers ces différents appels : « Ravive le don gratuit de Dieu. » Autrement dit, notre fidélité ne repose pas seulement sur nos efforts personnels. Elle est un don de Dieu à recevoir et donc aussi à demander dans la prière et bien sûr à manifester par notre vie. Ce don c’est « un esprit de force, d’amour et de pondération », comme le dit saint Paul. Et il ajoute : « garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté avec l’aide de l’esprit Saint qui habite en nous. »
Ce dépôt de la foi, c’est donc cette Bonne Nouvelle que Jésus nous a donnée et qui change tout dans notre existence. La foi peut rendre possible ce qui nous paraît impossible, nous dit Jésus dans l’Évangile, avec l’image de l’arbre planté dans la mer. C’est pourquoi nous ne devons jamais désespérer de notre vie ni de celle de notre humanité.
La foi fait grandir l’espérance et nous permet de rester debout et actifs pour le bien de tous, avec les yeux et le cœur tournés vers le Christ qui a vaincu la mort et qui nous a promis que le mal n’aura pas le dernier mot sur cette terre : « Le juste vivra par sa fidélité ».
L’année 2025 est une année sainte, car nous célébrons les 2 025 ans de la naissance du Christ, le Sauveur du monde. Et justement, le pape François l’avait placé sous le signe de l’espérance avec cette phrase de saint Paul : « l’espérance ne déçoit pas », en nous invitant à être des pèlerins d’espérance en ce monde. Ce n’était pas un choix au hasard, il faisait clairement référence à la situation du monde. Alors que la guerre sévit depuis quelques années dans notre monde et que nous subissons en plus les aleas du changement climatique avec les défis que cela représente pour notre humanité.
Nous pouvons retenir pour nous cet appel du Seigneur à devenir des pèlerins d’espérance en renouvelant notre amour du Christ et notre amour des autres. Cela se manifeste de façon très concrète par le don de nous-mêmes, à l’image du Christ qui a donné sa vie pour nous. Et ce don, nous le vivons en nous mettant au service des autres comme nous y invite Jésus dans l’Évangile.
Dans une société ou trop souvent l’intérêt personnel prime sur le bien commun, cela demande d’aller à contre-courant de la mentalité ambiante, avec humilité, comme les « simples serviteurs » de l’Évangile, mais toujours avec ce désir profond de faire grandir le Règne de Dieu, c’est-à-dire d’étendre son amour qui guérit les blessures du temps, qui répare ce qui a été brisé, qui réconcilie, qui pardonne. En un mot qui rend la vie plus belle comme cette église restaurée.
Enfin, je souhaite dire un mot aussi de cette nouvelle cloche que je ne vais pas seulement bénir, mais baptiser. Un peu comme notre propre baptême, elle reçoit un nom, nous prions la litanie des saints. Cela peut paraître un peu curieux ! C’est parce que cette cloche a un rôle liturgique, et aussi missionnaire !
Un rôle liturgique, car la cloche fait en quelque sorte résonner la louange des fidèles qui viennent célébrer un moment essentiel de leur vie. Elle exprime la joie des fidèles lors des baptêmes, des mariages. Le glas sonne lors des obsèques, exprimant la tristesse tout en rappelant notre espérance chrétienne.
Mais la cloche a aussi un rôle missionnaire, car elle diffuse au loin ce que vivent les chrétiens dans l’église, elle porte au monde le témoignage de l’action de Dieu dans nos vies, rappelant à tous que des personnes se rassemblent et prient dans l’église.
J’ajoute qu’elle joue un rôle d’appel, sonnant avant la messe pour rappeler à chacun l’invitation de notre Seigneur Jésus à participer à l’Eucharistie, source et sommet de notre vie chrétienne. Concrètement, la cloche nous transmet ce rappel : « N’oubliez pas la messe… et n’oubliez pas d’arriver à l’heure ! »
Frères et sœurs, chers amis, voyez que tout nous invite ici à l’espérance, et cette magnifique église restaurée par la volonté de la municipalité et de l’État de préserver ce patrimoine. Elle porte dans ses pierres le témoignage de la foi des fidèles qui de siècle en siècle ont accueilli ici le don de Dieu dans les sacrements comme nous les recevons aujourd’hui au cours de cette messe. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon