Si 35, 15b-17.20-22a ; Ps 33 ; 2Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14
Frères et sœurs,
Lorsque nous arrivons à la fin de notre vie, ou du moins lorsque la plus grande partie de notre existence se trouve derrière nous, nous avons tendance à faire une évaluation. C’est-à-dire que nous regardons ce que nous avons vécu, nous repensons à tout ce que nous avons traversé, aux belles choses que nous avons pu vivre. Nous repensons aussi aux mauvaises. D’ailleurs, nous sommes souvent de mauvais juges pour nous-mêmes, car nous voyons beaucoup les choses négatives. Nous ne sommes pas comme le pharisien qui ne voit que les belles actions qu’il a accomplies. Nous, au contraire, voyons souvent davantage les mauvaises, et nous ne sommes pas toujours conscients non plus des belles choses que nous avons faites.
Il arrive, comme prêtre, d’avoir des retours. À la fin d’une messe, une personne peut venir dire : « Cette homélie m’a beaucoup touché, elle m’a permis de comprendre certaines choses ». Ou encore, tel couple que nous avons accompagné au mariage nous confie combien la préparation les a profondément touchés. De temps en temps, ces retours nous donnent du courage. Pour les personnes mariées, pour les religieux et religieuses, c’est pareil : il y a toujours des retours, des signes de ce que la famille ou les proches peuvent apporter.
Mais dans l’ensemble, nous ne sommes pas vraiment capables de faire une évaluation juste de ce que nous avons vécu.
Il est intéressant de voir, dans la deuxième lecture, que saint Paul nous montre une manière très intéressante de faire une relecture de vie. En effet, il ne reprend pas en détail tout ce qu’il a accompli, mais il aborde trois points.
Il dit d’abord : « Je suis déjà offert en sacrifice, j’ai mené le bon combat ». Que représente cette affirmation ? Elle signifie : j’ai donné ma vie pour le Seigneur. Cela, c’est objectif. Lorsque nous sommes prêtres, religieuses, ou même pères ou mères de famille, nous pouvons dire : j’ai donné ma vie pour ma famille, pour l’Église, j’ai répondu à l’appel du Seigneur. Et cela, c’est déjà une donnée objective : nous avons offert notre vie en sacrifice. Nous pouvons rendre grâce pour cela.
Ensuite, il dit : « J’ai gardé la foi ». Cela aussi, c’est objectif. Ai-je gardé la foi ? Est-ce que je crois toujours que Jésus est vraiment le Sauveur du monde ? Est-ce que je crois qu’il se donne dans l’Eucharistie ? Est-ce que je crois qu’il a donné sa vie pour moi ? Si oui, alors, comme saint Paul, nous pouvons dire : j’ai gardé la foi. Bien sûr, il peut arriver que nous traversions des nuits de la foi, des moments de doute. Mais, dans l’ensemble, nous pouvons dire : j’ai gardé la foi.
Enfin, la troisième chose que dit saint Paul, c’est : « Il ne me reste plus qu’à recevoir la couronne de la justice ». Et cela, c’est l’espérance, croire que le Seigneur nous attend, qu’il nous a préparé une place.
Dans ces trois aspects, nous retrouvons les vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité :
Cela, c’est objectif. Peut-être qu’à ce moment-là, lorsque nous regardons notre vie de cette manière, nous cessons de nous concentrer sur ce qui est négatif, et nous contemplons ce que le Seigneur a accompli en nous et par nous de par notre disponibilité à son Esprit. C’est tout.
Mais ce n’est pas à nous de nous juger nous-mêmes. Bien sûr, lorsque nous relisons notre vie, nous voyons qu’il y a des choses négatives, des regrets. Nous nous disons : « Cela, je ne le referais jamais, je le regrette, j’ai demandé pardon ».
Et c’est là que l’Évangile nous éclaire. Jésus nous montre à quel point ce publicain, qui était rejeté parce qu’il était pécheur, devient juste devant Dieu par son attitude d’humilité. Il reconnaît ce qu’il a fait de mal, et c’est cette humilité qui le rend juste. C’est l’attitude que nous pouvons adopter.
Cette année jubilaire est justement un temps pour remettre les choses à plat. C’est donc une bonne occasion de faire une relecture de notre vie, mais aussi de demander pardon.
Nous avons la chance extraordinaire de pouvoir recevoir le pardon du Seigneur dans un sacrement. Là, nous avons la certitude que le Seigneur nous rend justes, car le prêtre nous le dit au nom de Dieu. Et cela, c’est quelque chose de formidable.
Peut-être est-ce l’occasion, en cette fin d’année jubilaire — qui n’est pas encore tout à fait terminée — de remettre notre vie entre les mains du Seigneur, comme saint Paul le fait dans cette lettre. : avec confiance, dans la foi, dans l’humilité, avec amour, en demandant pardon pour tout ce qui a pu nous échapper ou tout ce qui n’était pas bon.
Le Seigneur nous donne la grâce de vivre cette belle chose : le Salut qui nous est offert par Lui. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon