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11 juillet 2025 — Fête de saint Benoît — Abbaye Saint Guénolé (Landévennec) (29) — Année jubilaire.

Pr 2, 1-9 ; Ps 1 ; Eph 4, 1-6 ; Mt 19, 27-29

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et sœurs,

En cette année jubilaire, le pape François nous invitait à être des pèlerins d’espérance et il avait clairement en vue la situation du monde qui pourrait au contraire nous désespérer. Comme il le soulignait : « Puisse le Jubilé être pour chacun l’occasion de ranimer l’espérance. » Il me semble intéressant de voir comment saint Benoît a abordé la question de l’espérance, notamment dans le prologue de sa règle qui résonne bien avec les lectures de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre.

Mais tout d’abord, de quelle espérance parle-t-on ?

Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit que « notre vocation nous a appelés à une seule espérance ». Une seule, cela veut dire qu’il y a une espérance qui dépasse tout ce que nous pouvons espérer dans notre vie humaine, car, comme le rappelle le pape François : « Tout le monde espère. L’espérance est contenue dans le cœur de chaque personne comme un désir et une attente du bien, bien qu’en ne sachant pas de quoi demain sera fait. »

Mais l’espérance chrétienne ne repose pas sur une attente hypothétique, mais sur la certitude dans la foi que le Christ a vaincu la mort et qu’il reviendra dans la gloire pour établir son règne de façon définitive. Une espérance qui se manifeste déjà très concrètement par le don de l’Esprit Saint qui nous établit en communion avec Dieu.

Comme le dit encore saint Paul, « il y a une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. » Le Corps avec un C majuscule étant ici l’Église, Corps mystique du Christ et l’Esprit avec un grand E, l’Esprit Saint qui nous donne la vie comme nous le proclamons dans le Credo.

Nous croyons donc en une seule espérance. Une espérance « qui ne déçoit pas » (Rm 5, 5.) C’est cette espérance de vivre avec lui pour toujours que le Seigneur a promise à ses apôtres dans l’Évangile de ce jour.

Mais que devons-nous faire pour être habité par cette espérance et pour en tirer tous ses bienfaits pour notre vie et pour la vie de ce monde ?

Saint Benoît, dans le prologue de sa règle, nous donne quelques clefs pour nous appeler à être des pèlerins d’espérance même s’il n’utilise pas ce terme. J’en ai retenu trois : avoir en soi la lumière de la vie ; se garder du mal et s’engager par de bonnes actions.

D’abord avoir en soi la lumière de la vie. Comme le dit saint Benoît : « Courez, tant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous surprennent. » Elle apparaît ici comme une protection contre les assauts du mal. Et un des assauts du mal dans le contexte actuel, c’est de perdre l’espérance et de nous refermer sur nous-mêmes.

Et quelle est-elle cette « lumière de la vie » ?

La « lumière de la vie », c’est la foi en Jésus comme sauveur des hommes et sauveur de notre propre vie. C’est croire que Jésus peut nous donner la vie et une vie qui est plus forte que la mort. Cette foi, elle se nourrit de l’écoute de la Parole de Dieu. Une parole qui fait vivre, car elle oriente notre vie vers le bien. Comme nous l’avons entendu dans le livre des Proverbes : « Alors tu comprendras la justice, le jugement, la droiture, seuls sentiers qui mènent au bonheur. »

Nous pouvons donc entendre de ce premier aspect sur la « lumière de la vie », un appel à nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu et à nous laisser illuminer par elle. C’est elle qui nous fait grandir dans la foi. Une foi qui s’enracine dans le Christ. Comme le dit le Seigneur dans le livre des Proverbes : « Mon fils, accueille mes paroles, conserve soigneusement mes préceptes, l’oreille attentive à la sagesse, le cœur incliné vers la raison. » Saint Benoît attache beaucoup d’importance à l’écoute de cette Parole. C’est même par cela qu’il introduit son prologue : « Écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur. »

Le deuxième aspect que je veux souligner concernant l’espérance dans le prologue de saint Benoît, c’est la nécessité de se garder du mal. Comme le dit saint Benoît : « Veux-tu avoir la vraie vie, la vie éternelle ? Alors, garde ta langue du mal et tes lèvres du mensonge. Détourne-toi du mal et fais le bien ; recherche la paix et poursuis-la. »

Nous avons aussi entendu cet appel de saint Paul à nous conduire d’une manière digne de notre vocation. Cela suppose de notre part une volonté et du courage, car cela ne va pas de soi dans un monde où les tentations sont nombreuses et où des idéologies peuvent nous détourner de la vérité. Comme le dit encore saint Benoît : « Quand le diable lui suggère quelque mauvais dessein, il le rejette, lui et sa suggestion, loin des regards de son cœur, il le réduit à rien et, saisissant à peine nées les pensées diaboliques, il les brise contre le Christ. »

Autrement dit, nous trouvons notre force de lutter contre le mal dans notre foi au Christ. C’est d’ailleurs Jésus lui-même qui avait recommandé à ses disciples de prier pour ne pas entrer en tentation. Mais cela suppose de notre part un véritable engagement comme le dit saint Grégoire le Grand : « On s’écarte radicalement du mal quand, par amour pour Dieu, on a décidé de ne plus jamais pécher ».

Enfin, un troisième appel pour que nous devenions des pèlerins d’espérance, c’est l’engagement à faire de bonnes actions. Saint Benoît nous alerte : « Si nous voulons habiter dans l’intérieur de ce royaume, il faut y courir à force de bonnes actions, sinon nous n’y parviendrons jamais. »

Autrement dit, le fait même de nous mettre au service des autres pour leur bien, fait de nous des pèlerins d’espérance. Les sociologues nous disent à quel point notre société devient très individualiste en mettant l’intérêt des individus au-dessus du bien commun. Comme chrétiens, nous avons à aller à contre-courant de cette manière de voir, car le Seigneur nous a donné l’Esprit Saint en vue du bien de tous. Et pour cela, nous devons donner généreusement notre vie pour nos frères à la suite de Jésus et avec Lui.

Frères et sœurs, implorons saint Benoît pour que sa prière nous encourage à accueillir la lumière de la vie, à rejeter le mal et à nous engager pour le bien. Déjà auprès de nos proches, dans notre communauté monastique, notre famille, notre Église et plus largement au sein de notre société. Comme le dit saint Benoit : « Voyez avec quelle tendresse le Seigneur nous indique la route de la vie ! ». Amen.

† Laurent DOGNIN 
Évêque de Quimper et Léon