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12e dimanche du temps ordinaire – 25 juin 2023

Le livre de la Bible n’a rien d’un roman à l’eau de rose. Il raconte une longue histoire d’amour. Mais il rapporte aussi les infidélités du peuple de l’Alliance vis-à-vis de Dieu, son combat contre le mal dont il ne sort pas toujours vainqueur. Alors que Dieu lui parle inlassablement de paix, d’amour et de justice, il se laisse séduire et asservir par d’incessantes cupidités, des endurcissements du cœur, de l’injustice, de la haine.

Dans le passage de l’épître aux Romains que nous lisons ce dimanche, saint Paul rappelle que dès ses origines s’affrontent en l’homme les forces du mal et les forces du bien. Mais pas de commune mesure écrit-il entre le péché de l’humanité première et la grâce dont Dieu comble la multitude en Jésus-Christ sauveur. Le péché de l’homme est semblable à « une étincelle tombant dans l’océan d’amour de Dieu », comme l’a écrit Jean Chrysostome.

Nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde,
et que par le péché est venue la mort ;
et ainsi, la mort est passée en tous les hommes,
étant donné que tous ont péché.
Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde,
mais le péché ne peut être imputé à personne tant qu’il n’y a pas de loi.
Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse,
la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché
par une transgression semblable à celle d’Adam.
Or, Adam préfigure celui qui devait venir.
Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute.
En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul,
combien plus la grâce de Dieu
s’est-elle répandue en abondance sur la multitude,
cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.
Rm 5, 12-15

Tout au long de la Bible, se présente une succession de témoins, de messagers, de prophètes, d’hommes et femmes justes et pacifiques, choisis, appelés par Dieu pour rappeler sa volonté. Beaucoup d’entre eux sont rejetés, persécutés par leur propre peuple. Ils dénoncent ses erreurs et lui rappellent sa vocation : servir la justice et la paix et faire connaître ainsi à tous les peuples, le projet du cœur de Dieu pour toutes les générations humaines. On a pu considérer que les expressions « peuple élu », ou « personne choisie », voulaient dire peuple ou personne privilégiés, sauvés au milieu d’un monde mauvais et perdu, préférés par Dieu à l’exclusion des autres qui n’ont pas cette chance. Il n’en est rien. Les prophètes que Dieu appelle et envoie sont élus pour servir, pour remplir une mission à risque dans le monde qu’il aime, mais qui a la tête dure et l’oreille sourde. Quand il confie une charge à ses envoyés, il leur demande plus qu’aux autres.

L’une des grandes figures des justes persécutés dans le premier Testament est celle de Jérémie. Rejeté comme le sera Jésus, il se lamente mais garde confiance en Dieu. Il dénonce les infidélités d’Israël à l’Alliance et il lui annonce des jours de malheur, qui vont d’ailleurs se réaliser lors de la dévastation de Jérusalem et de la déportation du peuple à Babylone. Nous lisons aujourd’hui la prière qu’il adresse au Seigneur.

 

Moi, Jérémie, j’entends les calomnies de la foule :
« Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. »
Tous mes amis guettent mes faux pas,
ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire…
Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! »
Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable :
mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas.
Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable.
Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste,
toi qui vois les reins et les cœurs,
fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras,
car c’est à toi que j’ai remis ma cause.
Chantez le Seigneur, louez le Seigneur :
il a délivré le malheureux de la main des méchants.
Jr 20, 10-13

Dimanche dernier, devant les foules fatiguées, abattues, Jésus appelait douze compagnons et les envoyait guérir, soulager, vaincre le mal. Il leur disait ensuite comment se comporter par rapport à ceux qui les accueilleraient et ceux qui les rejetteraient. Il s’attarde aujourd’hui sur les persécutions qui les attendent, semblables à celles de Jérémie et à celles dont il sera lui-même l’objet. Ce qui ne les rassure guère.

Jésus disait aux douze Apôtres :
Ne craignez donc pas ces gens-là ;
rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu.
Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ;
ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ;
craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne
l’âme aussi bien que le corps.
Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ?
Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille.
Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés.
Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux.
Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes,
moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux.
Mais celui qui me reniera devant les hommes,
moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux.
Mt 10, 26-33

Nous venons d’une longue époque où la religion catholique dans de nombreux pays s’affichait au grand jour, était omniprésente. Mais parler au grand jour et proclamer sur les toits, c’était surtout l’affaire des ministres ordonnés plus que des baptisés. « Aux seuls pasteurs, écrivait le pape Léon XIII en 1885, il a été donné tout pouvoir d’enseigner, de juger, de diriger ; aux fidèles il a été imposé le devoir de suivre leurs enseignements, de se soumettre avec docilité à leur jugement et de se laisser par eux gouverner, corriger, conduire au salut. »

Les baptisés ne se sentaient guère engagés à témoigner personnellement de l’Évangile et de leur foi. L’apostolat des laïcs est une préoccupation qui s’est manifestée au moment où se sont passés les grands décrochages et séparations entre l’Église et la société. C’est le Concile Vatican 2 et tous les changements de la situation de l’Église dans une société sécularisée qui ont amené à considérer la mission des baptisés comme un apostolat. Les invitant à proposer la foi de manière plus explicite, et à ne pas la vivre seulement dans l’ombre, la confidentialité, mais au grand jour. Ce qui suppose de leur part des conversions de mentalité et de comportement. Nous pouvons en signaler quelques-unes.

Il nous est nécessaire aujourd’hui plus que jamais d’acquérir une capacité personnelle de rendre compte de notre foi ; d’en comprendre le sens et les enjeux, d’en parler et de dire qui est le Dieu en qui l’on croit. Cela est vrai pour tous et surtout pour ceux et celles qui reçoivent dans l’Église des missions importantes. La manière dont on vit sa foi doit être cohérente avec ce à quoi on croit. Évangéliser ce n’est pas seulement crier sur les toits ou dans les rues, c’est aussi et surtout témoigner de la foi en Jésus-Christ et d’une manière évangélique de vivre sa vie. Les premiers chrétiens rendaient témoignage au milieu du monde, non seulement par leurs prises de parole, mais aussi par leurs pratiques sociales de partage et de respect de tous.

Saint Pierre les exhortait aussi à « n’avoir pas honte » de porter le nom de chrétiens, et il leur écrivait : « Soyez prêts à rendre compte avec douceur et respect de votre espérance ». (1 P 3 et 4,16). Douceur et respect et non pas violence et condamnation. Le verbe croire n’aime ni les impératifs ni les tons autoritaires. On n’annonce pas la bonne nouvelle d’être aimé de Dieu comme on prononcerait un diktat, comme on proférerait des menaces, ou comme on recruterait par la force. Propagation oui mais propagande non.

Face à une certaine arrogance de l’Église catholique dans ses manières de s’exprimer, de condamner, de régenter, a pu s’installer chez certains de ses membres un complexe, une honte, vis-à-vis de leur entourage, face à un rejet dans certains milieux de la société où se dire « catho » est ringard et tout le contraire d’un titre de gloire ! Un complexe qui s’atténue heureusement. Laissons-nous imprégner par le message de Paul aux Romains : « Ne le savez-vous pas ? Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. […] Nous avons été mis au tombeau avec lui, pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. »

Le Concile Vatican 2 a valorisé la mission apostolique de tous les baptisés qui est de témoigner de l’Évangile, de proposer la foi de manière explicite, et de ne pas la vivre seulement dans l’ombre, la confidentialité, mais au grand jour. Ce qui suppose de leur part des conversions de mentalité et de comportement.

Evangile selon saint Matthieu – Mt10, 26-33