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13 décembre 2020 — 3e dimanche de l’Avent – Pardon de Saint-Corentin — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29)

Is 61, 1-2a.10-11 ; Ps cantique Lc 1 ; 1Th 5, 16-24 ; Jn 1, 6-8.19-28
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Chers Amis,

Pendant le temps de l’Avent, la figure de Jean-Baptiste est omniprésente dans la Liturgie. C’est compréhensible puisqu’il annonce la venue du Messie et du Règne de Dieu et il nous invite à nous préparer à l’accueillir. C’est vraiment le sens du temps de l’Avent qui est un temps d’attente joyeuse et de préparation des cœurs.

Nous pouvons, évidement, voir Jean-Baptiste comme une figure historique : celui qui a préparé les hommes à l’accueil du Christ, et s’est ensuite effacé, mais, je pense qu’il n’est pas, pour autant, une figure du passé !
Il nous éclaire même en cette période difficile de l’histoire que nous sommes en train de vivre.

L’Évangile de ce jour tiré de l’Évangile selon Saint-Jean tente de nous éclairer sur sa personne. Son rôle est déroutant. Qui est-il pour dire ce qu’il dit et faire ce qu’il fait (baptiser) ? À la question « Qui es-tu ? », il refuse de répondre. Il aurait pu dire qu’il était le fils du prêtre Zacharie, lui-même de la famille sacerdotale et sa mère, Élisabeth. Non, il reste silencieux. Il répond par la négative disant qu’il n’est pas le Christ, qu’il n’est pas Élie ni le prophète annoncé. En revanche, il cite un passage du livre d’Isaïe : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : redressez le chemin du Seigneur. ».

C’est une phrase qui est extraite d’une très belle prophétie, au chapitre 40 d’Isaïe, qui annonce la venue du Messie de Dieu qui vient lui-même pour redonner vie à ce désert, là où tout était mort et pour rassembler les hommes dans la paix.
L’expression « crier dans le désert », nous pouvons même dire « prêcher dans le désert » a une connotation assez négative, car cela induit que personne n’est là pour vous entendre, ou plutôt, que personne n’a envie de vous entendre.
Le désert est par définition un lieu inhospitalier. Ce désert peut représenter ce que nous vivons actuellement : un monde tellement englué par ses problèmes qu’il n’entend plus la Parole de vérité, même si cette Parole est annoncée.
Je parle de la pandémie et de toutes ses nombreuses conséquences, sur la santé physique, mais aussi mentale, qui donnent un moral en berne à tout le monde. Je pense aussi aux différentes crises (économique, écologique, morale) qui frappent notre humanité en ce moment. Un contexte plutôt anxiogène qui a tendance à nous renfermer sur nous-mêmes. Or, Jean-Baptiste incarne cette prophétie d’Isaïe comme celui qui vient annoncer une parole réconfortante. Il vient raviver l’espérance. Il nous interpelle dans le désert de nos vies pour nous réveiller de notre torpeur et raviver notre foi.
Jean-Baptiste désigne le Messie, et nous rappelle que le Christ Jésus est bien là : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. »

Nous, bien sûr, nous pouvons dire que nous connaissons Jésus depuis longtemps, mais peut-être qu’en réalité nous le méconnaissons lorsque nous nous laissons perturber par tout ce qui se passe, par tout ce qui circule sur les réseaux sociaux, en nous laissant, finalement, détourner de la vérité, et nous ne sommes plus capables alors d’entendre le véritable message.
Nous avons besoin que quelqu’un nous rappelle que le Christ est là, au milieu de nous. Nous avons besoin que quelqu’un nous appelle à changer notre cœur et notre vie pour l’accueillir et nous laisser transformer par lui. Jean-Baptiste est là pour nous rappeler que le Messie est venu et qu’il vient encore et encore pour nous sauver.

La première lettre que nous avons entendue du livre d’Isaïe donne un beau développement sur ce qu’est ce Salut, justement, que le Messie vient réaliser : « Annoncer la Bonne Nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordés par le Seigneur. »
Des cœurs brisés, il y en a beaucoup aujourd’hui : par manque d’affection notamment. La pandémie joue un rôle, bien entendu, mais il n’y a pas que cela. Je pense aux jeunes qui ont des difficultés à se retrouver entre amis, aux malades, aux personnes âgées dans les EHPAD, qui n’ont pas toujours de visite, à ceux qui vivent dans la solitude chez eux, à ceux qui n’ont plus rien pour vivre. Il y a aussi de nombreux captifs à libérer : enfermés dans leurs problèmes, prisonniers de leurs addictions ou de leurs idées noires.
Jésus, vient au milieu de tout cela, et nous apporte cette « année de bienfaits accordés par le Seigneur ». Il les donne pour tous ceux qui se dressent pour aller vers les autres et les aider, leur apporter un soutien moral, matériel et spirituel.
L’année 2020 qui se termine ne nous apparaît pas comme une année de bienfaits ! Et pourtant, Jésus est bien là ! Il se manifeste par ceux qui l’aiment et agissent en son nom, mais aussi ceux qui, sans le connaître, reçoivent déjà des grâces venant de lui.

Le « désert » dans lequel nous prêchons aujourd’hui me fait penser à Saint-Corentin. Même si nous ne connaissons pas toute son histoire, car il est difficile d’avoir des traces, nous savons cependant qu’au 5e siècle, il y avait déjà des oasis de chrétienté, mais aussi beaucoup de paganisme. C’était le « désert » de cette époque-là. Différent du nôtre, mais peut-être pas tant que cela… puisque dans notre désert actuel, nous avons aussi un néo-paganisme qui revêt des formes diverses.
Saint-Corentin n’a pas baissé les bras pour autant et la Bonne Nouvelle a été annoncée de siècle en siècle jusqu’à aujourd’hui dans cette terre du Finistère. Des siècles qui ont vu aussi des évènements dramatiques (guerres, épidémies, famines…), mais sans cesse l’Église a annoncé « une année de bienfaits accordés par le Seigneur », car Jésus n’a jamais cessé d’être là et le souffle de son Esprit a apporté bien des consolations.
Jésus sauve et c’est lui que nous nous apprêtons à accueillir de façon renouvelée à Noël.

C’est pourquoi, Frères et Sœurs, nous devons écouter l’appel de Saint-Paul en ce 3e dimanche de l’Avent à être toujours dans la joie, à prier sans relâche, et à rendre grâce en toutes circonstances. Saint-Paul ajoute par rapport à ces trois attitudes « c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus ».

En ces jours qui nous préparent à Noël, accueillons dans les déserts de nos vies, la voix de Jean-Baptiste qui rend « témoignage à la lumière ». La lumière du Christ qui vient illuminer nos ténèbres et nous tenir debout, prêts à l’accueillir dans son Avènement glorieux quand il viendra essuyer toutes larmes de nos yeux et nous faire entrer dans un bonheur sans fin. Amen

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon