Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  13 juillet 2025 — 15e TO — Année C — Grande Troménie (Locronan) (29)

13 juillet 2025 — 15e TO — Année C — Grande Troménie (Locronan) (29)

Dt 30, 10-14 ; Ps 18b (19) ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37

Frères et sœurs,

La Troménie, c’est donc le tour du lieu saint, celui de saint Ronan dont la tombe se trouve ici. Il est difficile de démêler l’histoire de saint Ronan de la légende qui nous a été léguée, mais il est certain que Ronan fait partie de ces nombreux chrétiens qui sont venus d’Irlande au 6e siècle pour s’installer sur cette terre de Bretagne et qu’il a contribué à y annoncer la Bonne Nouvelle au point d’être vénéré ici « depuis des temps immémoriaux » en s’inscrivant dans une tradition celtique.

Il se trouve que nous célébrons cette Troménie au cours de l’année jubilaire qui marque les 2025 ans de la naissance du Christ Jésus. Une année sainte pour toute l’Église durant laquelle la miséricorde du Seigneur se manifeste de façon plus intense au cours de toutes les démarches qui sont proposées. Et cette Troménie est un moment de grâce privilégié où nous pouvons nous laisser toucher par le Seigneur.

La Bulle d’indiction du pape François qui présentait cette année sainte commence par ces mots de saint Paul : « L’espérance ne déçoit pas ». Il n’avait pas choisi ce thème au hasard ! Il est clair que la situation du monde actuel et le flot d’informations qui nous viennent du monde entier avec les guerres, les violences, les effets dévastateurs du changement climatique obscurcissent en nous les belles choses qui se font en ce monde. Avec le risque de perdre l’espérance et de nous démobiliser !

Le Pape nous invitait donc à retrouver les sources de notre espérance, à en reconnaître les effets dans notre vie et à accueillir toutes les grâces que le Seigneur nous donne pour nous encourager à grandir dans cette espérance et à en témoigner. Et c’est pourquoi il rappelle que cette année jubilaire est « l’occasion de ranimer l’espérance »,afin que nous devenions des pèlerins d’espérance en ce monde.

Mais de quelle espérance parle-t-on ?

Car de fait, l’espérance est un sentiment humain que même des non-croyants peuvent connaître, comme le rappelait le pape François : « Tout le monde espère. L’espérance est contenue dans le cœur de chaque personne comme un désir et une attente du bien, bien qu’en ne sachant pas de quoi demain sera fait. »

Mais l’espérance dont nous parlons est l’espérance chrétienne, c’est-à-dire celle qui repose sur la certitude dans la foi que « le Christ Jésus est l’image du Dieu invisible », comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture et il ajoute qu’en lui « tout est réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. » C’est cela notre espérance. Et elle n’est pas seulement une attente pour le futur, celle de l’avènement du Christ à la fin des temps.

Elle se manifeste déjà très concrètement par le don de l’Esprit Saint qui nous établit déjà en communion avec Dieu et qui nous ouvre la porte de la vie éternelle avec Jésus par les sacrements. C’est cela dont saint Ronan a témoigné et qu’il a annoncé ici à ceux qui nous ont précédés il y a 15 siècles et dont nous sommes aujourd’hui les héritiers.

L’Évangile de ce jour aborde un aspect essentiel de cette espérance chrétienne, c’est l’amour de Dieu et du prochain. Car c’est justement par la manière dont nous vivons concrètement cet amour que nous pouvons être pour les autres des pèlerins d’espérance.

Mais d’abord que peut bien signifier « aimer Dieu » ?

Peut-on aimer quelqu’un que l’on ne voit pas ?

C’est pourtant le premier commandement de la loi de Moïse, confirmée par Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence. » Nous comprenons déjà par-là que « avoir la foi », « être croyant », ce n’est pas seulement croire en Dieu. « Les démons aussi le croient et ils tremblent », dit saint Jacques (Jc 2, 19). Aimer Dieu, c’est engager toute notre personne, dans sa globalité, à faire la volonté de Dieu, non seulement par des convictions, mais aussi et surtout par notre manière d’être avec les autres, par nos engagements, nos actes quotidiens.

En fait, l’amour de Dieu, c’est très concret. Cela commence par la prière qui nous met en communion avec lui, même la prière la plus simple, de mettre un cierge par exemple.

C’est aussi un amour dont nous pouvons faire l’expérience dans un moment particulier, le soutien lors d’une épreuve ou d’un deuil, ou simplement dans un moment fort de notre vie comme cette jeune confirmande qui m’écrivait : « Alors que j’étais à la messe, j’ai comme senti une immense paix intérieure et beaucoup d’amour. » L’amour de Dieu se manifeste en nous à travers cette paix intérieure, mais aussi la sérénité, la bienveillance qui sont des fruits de l’Esprit Saint en nous. Et il se manifeste surtout par l’amour du prochain.

C’est pourquoi, pour Jésus, ce commandement est inséparable d’un autre commandement qui est d’aimer son prochain comme soi-même. Saint Jean, dans sa 1re lettre le dit très clairement : « Si quelqu’un dit : “J’aime Dieu”, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » (1 Jn 4, 20)

Encore faut-il préciser ce que signifie « aimez son prochain » !

Dans l’Évangile, la question du docteur de la loi est très pertinente : « Et qui est mon prochain ? » Spontanément, nous dirions que cela se limite à nos proches, même si dans la réalité, il n’est déjà pas si facile d’aimer ses proches. Nous le constatons parfois même au sein de nos familles, au sein des couples !

Mais l’exemple que nous donne Jésus du bon samaritain ouvre une autre perspective sur la notion de prochain, car l’homme blessé au bord de la route n’était pas du tout le proche du samaritain qui était, en plus, un étranger. C’est le samaritain qui s’est fait proche de cet homme. C’est un choix délibéré et courageux qui manifeste concrètement jusqu’où doit aller l’amour pour les autres, un amour qui ne peut pas avoir de limite et qui demande du courage et le don de soi.

Jésus nous dit : « Toi aussi, fais de même. »

Je disais au début que cet amour-là fait de nous des pèlerins d’espérance, car le témoignage que nous pouvons donner est source d’espérance pour les autres. Cette parole est très pertinente dans le contexte actuel où nous assistons, ou même sommes victimes de violence, qu’elle soit verbale, sur les réseaux sociaux, ou même physique. Violence qui devient ordinaire dans certains quartiers, entre voisins, entre automobilistes, voire auprès de ceux qui prennent soin de nous comme les urgences à l’hôpital ou les pompiers !

En cette année jubilaire, que cette Troménie, soit l’occasion pour chacun de nous de faire le choix d’aimer Dieu, car il est à la source de notre amour. Laissons-nous aussi aimer par lui en lui ouvrant dans la prière notre cœur et notre intelligence. Et faisons le choix d’aimer notre prochain à la manière du Christ, en toute circonstance en renonçant déjà à toute violence et en promouvant la paix, la bienveillance et le service du prochain. Amen.

† Laurent DOGNIN 
Évêque de Quimper et Léon