Accueil  -  16 octobre 2025 — Sainte Marguerite-Marie ALACOQUE — Pèlerinage jubilaire — Basilique des Saints Apôtres (Rome) (Italie)

16 octobre 2025 — Sainte Marguerite-Marie ALACOQUE — Pèlerinage jubilaire — Basilique des Saints Apôtres (Rome) (Italie)

Ez 34, 11-16 ; Ps 22 (23)  ; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7

Solennité du Sacré-Cœur de Jésus, textes du 27 juin 2025

Frères et sœurs,

Nous poursuivons notre pèlerinage en suivant notre fil conducteur qu’est l’espérance. Aujourd’hui, dans ce pèlerinage, je vous propose de placer notre espérance dans le Cœur de Jésus, dans son Sacré-Cœur, dans l’amour que Jésus a pour nous.

Vous savez que je viens de publier une lettre pastorale. Peut-être ne l’avez-vous pas encore lue, mais surtout, ne vous en privez pas. Le titre que je lui ai donné est : « Ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). C’est une parole de saint Paul, à la fois surprenante et profonde, qui trouve un écho dans l’expérience spirituelle que sainte Marguerite-Marie ALACOQUE a vécue de sa rencontre avec le Christ.

Ceux d’entre vous qui ont vu le film Le Sacré-Cœur[1] savent de quoi il s’agit. Il y a, dans ce récit, un moment extraordinaire : lorsque Jésus, de manière spirituelle bien sûr, prend le cœur de sainte Marguerite-Marie pour le plonger dans le sien, puis le lui restituer. C’est une manière symbolique et très forte de dire : « Nos cœurs sont désormais unis ». Tout l’amour que Jésus porte aux hommes, elle est désormais appelée à le manifester. Mais, en même temps, elle partage aussi la souffrance que le Seigneur éprouve devant les péchés du monde. Elle est invitée à vivre cette communion profonde avec Jésus.

Il y a, en effet, l’amour que Jésus a pour nous, mais aussi notre amour pour Jésus. Sainte Marguerite-Marie parlait d’« amour pour amour »[2].

D’abord, l’amour que Jésus a pour nous. Nous l’avons entendu dans les lectures d’aujourd’hui, avec cette belle image du Bon Pasteur que l’on trouve chez le prophète Ézéchiel : « C’est moi qui ferai paître mes brebis et c’est moi qui les ferai reposer ». Dans ce passage, c’est Dieu lui-même qui parle. Jésus reprendra ensuite ces paroles pour lui-même en disant : « Je suis le bon pasteur » (Jn 10, 11).

À travers cette image du Bon Pasteur, Jésus exprime l’amour extraordinaire qu’il porte à chacun de nous, à son peuple ; un amour que nous ne pouvons même pas imaginer. Notre amour humain est imparfait et le restera toujours. Le véritable amour, c’est celui du Seigneur ; c’est lui qui le porte et qui le manifeste.

Nous avons entendu dans l’Évangile l’une des paraboles de la miséricorde, adressée aux pharisiens qui n’acceptaient pas que Jésus mange avec les pécheurs. Jésus leur répond en donnant ces paraboles pour montrer qu’il est venu chercher justement ceux qui sont perdus, les ramener à lui, les faire entrer dans sa maison. Le Bon Pasteur attache du prix à chacun de nous, et il n’est aucune créature sur la terre qui échappe à son amour. Même si beaucoup ne le reconnaissent pas, ne croient pas en lui, il les aime malgré tout.

« La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs », dit saint Paul. Il ne nous impose pas la réciprocité, car l’amour respecte toujours la liberté. Jamais le Seigneur ne pourra nous obliger à l’aimer. Ce n’est pas possible. Mais il nous tend la main, il nous donne des signes, il nous attire à lui.

Je suis frappé d’entendre les catéchumènes exprimer souvent cette attirance profonde qu’ils ont ressentie au plus profond d’eux-mêmes : une joie spirituelle, une paix intérieure qui leur a donné le désir de connaître Jésus. Il nous attire par son amour, avec une délicatesse infinie, en respectant notre rythme et notre cheminement.

Vient ensuite notre amour pour Jésus, cette réciprocité qui répond à son amour. Comment pouvons-nous aimer Jésus ? De quelle manière ? Jésus lui-même nous le dit : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements » (Jn 14, 15). C’est-à-dire : accueillir sa Parole, la Parole de vérité, et nous engager à le suivre sur le chemin de la vie, en mettant cette Parole en œuvre dans notre existence.

Jésus nous donne aussi des moyens concrets pour nourrir cet amour : la prière et les sacrements. La prière la plus belle est l’Action de grâce : « Merci, Seigneur, pour ce que tu nous donnes de voir, pour ce que tu nous donnes de vivre. » Il y a aussi la prière de demande, magnifiquement exprimée dans le Notre Père.

Par les sacrements, aussi : celui de l’Eucharistie, et celui du pardon. Saint Charles de FOUCAULD disait : « Ne rate jamais une communion par ta faute. »[3] Il ajoutait que la communion, c’est plus fort, plus grand que tout ce qui existe dans le monde. Il n’y a rien de plus important que la communion au Corps du Christ.

Quant au sacrement du pardon, que plusieurs d’entre vous ont déjà reçu depuis le début de ce pèlerinage, il nous permet de nous laisser toucher sacramentellement par l’amour miséricordieux du Seigneur. Ce n’est pas une simple idée ou une disposition intérieure, mais un sacrement réel qui nous permet de nous laisser toucher par son amour miséricordieux.

Être uni au Cœur de Jésus, qu’est-ce que cela change ? Cela fait grandir notre espérance, bien sûr, car nous sommes certains d’être pardonnés et unis à Jésus pour toujours. Si nous sommes ses amis ici-bas, nous le serons avec lui pour l’éternité, par-delà les épreuves, les deuils, la maladie et même la mort.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus mit longtemps à découvrir sa vocation, même après être entrée au Carmel. Elle ne savait pas encore quelle était sa place. Elle l’a trouvée dans le Cœur de Jésus. Elle disait : « Si cet Amour de Jésus venait à disparaître, les apôtres ne pourraient plus annoncer l’Évangile, les martyrs ne donneraient plus leur vie…[4] », et la vie chrétienne elle-même deviendrait impossible ! Tout vient de là : de cet amour du Christ. Il est la source de toutes les vocations — conjugale, religieuse, sacerdotale…

Quelle que soit notre vocation, elle trouve sa source dans le Cœur de Jésus. C’est lui qui rend féconde notre vie. Lorsque nous avons trouvé notre vocation, nous pouvons être certains de réussir notre vie, quelles que soient les épreuves que nous ayons à traverser.

Je terminerai en rappelant que j’ai annoncé le renouvellement de la consécration de notre diocèse au Sacré-Cœur de Jésus. C’est un acte symbolique fort pour notre diocèse, car il va nous entraîner, nous tous, à vivre cette communion avec le Christ qui est au cœur de toutes les vocations. Cette consécration appelle une réciprocité personnelle : chacun, librement, pourra aussi consacrer sa vie au Cœur de Jésus — personnellement, en couple, en famille. C’est une manière de marquer notre acte de foi et notre amour pour Jésus. « Amour pour amour », comme le disait sainte Marguerite-Marie.

En conclusion, ce pèlerinage est pour nous une occasion de nous préparer à cette consécration, de vivre déjà davantage cette relation avec le Seigneur. Le 14 décembre, jour de la fête de saint Corentin, je célébrerai le matin le pardon de saint Corentin et la clôture de l’année jubilaire de notre diocèse. L’après-midi, au cours des vêpres, je consacrerai le diocèse au Sacré-Cœur de Jésus. Chacun pourra alors, s’il le désire, consacrer sa vie à son tour au Sacré-Cœur.

Ainsi, ce pèlerinage nous prépare à grandir dans cette espérance que le Seigneur nous donne de vivre avec lui pour toujours, unis à son amour pour l’éternité. Amen.

† Laurent DOGNIN

Évêque de Quimper et Léon


[1] Docu-fiction réalisé par Sabrina et Steven J. GUNNELL, Saje Distribution, 2025, 1h35

[2] Lettre 120 à Mère de Saumaise (1689), Œuvres complètes de sainte Marguerite-Marie, Cerf, 1990, p. 224-225

[3] Lettre à sa cousine Marie de BONDY, 19 janvier 1903, Charles de FOUCAULD, Correspondance avec sa famille et ses amis, Nouvelle Cité, 1990, Lettre n° 107, p. 201.

[4] Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Histoire d’une âme, Manuscrits autobiographiquesCerf, 1972