Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  17 avril 2025 — Jeudi Saint — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29)

17 avril 2025 — Jeudi Saint — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29)

Ex 12, 1-8. 11-14 ; Ps 115 (116 b) ; 1 Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15

Frères et sœurs,

En cette année jubilaire, nous sommes appelés par le Pape à raviver l’espérance, en nous et dans ce monde. Or, la célébration du Jeudi Saint et les trois jours qui vont suivre jusqu’à Pâques, nous font entrer pleinement dans le cœur de l’espérance chrétienne., cette espérance qui nous tient debout et actif dans les épreuves de notre humanité.

Le dernier repas de Jésus est un moment particulièrement important, car Jésus sait que « l’heure est venue pour lui de passer de ce monde au Père ». Il sait que ce sont les derniers moments qu’il passe avec ses apôtres. Après, ce sera trop tard, il ne pourra plus leur parler. Il sera arrêté et condamné à mort.

C’est un moment où il ne multiplie pas les discours, il dit l’essentiel, ce qui est vraiment vital pour les apôtres. Il leur laisse en quelque sorte un testament spirituel qui va les soutenir et les guider dans les épreuves qu’ils auront à vivre dans l’Église naissante, mais qui est aussi un soutien essentiel pour nous les fidèles chrétiens depuis plus de deux millénaires.

Ce soir-là, son testament spirituel se traduit par deux gestes particulièrement forts qui nous sont relatés, d’une part par saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens avec ce qu’on appelle la Sainte Cène ; et d’autre part, avec le lavement des pieds dans l’Évangile selon saint-Jean.

Le premier geste est donc cette parole étonnante du Christ dans le partage du pain et du vin où il les invite à y reconnaître son corps et son sang. Il donne à ses apôtres le moyen de rester pleinement en communion avec Lui « jusqu’à ce qu’Il vienne », c’est à dire, jusqu’à son avènement glorieux à la fin des temps où nous serons alors pleinement en communion avec lui et pour toujours. Son sacrifice est actualisé quotidiennement dans l’histoire des hommes par le sacrement de l’Eucharistie.

Chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à cette coupe, nous proclamons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. C’est-à-dire qu’à chaque eucharistie, le Christ se donne à nous. Il nous manifeste son Amour et sa Miséricorde. Il nous aime « jusqu’au bout ». Il ne nous abandonnera jamais.

Le corps et le sang de Jésus offerts en sacrifice accomplissent parfaitement l’histoire de l’Alliance entre Dieu et les hommes avec notamment le sacrifice de l’agneau de la Pâque, c’est-à-dire du Passage des Hébreux de l’esclavage en Égypte à la liberté de la Terre promise, qui nous est relaté dans la première lecture du livre de l’Exode. « Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau… »

Jésus ne donne donc pas seulement à ses apôtres le moyen d’être en communion avec Lui, mais également la force de tenir face au fléau du mal et de la mort. C’est pourquoi le fait de venir à la messe et de célébrer ensemble le sacrifice de Jésus sur l’autel est absolument vital pour l’Église et pour chacun d’entre nous.

Nous devons entendre cette parole forte de Jésus : « Faites cela en mémoire de moi ». Elle est un appel pour l’Église à célébrer sans cesse ce sacrifice, ce qu’elle a fait chaque jour depuis l’origine, mais également à chacun d’entre nous d’être fidèle à y participer. Non seulement pour notre dévotion personnelle, mais pour que l’Église, Corps mystique du Christ, se construise.

Nous venons souvent à la messe en nous disant peut-être que cela nous aide, nous apporte un réconfort, nous soutient dans la foi, ce qui est vrai évidemment… mais nous ne pensons pas toujours que lorsque nous venons à la messe nous contribuons aussi à faire grandir l’Église, et notre présence physique, et pas devant la messe à la télévision, nourrie par l’accueil de la Parole de Dieu, en communion avec les autres dans la prière, l’Action de grâce et la célébration du sacrifice eucharistique, est vraiment vitale. C’est en ce sens que le Concile Vatican II a rappelé que la messe était « la source et le sommet de toute la vie chrétienne[1] ».

Le deuxième signe que Jésus nous donne est le lavement des pieds relaté par saint Jean dans l’Évangile. C’est un geste très curieux, car normalement on lavait les pieds des invités plutôt avant de passer à table, et c’était un serviteur qui faisait cela ! Jésus le fait lui-même et au milieu du repas ! Ce geste est prophétique dans le sens où il est très provocateur et les apôtres ne l’oublieront jamais ! « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous »,dit Jésus.

Cet exemple n’est pas seulement une invitation à l’imiter, c’est un appel à le suivre, à s’engager derrière lui : « vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ». Cela nous concerne tous, quel que soit notre état de vie, célibataire, marié, laïque, clercs ou religieux. Nous qui avons été baptisés, confirmés et qui sommes devenus les membres du Christ.

Notre monde est inquiétant et le risque serait de nous refermer sur nous-mêmes. Le double message que nous laisse le Christ à la veille de donner sa vie pour le salut du monde, nous ouvre à la source de l’espérance, car en se donnant à nous dans le sacrement de l’Eucharistie, nous avons la certitude que Jésus nous délivre du mal et nous fait entrer dans sa vie divine, une vie que rien ne pourra détruire, pas même notre mort.

Et en nous invitant à nous mettre au service des autres dans l’humilité, il nous montre aussi comment nous pouvons grandir dans l’espérance en nous mettant au service de cette humanité blessée et que Jésus est venu sauver en nous y associant.

À partir de ce soir, nous allons suivre Jésus dans les derniers jours de sa vie terrestre. Laissons-nous toucher par les mots et les gestes par lesquels Jésus nous fait grandir dans l’espérance en nous montrant comment donner sens à ce que nous voulons faire de notre vie de disciple. Amen.

† Laurent DOGNIN 
Évêque de Quimper et Léon 


[1] Lumen Gentium nn. 11-12