Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps 23 (24) ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Frères et sœurs,
Cette année la Toussaint est célébrée au cœur de l’année jubilaire qui a pour thème la phrase de saint Paul : « l’espérance de déçoit pas ». Cette fête oriente notre regard vers un aspect essentiel de notre espérance, c’est celui de vivre pour toujours dans la gloire de Dieu, avec tous ceux qui ont « blanchi leur robe dans le sang de l’agneau » comme l’avons entendu dans la 1re lecture, c’est-à-dire qui sont délivrés de la mort par le don que Jésus a fait de sa vie sur la croix pour nous sauver. « Mettre en Dieu une telle espérance nous rend purs comme lui-même est pur. », nous dit saint Jean.
Je voudrais souligner trois aspects de cette espérance que révèlent ces textes : premièrement le Royaume des cieux est comme une grande famille ; deuxièmement, nous sommes tous appelés à être saints pour les rejoindre et troisièmement il y a une communion entre ceux qui sont déjà dans ce Royaume et nous.
D’abord le Royaume des Cieux est comme une grande famille. Dans l’apocalypse en première lecture, on parle de 144.000 « serviteurs de notre Dieu », puis d’« une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. »
Nous pouvons comprendre que le Salut n’est pas une espérance individuelle, c’est toute l’humanité qui est appelée à être sauvée et à se retrouver sans distinction de langue ou de race, autour du Christ, dans l’amour de Dieu comme dans une grande famille.
Même si chacun devra rendre compte personnellement devant le Seigneur de ce qu’il a vécu, le dessein de Dieu est bien de sauver toute l’humanité : « Quand j’aurai été élevé de terre, dit Jésus, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12, 32)et pas seulement sa propre personne, comme on peut l’entendre quelquefois dans les expressions populaires comme la dernière chanson à succès : « gagner mon ciel ». C’est pourquoi nous devons témoigner de notre foi pour permettre à d’autres d’entrer avec nous dans ce Royaume. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile », dit saint Paul. Cela doit nous habiter, y compris dans la nécessaire transmission de l’Évangile aux jeunes générations.
Deuxièmement, cette foule montre bien qu’être saints, ce n’est pas réservé à ceux qui sont béatifiés ou canonisés. S’ils le sont, c’est pour qu’ils soient reconnus officiellement comme des témoins inspirants, car nous avons besoin de leur témoignage pour nous encourager à imiter leur foi et leur engagement.
Le pape François, dans son exhortation apostolique Gaudete et Exsultate, sur l’appel à la Sainteté dans le monde actuel, nous en parlait clairement. Il est bon de nous rappeler que la sainteté est le but de toute notre existence. « Soyez saints, car moi le Seigneur, je suis Saint. » (Lv 20, 26), ou encore « Vous donc soyez parfait comme votre père céleste est parfait » comme nous le dit Jésus dans l’Évangile (Mt 5, 48).
Si nous devons avoir une ambition dans l’Église, ce n’est pas celle du pouvoir, mais celle d’être saint et de mettre nos talents au service de la mission de l’Église, quels que soient notre état de vie et notre vocation. Dans cette même exhortation apostolique, le pape François citait pour cela le texte des Béatitudes, que nous avons entendu dans l’Évangile de ce jour, et le présentait comme la carte d’identité du chrétien.
Pourquoi ? Parce que ce que demande Jésus dans les Béatitudes, c’est ce qu’il a vécu lui-même. C’est donc une manière pour Jésus de nous dire : « Suivez-moi, vous serez pardonnés et vous entrerez dans mon Royaume. » Les Béatitudes expriment clairement le chemin de la Sainteté à laquelle il nous appelle. Il y évoque la compassion, la charité active et engagée, mais aussi les persécutions. C’est pourquoi saint Jean dans l’Apocalypse parle de « la grande épreuve » en parlant de cette foule innombrable.
Qu’est-ce que la grande épreuve ? Spontanément, on pense aux martyrs, mais les martyrs, ce ne sont pas seulement ceux qui ont été tués au nom de leur foi ou en raison de leur engagement comme chrétien. Martyr, ça veut dire témoin. Nous sommes donc tous des martyrs lorsque nous nous efforçons de vivre les Béatitudes en faisant tout notre possible pour suivre Jésus et nous laisser transformer par son Esprit dans un monde qui lui est souvent opposé. Le pape François a parlé « des saints de la porte d’à côté » pour évoquer des personnes proches de nous qui sont, ou ont été pour nous de vrais témoins de l’amour de Dieu.
Donc la grande épreuve, c’est l’histoire de notre humanité dans laquelle nous sommes plongées et pour laquelle Jésus nous envoie en mission pour témoigner de son amour salvateur. Le renouvellement de la consécration de notre diocèse au Sacré-Cœur de Jésus le 14 décembre a bien cet objectif. Orienter toute notre existence et celle de notre Église vers le Cœur transpercé de Jésus d’où découlent toutes les grâces dont nous avons besoin pour être de fidèles témoins de son amour miséricordieux. Autrement dit, devenir des saints, langage souvent utilisé par saint Paul pour désigner les fidèles.
Enfin, troisièmement, ceux qui sont déjà auprès de Dieu sont en communion avec nous. C’est ce qu’on appelle la communion des saints, dans le Credo. Mais la communion des saints, qu’est-ce que c’est ?
C’est d’abord la prière que nous-mêmes élevons vers le Seigneur pour notre monde comme nous le faisons par exemple dans la prière universelle en communion avec les chrétiens du monde entier. Mais c’est aussi la prière que nous demandons aux Saints qui nous ont précédés. Autrement dit, une communion dans la prière que la mort ne peut pas séparer, car Jésus a vaincu la mort et, par les sacrements, il nous fait partager cette vie éternelle.
En conclusion, je dirai que nous sommes donc appelés à faire partie de cette foule immense de sauvés, mais comment serons-nous ?
C’est ce que saint Jean dit dans la 2e lecture, « ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ». Et de fait, cela trouvera son accomplissement à la résurrection finale quand Jésus reviendra pour juger les vivants et les morts. Saint Jean dit cependant que nous serons semblables à Lui « car nous le verrons tel qu’il est ».
Le passage de l’apocalypse nous montre bien une foule de personnes bien identifiées, de toutes nations, tribus, peuples et langue. Cela n’a rien à voir avec des esprits qui sont perdus dans le ciel comme on se le représente parfois, ou qui seraient dissous dans le nirvana comme certains le croient. Ce seront bien des personnes avec qui nous sommes déjà en communion. Saint Augustin réagit lorsqu’on utilise l’expression ; « j’ai perdu ma mère, j’ai perdu mon frère. » Il dit : « Jamais nous ne perdons ceux que nous aimons, car nous pouvons les aimer en Celui en qui rien ne se perd. », en parlant de Jésus bien sûr.
Frères et sœurs, cette fête de la Toussaint ouvre pour nous comme une fenêtre vers le paradis, une véritable communion dans l’amour de Dieu avec ceux qui nous ont précédés et qui ont été sauvés par le Cœur Sacré de Jésus. Oui, « Mettre en Dieu une telle espérance nous rend purs, comme lui-même est pur ». Amen.
+ Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon