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1er octobre 2022 — Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face — Messe d’Action de grâce pour le départ des Sœurs — Île Molène (29)

Is 66, 10-14 ; Ps 130 ; Mt 18, 1-5

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Chères Sœurs,

La Providence a voulu que cette messe d’Action de grâces, pour le départ des Sœurs, soit célébrée le jour de la fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Aussi, j’ai trouvé intéressant de revenir sur la vocation de sainte Thérèse, car, je trouve, que cela rejoint tout à fait ce que les Sœurs ont vécu ici, et ce que la communauté chrétienne continue et va continuer de vivre après le départ des Sœurs.

Vous savez que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, tout en étant au Carmel, continuait à chercher quelle était vraiment sa vocation, sa place dans l’Église. Elle rêvait d’être prêtre, d’être missionnaire… C’est finalement en méditant la première lettre aux Corinthiens, qu’elle découvre que l’Église est un corps, un corps mystique, et que dans le corps du Christ chacun à sa place particulière à prendre, en fonction du don de Dieu que chacun peut recevoir pour se mettre au service des autres. Elle entend surtout ce que dit saint Paul, que c’est l’amour qui est le don le plus parfait. Elle se dit donc que « [sa] vocation, c’est l’amour. » Vous allez me dire que cela n’a rien de très original, car c’est notre vocation à tous. Cependant, ce qui est intéressant, c’est la méditation qu’elle fait à partir de là. Puisqu’elle dit que s’il n’y a pas d’amour, aucune vocation ne peut se réaliser : « si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang. » L’amour fait battre le cœur de l’Église. C’est la source de toutes les vocations. Sa vocation, c’est donc l’amour, et elle conclut sa méditation par « dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour. »

Pourquoi évoquer cela avec vous aujourd’hui ? Tout d’abord, chère Jeannette, chère Marie-Louise, si votre communauté religieuse s’est installée ici à Molène, n’était-ce pas justement pour faire battre le cœur de l’Église à Molène ? Un cœur pour soutenir toutes les vocations de la communauté chrétienne ici. Mais aussi un cœur pour tous les habitants qui ne sont pas forcément chrétiens. Cela rejoint, je dirais, le charisme des sœurs de l’Immaculée Conception de Saint-Méen le Grand : une vocation toute de charité. L’amour en action. Nous avons entendu tout à l’heure ce que cela signifiait pour les Sœurs que d’avoir de l’amour : elles le manifestaient en étant enseignante, infirmière, pharmacienne, en faisant le Catéchisme, en préparant aux sacrements, en faisant l’animation liturgique, en s’occupant de la formation… et en ayant cette présence fraternelle auprès des personnes âgées ! Un amour qui n’est donc pas dans les nuages ni limité uniquement à la communauté chrétienne !
Mère saint Félix, la fondatrice des Sœurs de l’Immaculée Conception, rappelait l’importance de cette universalité de l’amour : « Cette charité a sa source dans le cœur sacré du divin Sauveur, qui nous a aimés avant tous les temps et dont la vie sur terre n’a été qu’un acte de cet amour qu’il perpétue dans l’éternité. La charité des sœurs ne s’arrêtera pas aux bornes de leur société. Notre Sauveur a répandu son sang pour tous les hommes. » C’est donc ce que la communauté a essayé de vivre ici à Molène, depuis le XIXe siècle, et encore aujourd’hui avec Jeannette et Marie-Louise qui terminent leur mission dans ce premier quart du XXIe siècle, et sans oublier Sœur Yvonne qui est décédée l’année dernière, mais qui reste bien présente dans notre cœur.
Alors, et maintenant ? Maintenant, il peut y avoir, évidemment, de la tristesse, et c’est bien normal ; tristesse pour les sœurs qui partent ; tristesse également pour les habitants de Molène qui voient partir une communauté qui existe ici depuis si longtemps. Mais, laissons-nous laisser toucher par cette parole du prophète Isaïe qui dit : « comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai. … Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs. »
En effet, le Seigneur est bien présent à Molène et il y a des chrétiens ! Et les sœurs ont favorisé une transition pour que la communauté chrétienne ici puisse vraiment prendre ses responsabilités ecclésiales. Vous, les chrétiens de Molène, êtes aussi appelés à vivre cette vocation à l’amour afin d’être vous-même dans le cœur qui fait battre l’Église, qui fait vivre toutes les vocations (par exemple, en rassemblant les gens pour la prière commune pour la liturgie, pour les funérailles, par l’attention que vous portez aux familles, à ceux qui sont seuls, à ceux qui sont éprouvés) au travers de toutes ces attitudes que le Seigneur nous pousse à vivre avec tout le monde, sans limites. C’est que nous entendons dans la lettre du prophète Isaïe : c’est le Seigneur qui agit à travers nous grâce à l’Esprit saint, c’est lui qui manifeste sa puissance d’amour. Il nous fait confiance.

Nous avons entendu aussi dans l’Évangile, Jésus nous dire « si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » Que veut-il nous dire dans cette parole ? Cela va dans le sens de tout ce que j’ai dit : il nous invite à l’humilité et à la confiance. Tout comme les enfants et petits-enfants font totalement confiance à leurs parents et se remettent totalement entre leurs mains et les suivent, nous aussi nous sommes appelés à suivre le Seigneur, à nous laisser conduire par l’Esprit saint tout simplement. À partir du moment où nous faisons cela, c’est le Seigneur qui agit en nous.
L’humilité aussi est importante. Nous ne sommes pas supérieurs aux autres. Ce n’est pas parce que l’on pense avoir la vocation et être au cœur de l’Église que l’on est supérieurs aux autres. Nous avons aussi notre péché. Nous avons cependant un trésor à partager : l’Évangile du Salut, et amour du Christ qui a donné sa vie pour nous et qui vient nous sauver.
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus disait : « je suis trop petite pour faire de grandes choses ». Pourtant, lorsque nous regardons sa vie, dans son humilité, sa simplicité, sa foi et sa confiance en Dieu, nous ne pouvons que constater que cela a permis de très grandes choses, bien au-delà de tout ce qu’elle pouvait imaginer ! Et cela continue à produire du fruit, encore aujourd’hui. Beaucoup d’entre nous pourraient également se dire qu’ils sont trop petits pour faire de grandes choses. Et pourtant… pourtant, voyez tout ce que le Seigneur fait !
Les Sœurs ont permis à de nombreuses personnes de découvrir l’Amour du Seigneur, d’être soutenues, consolées, encouragées, aussi, au nom du Christ, mais l’Église est toujours là. Les Sœurs ont planté, d’autres vont arroser, mais c’est toujours dans l’Action de grâce et aussi dans la prière que nous pouvons confier au Seigneur, les Sœurs bien sûr, mais aussi tous les chrétiens, leur curé et les prêtres qui viennent ici, tous les habitants de Molène. Confions-nous aussi à la prière de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Vous n’êtes pas trop petits pour faire de grandes choses ! Le Seigneur est bien là. Il manifeste sa puissance d’Amour. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon