Ne 2, 1-8 ; Ps 136 ; Lc 9, 57-62
Chers amis,
En cette messe de rentrée des étudiants et jeunes professionnels, l’Évangile de ce jour nous interroge sur ce que signifie être disciple de Jésus, avec ces trois personnes qui veulent suivre Jésus. Pourquoi, d’ailleurs, veulent-elles le suivre ? Nous pensons qu’elles ont entendu sa prédication et que ses paroles les ont touchées, et qu’ainsi elles peuvent penser que Jésus est vraiment le Messie attendu, ou en tout cas, celui qui peut les libérer du mal, les conduire sur un chemin de vie. Elles ont raison, bien sûr, de vouloir suivre Jésus pour cela, mais elles ne se rendent pas compte de ce que cela signifie. Elles ne se rendent pas compte à quoi cela engage d’être disciple de Jésus, à quoi cela engage de le suivre. L ’aumônerie des étudiants et des jeunes professionnels est précisément là pour vous aider à devenir disciples de Jésus et pour donner à chacun les moyens de le suivre.
Je voudrais évoquer avec vous trois aspects qui me semblent essentiels.
Tout d’abord, la connaissance de Jésus et de son message. Comme les disciples qui ont entendu Jésus leur parler, il est nécessaire de connaître la Bonne Nouvelle. Parmi vous, certains ne sont peut-être pas baptisés, mais sont en recherche. Ils peuvent trouver ici les moyens de connaître le message évangélique, première étape avant de se décider à suivre Jésus. D’autres sont baptisés et ont besoin d’approfondir leur foi, de pouvoir répondre aux questions qu’ils se posent ou que d’autres leur posent. Certains ont été catéchisés quand ils étaient plus jeunes, d’autres pas. Mais lorsque nous sommes à Bac + 2, +3, +4, +5, nous ne pouvons pas en même temps rester à Bac — 5 pour ce qui est de la connaissance de l’Évangile et de la foi chrétienne ! Surtout dans un contexte où notre foi est mise à l’épreuve dans une société qui s’en tient souvent à l’écart. Une foi qui a besoin d’être enracinée, solide, sur laquelle nous pouvons construire. Comme dans l’Évangile avec ces trois personnes, le Seigneur met dans notre cœur une soif de le connaître et de le suivre, et c’est peut-être pour cela que nous sommes ici, ce soir.
À nous, bien sûr, de nous mettre à l’écoute de sa Parole pour savoir ce qu’il attend de nous.
Le deuxième aspect est de recevoir le don de Dieu dans les sacrements : baptême, l’Eucharistie, la confirmation…
Parce que devenir disciple de Jésus, ce n’est pas seulement intellectuel, et même d’ailleurs pas d’abord intellectuel, car même des personnes qui n’ont pas fait d’études ou des personnes handicapées mentales peuvent tout à fait être disciple de Jésus.
Devenir disciple de Jésus, c’est d’abord une rencontre avec la personne de Jésus qui est vivant au milieu de nous, et même une amitié que nous pouvons avoir avec lui comme il nous le dit lui-même. Ceux qui veulent suivre Jésus dans l’Évangile l’ont bien compris et c’est pour cela qu’ils veulent être disciples de Jésus. Pour nous, cela se vit dans la prière, mais aussi parce que le Seigneur nous donne sa grâce lui-même dans les sacrements : le baptême, la communion à la messe, la confirmation et le sacrement du pardon. Certains parmi vous se préparent à recevoir les sacrements ou vont s’y préparer. Lorsque nous mettons notre foi en Jésus, cela change beaucoup de choses dans notre vie.
Comme l’écrivait le pape François dans Evangelii Gaudium au numéro 1, « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. » C’est pour cette raison que j’ai décidé de renouveler la consécration, le 14 décembre prochain, de notre diocèse au Sacré-Cœur de Jésus, c’est-à-dire à l’amour incommensurable qu’il a pour notre humanité et pour chacun d’entre nous. Cette consécration est un appel fort à raviver en nous notre amour du Christ qui puise dans son cœur la force d’aimer les autres en toutes circonstances.
Et puis enfin, il y a la joie de pouvoir suivre Jésus et de témoigner de son amour.
En cette fête de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, il est intéressant de faire mémoire de cette jeune fille entrée au Carmel à quinze ans et décédée de la tuberculose à vingt-quatre ans dans le même Carmel de Lisieux. Une petite religieuse qui semblait insignifiante, y compris pour ses consœurs, et qui pourtant a non seulement été canonisée, mais a également été déclarée docteur de l’Église et patronne des missions. Pourquoi docteur de l’Église ? Parce que ses écrits, qui sont publiés aujourd’hui sous forme de ses œuvres complètes, sont une véritable thèse de doctorat sur l’amour de Dieu. En effet, elle a su nous révéler avec un langage simple et profond cet amour de Dieu et a bouleversé des millions de personnes à travers le monde. Son « enseignement » touche toutes les couches de la société, des intellectuels aux personnes les plus simples.
Cet amour de Dieu, elle l’a vécu elle-même dans sa chair, dans la vie communautaire, évidemment, qui n’est jamais facile, mais aussi dans son agonie extrêmement douloureuse qu’elle a vécue en communion avec celle de Jésus sur la croix. Sainte Thérèse, qui a longtemps cherché sa vocation, l’a trouvée dans le cœur de Jésus qui, pour elle et pour nous aussi, est le cœur de l’Église, et a déclaré : « Ma vocation, c’est l’amour » (Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Manuscrits autobiographiques, C 37v). Et de faire remarquer que l’amour venant du cœur du Christ fait vivre toutes les vocations. « Je compris, dit-elle, que l’amour avec un grand A seul faisait agir les membres de l’Église, et que si l’amour venait à s’éteindre, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les martyrs refuseraient de verser leur sang …». Nous pourrions ajouter : les religieux, les religieuses, les mariés, les célibataires, tous les baptisés, qui ont à témoigner de la joie de l’Évangile, ne pourraient vraiment pas porter du fruit sans cet amour venant du cœur de Jésus et qui irrigue toute la vie de ses disciples.
Dans l’Évangile, suivre Jésus ne paraît pas simple, car il demande une totale disponibilité. Or, nous avons des résistances internes. Jésus évoque déjà deux grandes résistances dans le texte que nous venons d’entendre.
La première : les contraintes matérielles qui peuvent faire obstacle. « Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête », dit Jésus. Pour nous, les contraintes matérielles peuvent être le manque de temps, trop de soucis matériels, trop de travail, qui pourraient nous empêcher de prier, de venir à l’aumônerie, d’aller à la messe.
La deuxième contrainte : les liens affectifs qui peuvent être aussi un frein. Lorsque Jésus dit : « Laisse les morts enterrer leurs morts, toi, pars et annonce le règne de Dieu », il ne nie pas l’importance des liens affectifs ; famille et amis sont essentiels dans notre vie, mais ne doivent pas constituer un obstacle à notre disponibilité à le suivre.
Devenir disciple de Jésus suppose un engagement comme je le disais au début ! La foi chrétienne, ce n’est pas un petit truc en plus. C’est toute la vie qui est transformée. C’est une vie nouvelle, comme dit saint Paul en parlant du baptême (Cf. Rm 6,4).
Pour terminer, je souligne que cette rentrée se vit au cœur de l’année jubilaire des 2025 ans de la naissance du Christ. L’année jubilaire est une année de grâce pour nous laisser toucher par l’amour de Dieu, pour nous (re)mettre en route à la suite de Jésus, pour nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres, pour recevoir les grâces du pardon de Dieu qui guérit toutes nos blessures. Une année de grâce pour que nous devenions des pèlerins d’espérance dans notre humanité souffrante, en nous mettant debout pour agir avec les autres, soutenus et nourris par l’amour de Jésus, comme le dit sainte Thérèse. Une année favorable pour devenir ou redevenir disciple de Jésus et être témoins de son amour en ce monde, témoins de la joie et de la paix qu’il nous donne. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon