Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  21 mars 2021 — 5° dimanche de Carême — Église Saint-Marc — Brest (29)

21 mars 2021 — 5° dimanche de Carême — Église Saint-Marc — Brest (29)

Jr 31, 31-34 ; Ps 50 ; He 5, 7-9 ; Jn 12, 20-33

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et Sœurs,

Dans quelques instants, nous allons célébrer le 3° scrutin de Marguerite et le baptême de Victor. Il n’est pas habituel de célébrer un baptême durant le Carême, mais aujourd’hui, cela fait déjà ressortir la promesse que nous fait le Seigneur de vivre pour toujours avec Lui ; un aspect de la foi que ce scrutin veut faire ressortir, et les textes d’aujourd’hui nous aident à entrer davantage dans ce Mystère.

Dans la 1° lecture, Jérémie donne bien le sens de ce qu’est un scrutin : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. », c’est Dieu qui parle. De fait, dans les scrutins, nous demandons à Dieu, dans la prière de scruter le cœur des catéchumènes pour leur apporter la lumière de la foi afin de discerner ce qui est mauvais et ce qu’il faut changer, mais aussi ce qui est beau et bon pour le faire grandir et le développer. Chaque scrutin met en exergue un aspect essentiel de la vie chrétienne. Dans le 3°, c’est justement le fait que Jésus est venu pour nous donner la vie éternelle. Cette promesse, il l’exprime clairement à Marthe dans le récit de la résurrection de Lazare (Jn 11), où il lui dit : « Moi je suis la Résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Cette question de Jésus est posée aujourd’hui aux catéchumènes, à Marguerite, mais à nous également. Cette parole de Jésus soulève beaucoup de questions que les textes de ce jour éclairent en partie.

Tout d’abord, la vie éternelle n’a rien d’automatique ! À l’occasion d’un décès, il n’est pas rare d’entendre ; « il est là-haut maintenant. » Mais, dans le livre de la Genèse, il est dit autre chose. En effet, Yahvé Dieu dit à Adam : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière. » Notre destinée naturelle n’est donc pas là-haut ; elle est bien en bas, sous la terre, dans un retour à la nature. Pourtant, dès la création, Dieu a planté un arbre de vie au milieu du jardin d’Eden, mais cet arbre reste inaccessible à Adam et Ève. Et, Yahvé Dieu dit : « Maintenant, ne permettons pas qu’il avance la main, qu’il cueille aussi le fruit de l’arbre de vie, qu’il en mange et vive éternellement ! » (Gn 3, 22)
Or, désormais, après la longue histoire du Salut, et l’Avènement de Jésus sur la terre, cet arbre de vie n’est plus enfermé dans le jardin d’Eden, mais planté au milieu de nous, accessible à tous moyennant la foi, bien sûr ! C’est la Croix du Jésus. C’est ce que nous dit l’Évangile : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. ». « Élevé » peut se comprendre de deux manières ici. Soit par la mort de Jésus qui est élevé sur la Croix, mais aussi par sa résurrection et sa victoire sur le mal et la mort où il sera élevé au Ciel.
Comme le dit aussi l’auteur de la lettre aux Hébreux : « il est devenu pour tous ceux qui obéissent la cause du salut éternel. »
Jésus est le seul qui puisse, nous qui ne sommes que poussière, nous faire entrer dans la vie éternelle. Car il est Dieu et par le don de sa vie par amour, il nous délivre du péché qui conduit à la mort. La croix est donc bien cet arbre de vie et ses fruits, ce sont l’Évangile, sa parole de vérité, mais aussi les sacrements : le baptême que va recevoir aujourd’hui Victor, et bientôt Marguerite, la confirmation, l’eucharistie que nous célébrons, mais aussi les autres sacrements qui en découlent que sont le mariage — que beaucoup de jeunes délaissent aujourd’hui, car ils n’ont pas compris qu’il faisait partie intégrante des fruits de cet arbre de vie — mais aussi l’ordination des diacres, des prêtres, des Évêques (comme va le vivre bientôt le Père Gérard LE STANG). N’oublions pas le sacrement de Pénitence et de Réconciliation qui est aussi un des fruits de cet arbre pour tous les baptisés afin de nous faire grandir dans une parfaite fidélité, car Jésus a bien dit à Marthe : « Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » Ce n’est pas seulement la foi en Jésus, c’est aussi la vie en Jésus ! Cette parole de Jésus nous dit bien que la vie éternelle n’est pas un dû, mais un don. Il y a des conditions pour recevoir ce don, comme nous l’avons entendu dans l’Évangile de ce jour : « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » Cette parole n’a rien à voir avec un instinct suicidaire, car Jésus ajoute aussitôt : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive, et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. ».
Quand Jésus nous invite à nous détacher du monde, c’est totalement différent de ne pas vivre dans le monde ! Non, au contraire, il s’agit de vivre pleinement dans ce monde. Mais ce que Jésus appelle « le monde » dans l’Évangile de saint Jean, c’est toujours le revers de la médaille, c’est-à-dire tout ce qui, en ce monde, nous détourne de Dieu, de sa Parole, de l’amour des autres, de l’espérance et de la vérité. Bref, Jésus nous invite donc à le suivre, lui, et non pas à suivre nos désirs individuels qui nous détournent du chemin de vie sur lequel il nous appelle à le suivre.
Par rapport à la vie éternelle promise, une autre question se pose : avec quel corps allons-nous ressusciter ? L’Évangile du jour nous donne des indices et nous dit : « Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. » Cette image, saint Paul la développe dans le chapitre 15 de sa première lettre aux Corinthiens qui est entièrement consacré à cette question de la résurrection des corps. Il dit bien que la chair et le sang n’hériteront pas du Royaume de Dieu et qu’il faut que notre corps corruptible devienne incorruptible. Nous devrons être transformés à l’image du Christ ressuscité, qui est apparu à ses disciples non pas comme un cadavre qui serait réanimé, mais comme une personne bien vivante portant tout de même les traces de son sacrifice ! C’est pour nous un grand Mystère, mais Jésus qui a montré qu’il pouvait rendre la vie à Lazare et qui a vaincu la mort, peut faire cela pour nous !

En ce temps de Carême, Marguerite est appelée par ce scrutin que nous allons célébrer à présent, à se laisser toucher par la grâce de la foi et par le changement de vie que cela entraîne ! Et, nous aussi, Frères et Sœurs, nous avons besoin pendant le Carême de raviver notre foi, notre espérance et notre charité avec au cœur cette promesse de vie éternelle qu’il nous donne déjà et que Victor va recevoir par le baptême. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon