Is 61, 1-3.10-11 ; Ps 33 ; Mt 5, 1-12
Frères et sœurs,
Cette année, le pardon de Notre-Dame des Portes a lieu durant l’année jubilaire des 2025 ans de la naissance du Christ. Une année sainte où le Seigneur nous tend la main pour nous délivrer du mal et nous combler de nombreuses grâces pour nous et nos familles, mais aussi pour le monde qui en a tant besoin. Le pape François nous invitait au seuil de cette année jubilaire à être des pèlerins de l’espérance.
Il n’avait pas choisi ce thème au hasard ! Il est clair que la situation du monde actuel et le flot d’informations qui nous viennent du monde entier avec les guerres, les violences, les effets dévastateurs du changement climatique obscurcissent en nous les belles choses qui se font en ce monde. Avec le risque de perdre l’espérance et de nous refermer sur nous-mêmes !
Le Pape nous invitait donc à retrouver les sources de notre espérance, à en reconnaître les effets dans notre vie et à accueillir toutes les grâces que le Seigneur nous donne pour nous encourager à grandir dans cette espérance et à en témoigner. Et c’est pourquoi il rappelait que cette année jubilaire était « l’occasion de ranimer l’espérance. »
Or, la Vierge Marie nous introduit pleinement dans cette espérance puisqu’elle demeure pour nous le modèle du pèlerin de l’espérance au point qu’on lui donne aussi le titre de Mère de l’Espérance. Durant ce pardon, j’aimerais souligner à quel point Notre-Dame des Portes nous ouvre les portes de l’espérance et nous défend contre les assauts du mal et de la violence.
Car, pourquoi la Vierge Marie est-elle vénérée ici sous le vocable de Notre-Dame des Portes ?
Pour ce que j’ai pu en lire, durant la guerre de la Ligue au 16e siècle, une statue de la Vierge Marie avait été placée sur le rempart pour protéger les habitants de Châteauneuf-du-Faou. La Vierge Marie étant donc invoqué ici comme garante de la solidité des portes qui protégeait les habitants et donc contre les assauts des soldats de la Ligue, et nous pouvons y voir aussi de façon plus large, celle qui nous protège non seulement des assauts extérieurs, mais aussi des assauts intérieurs. Je veux parler « du péché qui nous entrave si bien », dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux (He 12,1).
Marie est mère de l’espérance, car elle nous invite à la suivre sur le chemin de la sainteté, à dire oui, comme elle, à l’appel du Seigneur. À nous laisser purifier par le sang du Christ qui a donné sa vie pour nous.
Marie est mère de l’espérance en nous faisant progresser sur tous les chemins qui nous écartent du mal. En cela, nous pourrions l’appeler Notre-Dame de la porte de la conversion et l’Évangile des Béatitudes que nous venons d’entendre nous en donne les clefs.
Le pape François écrivait dans son exhortation Gaudete et Exsultate que ce passage d’évangile sur les béatitudes était « la carte d’identité du chrétien. » Pourquoi dit-il cela ?
Parce qu’« à travers celles-ci se dessine le visage du Maître que nous sommes appelés à révéler dans le quotidien de nos vies. »
D’abord, il faut reconnaître que ces appels du Christ vont à contre-courant de ce qui est habituel et de ce qui se fait dans la société. Il nous invite donc à réagir pour ne pas nous laisser entraîner dans une manière de vivre qui ouvrirait la porte au mal, mais au contraire pour faire de notre vie une source d’amour, de justice et de paix au sein de nos familles et de la société.
Je voudrais souligner trois appels qui apparaissent nettement dans les béatitudes et pour lesquels nous pouvons invoquer Notre-Dame des Portes pour nous y encourager et nous soutenir.
1. Un appel à la pauvreté de cœur, à l’humilité. Dans l’opinion publique, l’humilité peut apparaître comme une faiblesse et il est vrai qu’elle peut engendrer des humiliations injustes. Jésus l’évoque d’ailleurs à la fin du texte en parlant des persécutions. Mais le manque d’humilité est aussi source de grandes souffrances. Elle est source de conflits dans les couples, dans les familles, au travail, dans nos relations de voisinage, dans nos paroisses et dans la société. De nombreux conflits quotidiens trouvent leur source dans le manque d’humilité. En étant attachés mordicus à notre point de vue, à nos méthodes, nous pouvons en arriver à croire que nos convictions personnelles sont La vérité et que les autres doivent s’aligner sur notre manière de voir les choses.
L’humilité est donc une force, car elle nous permet de nous décentrer de nous-mêmes en considérant les autres comme supérieurs à nous-mêmes et cela change complètement les relations avec les autres. La Vierge Marie est le modèle de l’humilité, car elle ne s’est jamais mise en avant, et pourtant sa présence auprès de Jésus jusqu’au pied de la croix a manifesté une grande force intérieure. Notre-Dame des Portes, protège-nous contre le manque d’humilité et ses conséquences désastreuses.
2. Un appel à la miséricorde. Le mot qui est formé de cœur et de misère exprime de façon très belle l’amour que Dieu a pour nous. Non seulement il nous accorde son pardon lorsque nous nous tournons vers lui, mais il nous accueille comme l’enfant prodigue dans la joie de sa maison.
Dans les béatitudes, nous sommes appelés à être nous aussi miséricordieux vis-à-vis de ceux qui nous font du mal.
Il paraît si difficile aujourd’hui de se demander pardon ! Même entre conjoints, même en famille, même entre amis. Pourtant, comme le dit le Pape : « Il faut savoir que tous, nous constituons une armée de gens pardonnés. Nous tous, nous avons bénéficié de la compassion divine. » Pourquoi avons-nous tant de mal à prononcer cette phrase : « je te demande pardon » et « je te pardonne », comme si ça nous brûlait les lèvres ! N’est-ce pas justement que nous ne voulons pas nous humilier devant l’autre ? N’est-ce pas le signe de notre orgueil ?
C’est aussi par notre manque d’humilité et peut-être aussi de foi que nous ne faisons pas la démarche de recevoir le Sacrement du Pardon. Pourtant, le Seigneur n’attend qu’un geste de notre part pour nous pardonner et nous combler de sa miséricorde. Par le Sacrement du Pardon, il nous donne aussi la force de surmonter nos défaillances pour grandir en sainteté.
Notre-Dame des Portes, aidez-nous à oser demander pardon pour nos fautes et à pardonner à ceux qui nous ont fait du mal.
3. Enfin un appel à la douceur et à être artisans de paix. Il n’est pas nécessaire d’être sociologue pour constater une augmentation de la violence au sein de notre monde, mais aussi de notre société, même au sein de notre Église et parfois aussi au sein de nos familles. Violences verbales, ou sur les réseaux sociaux, qui peuvent aller jusqu’aux violences sur les personnes.
Notre-Dame des Portes, protégez-nous contre ces violences et protégez-nous pour que nous ne soyons pas nous-mêmes source de violence dans nos attitudes et nos paroles. Priez pour que nous ayons le courage d’être des artisans de paix là où nous vivons en devenant ainsi pour les autres des pèlerins de l’espérance.
Frères et sœurs, Notre-Dame des Portes a été invoquée ici autrefois pour protéger la population de la violence et de la mort. Qu’elle nous protège contre les assauts du mal tels qu’ils se manifestent aujourd’hui de différentes manières, mais aussi contre ceux qui viennent de nous et qui attendent de nous une conversion. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon