Tout commence avec le Christ. La rencontre personnelle avec Jésus de Nazareth nous marque et donne une nouvelle orientation à notre vie, car elle est bouleversante. Il nous attire à lui, nous rassemble et, par conséquent, nous invite à être et à marcher ensemble. C’est là le point de départ de toute démarche synodale et missionnaire.
Dans la grâce de l’Esprit Saint, cette rencontre amène à des conversions personnelles et communautaires. La première de toutes ces conversions nous tourne et nous oriente vers Dieu lui-même : le peuple saint de Dieu que nous formons par grâce est appelé à confesser et à célébrer la Gloire de Dieu-Trinité.
La démarche des orientations diocésaines 2025 et sa vision pastorale sont liées à ces rencontres que chacun de nous a pu avoir avec le Christ Jésus. Leur retentissement dans nos vies nous pousse à témoigner vers ceux qui le cherchent, vers ceux qui ne le connaissent pas.
Dans la dynamique du kérygme (l’annonce de la foi en Jésus-Christ mort et ressuscité), il s’agit de confesser et d’annoncer le salut que Dieu offre à tous, faisant de ses disciples
« un peuple ardent à faire le bien » (Tite 2, 14).
Un diocèse hier florissant…
Notre diocèse est une terre de vieille chrétienté au passé glorieux, inscrit encore aujourd’hui dans le patrimoine (plus de 1200 églises et chapelles, des milliers de calvaires au bord des chemins) et dans la culture populaire (près de 600 Pardons célébrés chaque année). Cela se manifeste tout particulièrement dans la dévotion mariale et s’exprime par la force et la poésie de la langue bretonne dont les nombreux cantiques sont un trésor.
En vérité, il y a là un signe que véritablement Dieu est à l’œuvre dans notre « Penn ar Bed » et que l’Esprit Saint le féconde de ses dons.
Ces dons sont le fruit d’une longue et patiente œuvre d’évangélisation depuis saint Paul Aurélien, saint Corentin, saint Guénolé… Depuis lors, des milliers de fidèles (laïcs, prêtres, religieux et religieuses) ont annoncé la Bonne Nouvelle de l’Évangile sur les terres de Cornouaille, du Léon et du Trégor, proposant les sacrements de l’Église, ouvrant des écoles pour enseigner les enfants et les adolescents et des dispensaires pour soigner les malades et les plus pauvres. Dans notre histoire proche, les Mouvements d’Action Catholique ont largement contribué à former des chrétiens engagés dans la société et dans l’Église tant dans les zones urbaines que dans le rural contribuant à propager une forte culture de l’engagement associatif dans le Finistère.
Précédemment, un très grand nombre de missionnaires (prêtres, religieux, religieuses) ont également traversé les océans pour faire connaître le Christ sur tous les continents.
Aujourd’hui plus modeste…
Mais le présent est celui d’une Église moins nombreuse et moins reconnue : le taux de pratique dominicale est à 2 %, les baptêmes d’enfants, les confirmations d’adolescents, les mariages, les funérailles à l’église sont en diminution. L’exemple de l’Enseignement catholique illustre bien ce paradoxe de notre Église diocésaine : 268 établissements catholiques scolarisent 43 % des élèves du département, mais moins de 10 % des familles les choisissent par conviction religieuse.
Il faut reconnaître aussi l’impact qu’a eu dans la société et dans l’Église la révélation d’abus commis par des membres de l’Église, notamment dans les années 1960-1990. Nous devons assumer ce passé en reconnaissant nos propres manquements, demander humblement pardon et prendre soin des victimes, ainsi que nous doter d’outils de prévention et nous efforcer de reconstruire la confiance mutuelle dans le Seigneur (cf. Synode sur la synodalité, Document final, n° 55).
Aujourd’hui, les structures et les forces vives de notre diocèse sont fortement réduites : 20 paroisses (dont 4 dans la ville de Brest), 168 prêtres (dont 68 de moins de 75 ans, parmi lesquels près de la moitié sont étrangers ou religieux), 3 séminaristes, 35 religieux, 221 religieuses, 45 diacres permanents… et de très nombreux bénévoles. Cette année, pour la première fois dans notre histoire, le nombre de diacres permanents de moins de 75 ans a rejoint celui des prêtres originaires de notre diocèse de la même tranche d’âge, soit 38. Nous constatons aussi depuis de nombreuses années une diminution conséquente des Mouvements d’Action Catholique ainsi que des communautés religieuses apostoliques.
Certaines paroisses sont confiées à des communautés de prêtres : Pères de Saint-Jacques et Communauté Saint-Martin. Il existe aujourd’hui des lieux où la messe est célébrée en latin, desservis par les prêtres diocésains pour ne pas faire de la liturgie l’étendard d’une Église à part. À cela, il faudrait ajouter encore la présence de plusieurs communautés de religieuses et de prêtres intégristes sur notre territoire, mais dont certains veulent maintenir un lien à l’Église diocésaine.
D’un autre côté, en plus des communautés déjà existantes, des communautés de chrétiens protestants évangéliques se sont implantées, ainsi que des communautés musulmanes.
Mais en parallèle, la culture a perdu son fond chrétien : aujourd’hui, dans une librairie, on peut trouver une étagère « religion & ésotérisme » dont un tiers est consacré au christianisme, islam et judaïsme, et les deux-tiers aux médiums, magnétiseurs, astrologie, paranormal.
Cela évoque la phrase de Gilbert Keith CHESTERTON3 : « Depuis que les hommes ne croient plus en Dieu, ce n’est pas qu’ils ne croient plus en rien, c’est qu’ils sont prêts à croire en tout. »
Cette fragilité se ressent au sein même des familles, avec des familles monoparentales ou recomposées de plus en plus nombreuses dans le diocèse. Beaucoup d’enfants et d’adolescents font un chemin de foi qui bouscule leurs parents, avec parfois les difficultés d’avoir leur accord.
Demain rayonnant…
Et pourtant, cette situation révèle aussi le potentiel de notre diocèse. Si la présence de l’Église en zone rurale devient un défi, nos paroisses sont implantées au sein d’un réseau de villes moyennes reliées par de bonnes infrastructures routières. Cinq sanctuaires sont répartis sur le diocèse ainsi que plusieurs maisons d’accueil et monastères qui sont autant de foyers de vie spirituelle.
Paradoxalement, alors qu’il est plus difficile aujourd’hui d’assumer d’être chrétien, il y a aussi plus de gens à vouloir devenir chrétiens : les baptêmes et confirmations d’adultes sont en nette croissance, parfois provoqués par l’ardeur religieuse de leurs propres enfants. Si notre diocèse peine à accueillir les vocations sacerdotales et religieuses, des vocations continuent à naître dans le Finistère, mais souvent pour aller ailleurs. Au contraire, lors des vacances, notre diocèse accueille un grand afflux de personnes, dont des chrétiens très pratiquants, et spécialement sur le bord de mer.
Enfin, notre diocèse dispose d’un réseau au service de la Pastorale des jeunes et des vocations créatif et joyeux, d’un nombre incalculable de fidèles engagés au sein des mouvements, des services paroissiaux et diocésains. Parmi ceux-ci, l’implication avec les plus pauvres est très marquée, notamment grâce à la mission de l’équipe diocésaine
« Place et Parole des Pauvres », mais également à travers les actions des associations caritatives, telles que le Secours catholique.
Cette ferveur apostolique est importante à cultiver et à encourager aujourd’hui dans nos familles, nos paroisses, nos communautés, car elle est signe que Dieu appelle son Église à servir.
Qui seront ces baptisés qui s’engageront à la suite du Christ, en lui consacrant leur vie ? Qui seront les prêtres, diacres, religieuses et religieux, personnes consacrées, missionnaires de l’Évangile dans notre diocèse ?
Ce regard porté sur l’Église diocésaine nous ouvre sans cesse aux réalités de notre environnement social et à ses évolutions. De nombreuses attentes se manifestent pour vivre dans une société humainement plus digne, plus juste et fécondant la paix. Les impasses de la croissance à tout prix, les ruptures et les violences, la montée des individualismes, les guerres, les menaces climatiques agitent le monde et lui font souvent perdre la « boussole », générant bien des souffrances. Au-delà de ces drames, des hommes et des femmes, des jeunes notamment, expriment leur soif de vivre. Dans la confiance, ils cherchent à développer la fraternité et à dessiner un avenir porteur de sens. En écho à ces attentes, l’Église de Jésus propose un chemin par lequel on se met à l’écoute les uns des autres, en apportant soutien et réconfort, en participant aussi à la transformation de notre monde aimé de Dieu. Au cœur de la mission d’évangélisation, les familles, les jeunes, les personnes en marge des rouages économiques ou sociaux sont invités à partager les dons
de la vie et à être porteurs d’Espérance.
Cette visée existentielle est fondamentale quant à notre vie à chacun, à chacune. Elle provoque tout à la fois la quête personnelle de sens et les raisons de réussir
notre « vivre-ensemble ». Toujours, nous avons tous besoin de nous fonder dans cette espérance : toute vie est appelée à la vie divine, à la communion avec le Créateur par le Salut dans le Christ Jésus. Cela nous invite à une posture d’écoute et de dialogue.
« Beaucoup demandent : qui nous fera voir le bonheur ? »
À ce cri de prière, la foi du psalmiste répond avec force et espérance :
« Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage ! » (Ps 4, 7)
Aujourd’hui encore, c’est le cri de l’Église ! Cri de foi, mêlant la joie de croire au souci du bonheur de l’être humain. Oui, Dieu aime notre monde ! Oui, Dieu seul offre le vrai
chemin du bonheur, défiant même la mort : chemin illuminé par le Christ Jésus lui-même, « Dieu-avec-nous » ; chemin lumineux d’épanouissement dans l’Esprit Saint du Ressuscité.
Le premier fruit de Pâques est la fraternité, telle l’invitation du Ressuscité vers Marie-Madeleine : « Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17b).
Il est notre compagnon de route et de table : « Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux (…) Il entra donc pour rester avec eux » (Lc 24, 15b. 29b).
Cette fraternité dans le Christ fonde ainsi une manière d’être ensemble (un « syn-odos » = marcher ensemble) qui ouvre à la relation et à l’échange : parler ensemble, pour marcher et avancer ensemble ! Cette expérience de Pâques nous met en mouvement ; elle est comme un fruit et un appel de l’Esprit Saint.
« Nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, et membres les uns des autres, chacun pour sa part » (Rm 12, 5)
Nous voulons poursuivre l’aventure de l’Église du Christ et apporter encore aujourd’hui une contribution décisive à l’humanisation de notre monde.
Et nous croyons que les belles et diverses réalités qui font le quotidien de notre Église diocésaine en ce Finistère continueront à faire surgir bien des choses bonnes et belles pour tous.
Mais, dès les origines de l’Église, l’Apôtre Paul nous rappelle qu’il ne s’agit pas tant de faire nombre que de faire signe ! Toujours, il associe la vitalité et la croissance de l’Église à sa fécondité. Aussi la qualité évangélique de la communauté ecclésiale passe toujours et d’abord par la prière et la méditation de la Parole de Dieu, fondant ainsi sa consistance spirituelle et fraternelle.
C’est en ce sens, dans l’homélie de la messe au lendemain de son élection, que le pape Léon XIV a souhaité que l’Église « soit toujours plus la ville placée sur la montagne (cf. Ap 21, 10), l‘arche du salut qui navigue sur les flots de l‘histoire, phare qui éclaire les nuits du monde ». Et cela, a-t-il poursuivi, « non pas tant grâce à la magnificence de ses structures ou à la grandeur de ses constructions –comme les édifices dans lesquels nous nous trouvons– mais à travers la sainteté de ses membres, de ce “peuple que Dieu s‘est acquis pour proclamer les œuvres admirables de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière
(1 P 2, 9)” » (Léon XIV, messe Pro Ecclesia, 9 mai 2025).
En cette étape de la vie de notre diocèse, nous faisons nôtre à nouveau l’affirmation des Pères du Concile Vatican II : « (…) Nous nous donnerons tout entiers à cette œuvre de rénovation spirituelle pour que l’Église, aussi bien dans ses chefs que dans ses membres, présente au monde le visage attirant du Christ qui brille dans nos cœurs “pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu” » (Message du Concile Vatican II à tous les hommes, 20 octobre 1962).
Ainsi l’Église confesse la foi au Dieu Vivant ; elle célèbre le Mystère de Dieu ; elle annonce le salut dans le Christ.
En tout, elle se reçoit de Dieu ! « Pèlerins d’Espérance », nous voudrions toujours resplendir du Christ !
Ainsi selon la belle image proposée par saint Ambroise, l’Église est comparée à la lune parce qu’elle ne brille pas de sa propre lumière, mais de celle du Christ
(Mysterium Lunae 4).
3 Gilbert Keith CHESTERTON, 1874-1936, écrivain anglais, apologète du christianisme.
4 « Le symbolisme le plus florissant, le plus scintillant de métaphores et d’analogies, introduit l’Église partout où émerge une pensée de Dieu sur l’humanité à sauver : l’Église est navire, l’Église est arche, l’Église est atelier, l’Église est temple, l’Église est cité de Dieu ; et saint Ambroise arrive même à comparer l’Église à la lune, dans les phases de croissance et de décroissance de laquelle se reflètent les vicissitudes de l’Église qui plonge et se redresse sans jamais sombrer, parce que “fulget Ecclesia non suo sed Christi lumine”, elle ne resplendit pas de sa propre lumière, mais de celle du Christ .» (Cardinal MONTINI, Milan, 7.12.1958)